Sous la blouse, la flamme - L'Infirmière Libérale Magazine n° 289 du 01/02/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 289 du 01/02/2013

 

RHÔNE (69)

Initiatives

Depuis maintenant quinze ans, Mickaël Bardoux travaille aux côtés des sapeurs-pompiers du Rhône. Un engagement citoyen qu’il mène parallèlement à sa carrière d’infirmier libéral.

Sept heures du matin. Une dizaine de bippeurs retentissent dans la caserne de pompiers de Tassin-la-Demi-Lune, en Rhône-Alpes. Les pompiers se retrouvent dans le hall du bâtiment. Après une minute de silence pour ceux décédés en intervention, le chef de garde fait l’appel et organise les groupes pour la journée. Quelques instants seulement après la constitution des équipes, les bippeurs se remettent à sonner : une fuite de gaz s’est produite dans une commune voisine. Une intervention à laquelle Mickaël Bardoux, infirmier sapeur-pompier depuis 2006, participe. « Je vais effectuer une mission de soutien sanitaire, explique-t-il en enfilant son casque et sa tenue. J’assure la sécurité des pompiers et je réalise l’expertise sanitaire pour la population. » Dans le Véhicule de secours médical (VSM), un autre pompier, l’équipier conducteur, le conduit sur les lieux de l’intervention.

En tant que pompier volontaire, Mickaël effectue, aux côtés des pompiers de Tassin, deux gardes de 12 heures par mois. « Le matin, avant de partir en intervention, je fais l’inventaire du matériel dans le VSM afin de m’assurer que l’équipement est au complet », précise Mickaël, qui doit également faire l’inventaire de la pharmacie. L’infirmier pompier intervient à Tassin, mais il est rattaché à la caserne de Bully, située à quelques kilomètres, où il doit effectuer au minimum 60?heures dans le mois selon un système d’astreinte. Outre ces deux fonctions en tant qu’infirmier sapeur-pompier volontaire, il exerce également comme moniteur de secourisme. Dans ce cadre, il effectue des visites médicales tous les mois et dispense des formations aux pompiers. Pour cela, il doit lui-même suivre des formations annuelles de maintien des acquis (FMA) avec une journée de secourisme pour revoir la méthodologie, trois jours sur les protocoles de soins d’urgence, une journée basée sur la sécurité avec une révision des techniques et une demi-journée de formation sur les visites médicales.

La découverte du milieu

Cela fait maintenant quinze ans que Mickaël est pompier volontaire. Un choix dicté par les aléas de la vie : « À 15 ans, j’ai eu un accident de mobylette, et ce sont les pompiers qui m’ont secouru, raconte-t-il. Dès la fin de mon hospitalisation, je suis allé les voir pour leur dire que je voulais devenir pompier volontaire. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Parallèlement à sa vie de lycéen, il suit, pendant ses vacances scolaires, des formations incendie et secourisme. Puis il décide d’embrasser une carrière d’infirmier car, à l’origine, il voulait exercer dans les services d’urgence. Une fois diplômé de l’Ifsi de Lyon, en 2006, Mickaël poursuit son engagement chez les pompiers, mais en tant qu’infirmier sapeur-pompier. Il est alors rattaché au Service de santé et de secours médical du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) du Rhône. « Le diplôme d’État suffit, indique-t-il. Mais il faut tout de même suivre une formation de secourisme, que j’avais déjà faite, et une formation aux protocoles de soins d’urgence. » Les infirmiers doivent en effet s’approprier les techniques car, comme à l’hôpital, ils peuvent être amenés à travailler sur protocoles. « Les 22 protocoles avec lesquels nous travaillons sont départementaux, poursuit Mickaël. Nous sommes l’un des départements où les protocoles sont les plus riches – c’est d’ailleurs très intéressant pour le travail des infirmiers –, ce qui n’est pas le cas dans tous les départements. »

Néanmoins, intégrer un casernement de pompiers demande beaucoup d’adaptation. Il y a une phase de découverte et d’immersion permettant de s’ajuster à la spécificité du milieu des sapeurs-pompiers. « Ce n’est pas facile : soit ça passe, soit ça casse. » Comme Mickaël était déjà sapeur-pompier avant de s’engager comme infirmier sapeur-pompier, son intégration en a été d’autant plus facile. « Dans le département, les infirmiers n’interviennent auprès des pompiers que depuis six, sept ans. Pour être acceptés par ces derniers, les infirmiers doivent éviter d’arriver en terrain conquis et faire preuve d’une certaine humilité. » Et d’ajouter : « Les pompiers ne sont pas habitués à être accompagnés par un infirmier. C’est nouveau pour eux, donc certains montrent quelques réticences. Cependant, nous ne sommes pas là pour prendre leur travail, mais pour les aider, pour faire, entre autres, du complément de bilan. »

