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L'infirmière Libérale Magazine n° 288 du 01/01/2013

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

FINANCEMENT → Le PLFSS adopté pour 2013 prévoit une série d’expérimentations impliquant les professionnels de santé libéraux dans de nouvelles formes d’organisation des soins. Une petite révolution qui s’accompagne de nouveaux modes de rémunérations forfaitaires.

Influer sur l’organisation des soins pour aller vers une prise en charge de meilleure qualité pour les patients et plus efficiente pour les finances publiques, telle est l’une des ambitions du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013. Pour ce faire, le PLFSS, adopté définitivement le 3 décembre à l’Assemblée nationale(1), prévoit d’expérimenter pendant cinq ans une diversification des modes de rémunérations des professionnels de santé de ville travaillant en équipe pour offrir certains services : coordination des soins, éducation thérapeutique, prévention, dépistage, prise en charge de cas complexes, continuité des soins. « La France a pris du retard en matière de coopération interprofessionnelle », note le député Olivier Véran (Isère, PS). Il s’agit donc d’« aller beaucoup plus vite sur la mise en place d’équipes territoriales de santé ».

L’article 45 permet ainsi de verser, en plus des rémunérations à l’acte existantes, des rémunérations forfaitaires annuelles aux maisons, centres ou professionnels de santé libéraux qui se coordonneront pour offrir les nouveaux services visés.

Équipes informelles

Si les structures pluriprofessionnelles sont une cible naturelle pour ces rémunérations forfaitaires, des équipes plus informelles, notamment le binôme médecin-infirmière libérale ou le trio médecin-infirmière-pharmacien, sont aussi susceptibles de mener des actions coordonnées autour du patient, pour gérer les parcours les plus complexes : personnes âgées, insuffisants cardiaques, diabétiques, etc. Pour être rémunérées, elles passeront par des structures juridiques plus légères, de type société interprofessionnelle de soins ambulatoires ou association.

Le montant des forfaits sera fonction de trois types de critères : quantitatifs (nombre de patients pris en charge), services rendus (délai pour des soins non programmés, horaires d’ouverture, etc.) et résultats obtenus en termes de santé publique, évalués grâce à des indicateurs de performance. Pour garantir l’acceptabilité du dispositif par les professionnels libéraux, le gouvernement a souhaité que ces rémunérations soient négociées par les partenaires conventionnels. Des contrats-types feront donc l’objet d’accords conventionnels interprofessionnels entre l’Union nationale des Caisses d’assurance maladie (Uncam) et les organisations syndicales représentatives des professionnels de santé concernés. Des contrats identiques pourront ensuite être passés entre les maisons, centres ou professionnels de santé volontaires, les Agences régionales de santé (ARS) et les Caisses primaires d’Assurance maladie (CPAM).

« Boîte à outils »

Le calendrier fixé par le gouvernement prévoit un déploiement de la négociation conventionnelle de janvier à avril 2013, suivi d’une phase de contractualisation entre les parties, pour des premiers versements à compter de septembre prochain. Compte tenu de la montée en charge du dispositif, l’impact financier en est estimé à 30 millions d’euros en 2014, puis 18,5 millions d’euros supplémentaires chaque année à partir de 2015. Le gouvernement fonde ses projections sur les montants versés dans le cadre du module 1 des expérimentations des nouveaux modes de rémunération prévus par l’article 44 de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008, destinés à financer la coordination entre professionnels de santé au sein des maisons de santé, soit quelque 50 000 euros par structure en 2012.

La première année, les nouvelles rémunérations forfaitaires devraient bénéficier aux maisons et centres de santé existants(2). Le gouvernement vise ainsi 30 % de médecins généralistes regroupés en 2017, soit près de 16 500 médecins. Le député Christian Paul (Nièvre, PS), rapporteur du PLFSS, a été très clair : « Les maisons et centres de santé sont les nouveaux modèles que nous souhaitons encourager, y compris pour l’exercice libéral.» Le dispositif doit s’entendre comme « une boîte à outils » incitative, renchérit Olivier Véran. « Il ne s’agit pas de contraindre, mais d’ouvrir des possibilités », insiste le député à l’origine de plusieurs amendements au texte : « Toutes les maisons pluridisciplinaires n’ont pas vocation à faire de la permanence des soins. »

Tiers-payant

L’article 54 du PLFSS prévoit par ailleurs que les structures, équipes ou professionnels visés à l’article 45 pourront participer pendant trois ans à une expérimentation de tiers-payant partiel (si l’assuré n’a pas de complémentaire) ou intégral (s’il en a une) des soins de ville dispensés aux patients qu’ils suivront, l’objectif étant, à terme, de généraliser le tiers payant intégral « pour éviter que certains patients se présentent dans des services hospitaliers d’urgences pour des raisons financières et non médicales », a fait valoir la ministre de la Santé Marisol Touraine.

Du côté de l’Union nationale des professionnels de santé (UNPS), on se félicite que les rémunérations forfaitaires fassent l’objet de négociations conventionnelles interprofessionnelles. Mais « l’UNPS conteste que l’argent soit donné à une structure », préférant « que ce soit versé à chaque professionnel », indique son trésorier général adjoint Marcel Affergan. Un modèle dont le gouvernement veut précisément sortir. « Cela change tout », prévient Marcel Affergan, qui y voit la préfiguration d’« un autre système de santé ». À titre personnel cependant, le président de Convergence infirmière pointe « la concurrence des structures » de type « Ssiad et HAD », qui, « déjà organisées, sont partantes » pour emprunter ce nouveau chemin. S’ils ne trouvent pas de « synergies sur le terrain », les libéraux de santé risquent « d’être marginalisés, ringardisés », craint-il. Et de conclure : « Il nous faut une coordination promue par les libéraux, sinon j’ai peur que ce soient les structures qui définissent le modèle de santé de demain. »

(1) Après avoir été rejeté deux fois par le Sénat.

(2) Quelque 375 maisons et pôles de santé et 325 centres de santé polyvalents en 2013, lesquels ne seront pas tous éligibles aux rémunérations forfaitaires.

Parcours de santé des personnes âgées

Le PLFSS prévoit également des expérimentations sur le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie (amélioration des sorties d’hôpital, coordination en médecine ambulatoire, recueils partagés d’indicateurs de pratiques, etc.). Menées pendant cinq ans, dans le cadre de projets pilotes, elles impliqueront des professionnels de santé, des établissements de santé et médico-sociaux publics et privés, des collectivités territoriales volontaires et des organismes complémentaires d’Assurance maladie. Un arrêté fixera les territoires concernés et le cahier des charges des expérimentations, dont le pilotage relèvera des Agences régionales de santé (ARS). Des crédits du Fonds d’intervention régional spécialement fléchés vers ces expérimentations pourront financer des forfaits de coordination, des Ssiad, etc.

C.A.