MISE EN DANGER DÉLIBÉRÉE DE LA PERSONNE D’AUTRUI - L'Infirmière Libérale Magazine n° 288 du 01/01/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 288 du 01/01/2013

 

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FICHE PRATIQUE

Il peut sembler étrange d’évoquer la situation d’un professionnel de santé qui mettrait en danger, de façon délibérée, la vie de son patient. Pourtant, même s’ils sont rares, de tels faits existent et font l’objet de condamnations devant les tribunaux correctionnels. Explications.

Rappelons en tout premier lieu que la responsabilité pénale d’un professionnel de santé ne peut être engagée que sur la base d’un article de loi précis. Ainsi, la mise en danger délibérée de la personne d’autrui est définie à l’article 223-1 du Code pénal comme le « fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ».

Quatre types de preuve cumulatives

Pour que la responsabilité du praticien soit engagée, il convient de démontrer :

→ l’existence d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ;

→ la violation manifestement délibérée de cette obligation ;

→ l’existence pour autrui d’un risque immédiat de blessure ou de mort ;

→ et l’exposition directe d’autrui à ce risque.

Ces quatre éléments se cumulent, ce qui signifie qu’il ne suffit pas de démontrer, par exemple, la violation d’une obligation de sécurité, mais également d’apporter la preuve que cette violation était délibérée et qu’elle a exposé directement le patient à un risque immédiat de mort ou de blessures.

En pratique

L’obligation doit présenter un caractère suffisamment précis et imposer un mode de conduite circonstancié.

Ainsi, la méconnaissance par un médecin des obligations du Code de la Santé publique définissant des règles générales de conduite – engagement à assurer des soins consciencieux – ne répond pas à ces conditions (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 mars 2008).

En revanche, l’article R. 4312-29 du Code de la santé publique qui dispose « l’infirmier ou l’infirmière applique et respecte la prescription médicale écrite, datée et signée par le médecin prescripteur ainsi que les protocoles thérapeutiques et des soins d’urgence que celui-ci a déterminés » édicte une obligation particulière.

→ Dans une première affaire, qui révéla une succession de fautes et de carences dans les soins prodigués par un infirmier libéral à un patient, à savoir notamment un surdosage dans l’administration d’un médicament, la Cour de cassation casse l’arrêt d’une cour d’appel qui avait condamné le praticien pour mise en danger de la vie d’autrui, considérant que les experts n’avaient pas été en mesure de démontrer que ce surdosage avait exposé le patient à un risque direct de mort ou d’infirmité permanente (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 octobre 2009).

→ Il en fut tout autrement dans un autre cas. Un médecin établit, pour une infirmière chargée de dispenser des soins à une patiente diabétique, une prescription médicale prévoyant la réalisation de trois injections quotidiennes d’insuline, après contrôle du taux de glycémie, la dose d’insuline à administrer étant en effet proportionnelle à ce taux. L’infirmière, dans le cadre de l’enquête, a reconnu n’avoir procédé qu’à une seule injection quotidienne d’insuline. La patiente finit par présenter une rétinopathie de l’œil droit, constituant une séquelle imputable en partie à l’absence d’injection d’insuline. Pour les juges, la professionnelle a directement exposé la patiente à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. En effet, le risque lié à un traitement inadapté du diabète et notamment celui de rétinopathie, cause possible de cécité, était connu. L’infirmière a été condamnée à deux ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis et une mise à l’épreuve ainsi qu’à deux ans d’interdiction d’exercer la profession d’infirmière (arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 6 septembre 2005).

Obligations de l’infirmière

Rappelons que si l’infirmière n’a pas à porter de jugement sur le traitement prescrit par un médecin, elle doit cependant s’assurer, avant d’exécuter une prescription, de sa conformité, de l’avoir parfaitement comprise, d’avoir les compétences et les connaissances nécessaires pour exécuter les soins et que les doses prescrites correspondent aux normes habituelles.