Personnellement compliqué, professionnellement enrichissant

Toute cette activité pose néanmoins quelques contraintes à la vie personnelle de Mickaël. « J’étais déjà pompier lorsque j’ai rencontré mon épouse, également infirmière. Elle l’accepte, car elle sait que c’est important pour moi. Mais cela a un prix pour la vie de famille. » Mickaël a conscience de mettre sa vie en danger, même s’il est moins exposé aux risques que les autres pompiers. « C’est dans le cadre des accidents de la route, lorsque nous médicalisons quelqu’un sur l’autoroute et que nous sommes exposés aux automobilistes, que je suis le plus en danger. »

Professionnellement, cet engagement lui sert énormément, car il lui permet d’exercer son activité chez les pompiers, d’exploiter son travail en autonomie et d’avoir un avancement dans son parcours chez les pompiers. Il apprécie le travail d’expertise et la responsabilité que lui donne cette fonction. « Humainement, c’est très enrichissant : je travaille avec les pompiers qui m’apportent une autre façon de voir les choses et je collabore avec l’équipe du Samu et les forces de police. » Et de poursuivre : « J’ai évolué dans ma carrière, j’ai fait le choix d’arrêter d’être pompier car j’ai trouvé une compensation. La technicité des incendies, le travail avec les appareils respiratoires ou encore le découpage des voitures me manquent. L’aspect technique peut être grisant. Mais je continue d’aller sur les lieux et de voir mes collègues travailler. » Pour Mickaël, il s’agit d’un réel engagement personnel et citoyen.

Son activité libérale

Cependant, cette activité d’infirmier sapeur-pompier n’est pas la seule de Mickaël, qui exerce également en tant qu’infirmier libéral à Pontcharra-sur-Turdine, dans l’Ouest lyonnais. « J’aime le libéral, car j’y trouve une autonomie de travail, comme chez les pompiers. » Il apprécie d’être maître de la condition dans laquelle il exécute son métier, de la façon dont il le réalise, de l’information qu’il délivre au patient. « Certes, l’acte est prescrit, mais on a une liberté d’adaptation dans les conditions de réalisation de l’acte. On peut s’épanouir dans l’activité d’infirmier quand on ne se limite pas à la prescription d’actes et qu’on utilise toutes les facettes du métier : c’est de la créativité. » Certains de ses patients savent qu’il est également infirmier sapeur-pompier. « J’ai déjà pris en charge mes patients en tant que pompier, c’est un avantage car je connais leur histoire de vie, la pathologie. » Cette activité libérale prime d’ailleurs sur son activité de pompier. « Je donne mes disponibilités aux pompiers en fonction de mes gardes en libéral. » Mickaël n’est infirmier libéral que depuis trois ans.

Organiser les plannings

C’est en janvier 2011 qu’il devient collaborateur au sein du cabinet où il est remplaçant depuis un peu plus de deux ans. « Je n’ai pas eu à faire l’effort de me constituer une clientèle. Je me suis greffé à ce cabinet pour répondre à une demande de mes collègues. » Il y travaille sept à dix jours par mois, essentiellement pour les décharger. De ce fait, ils organisent leurs plannings plusieurs mois à l’avance. « Nous anticipons l’organisation des plannings pour que tout le monde y trouve son compte, et cela me permet de donner mes disponibilités aux pompiers. »

Mickaël s’intéresse également à la sophrologie. Il est d’ailleurs titulaire d’un diplôme. À plus long terme, il souhaiterait ouvrir une consultation de sophrologie, mais il n’a pas encore trouvé le temps de le faire. « Pour le moment, j’ai trouvé le bon équilibre. Mais rien n’est figé. »

Devenir infirmier sapeur-pompier

Deux possibilités pour être infirmier sapeur-pompier : le détachement de la fonction publique hospitalière vers la territoriale (sous réserve de l’autorisation de l’employeur), et le concours sur titres organisé par la Direction de la sécurité civile. Pour cette dernière option, des conditions sont requises : être de nationalité française, jouir de ses droits civiques, remplir les conditions d’aptitude médicales et physiques, avoir 40 ans au plus tard au 1er janvier de l’année du concours, être titulaire du diplôme d’État d’infirmier ou d’une autorisation d’exercer la profession d’infirmier ou d’un titre de qualification admis comme équivalent et figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la Santé. Le concours comprend une épreuve d’admissibilité, composée d’un examen du dossier d’inscription, et l’admission se fait sur entretien avec un jury. Après délibération du jury, les candidats admis sont inscrits sur une liste d’aptitude nationale valable trois ans. Le candidat doit alors rechercher un poste vacant. Les dates des concours sont disponibles sur le site du ministère de l’Intérieur dans la rubrique Métiers de la sécurité civile.

Source : emploipublic.fr