Évaluer le risque de chutes - L'Infirmière Libérale Magazine n° 287 du 01/12/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 287 du 01/12/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Une observation globale de la situation de la personne âgée permet de bien identifier les facteurs de risque modifiables à l’aide d’outils simples de dépistage. Cette évaluation multifactorielle doit permettre la mise en place d’une intervention multifactorielle pouvant impliquer plusieurs professionnels de santé et du secteur médico-social.

Madame G., 67 ans, vous parle de la chute de sa voisine. Elle se demande si elle-même ne serait pas également susceptible de chuter.

Vous lui proposez de faire le test Timed up and go permettant d’évaluer son aptitude à se lever et à marcher. Ce test peut être complété par le test de l’appui unipodal (lire plus loin).

LES PERSONNES A RISQUE

L’âge augmente le risque de chutes. Ce risque est accru pour les femmes en raison de leur fragilité physique. L’isolement, qui touche davantage les femmes âgées, augmente aussi le risque de chutes, mais surtout le temps passé au sol avant d’être secouru, ce qui peut aggraver la perte d’autonomie.

ÉVALUATION DU RISQUE

Historique des chutes

Une personne ayant déjà chuté présente un risque significativement plus élevé de chuter à nouveau par rapport à une personne ne rapportant aucune histoire de chute antérieure. La première étape consiste donc à rechercher d’éventuelles chutes antérieures dans l’année précédente (voir tableau page ci-contre).

Test Timed up and go

Réalisation du test

Le test Timed up and go (TUG), ou “test de la chaise chronométré”, consiste à mesurer, à l’aide d’un chronomètre, le temps qu’une personne âgée met à se lever d’une chaise avec accoudoir, sans se tenir à un support (les aides habituelles comme une canne sont autorisées), à parcourir 3 mètres, à se tourner et à revenir s’asseoir. Un essai est effectué avant l’évaluation pour vérifier que la personne a bien compris l’exercice.

Résultats du TUG

→ Une ou plusieurs chutes durant l’année écoulée et TUG supérieur à 14 secondes : risque élevé de chuter à nouveau. Recommandations : évaluation approfondie, conseils et exercices adaptés aux problèmes détectés par un programme multifactoriel personnalisé.

→ Une ou plusieurs chutes durant l’année écoulée, mais TUG inférieur à 14 secondes ou pas de chute pendant l’année écoulée mais TUG supérieur à 14 secondes : risque modéré de chuter à nouveau. Recommandations : évaluation minimale de certains facteurs de risque, suivie d’une intervention spécifique sur le ou les facteur(s) de risque dépistés. Les personnes âgées peuvent également être orientées vers un programme multifactoriel de prévention des chutes.

→ Pas de chute durant l’année écoulée et TUG inférieur à 14 secondes : risque faible ou absent de chuter. Recommandations : évaluation minimale de certains facteurs de risque, suivie d’une intervention spécifique sur le ou les facteur(s) de risque dépistés. Les personnes âgées peuvent également être orientées vers un programme de promotion de la santé et de la sécurité, ou vers un programme de prévention primaire des risques de chutes.

Ce test requiert une certaine expertise clinique pour son interprétation. Il peut être effectué par un médecin ou un intervenant bien formé.

Le test de l’appui unipodal

Ce test qui évalue l’équilibre consiste à chronométrer le temps qu’une personne peut tenir sur une jambe. Ce test peut être mené par l’infirmière.

Préparation du test

Demander au sujet de mettre les mains sur les hanches, de garder cette position durant toute la durée du test et de se positionner le sujet à un bras de distance du mur.

Expliquer à la personne qu’elle doit se tenir sur la jambe de son choix et lever l’autre pied à mi-mollet de la jambe d’appui. Le but est de conserver cette position le plus longtemps possible sans prendre appui. Le pied qui lève ne doit pas toucher le mollet de la jambe d’appui et être bien dégagé du sol avec le genou plié. Faire une démonstration.

Évaluation

Le chronométrage commence dès que le sujet soulève le pied du sol, et il s’arrête si le sujet pose le pied, s’il modifie la position de ses bras ou au bout de 5 secondes si la personne a maintenu la position. Il est utile de faire deux ou trois essais.

Résultat

Les patients qui ne parviennent pas à se maintenir durant 5 secondes sur un pied ont un risque de chutes plus élevé.

CLASSIFICATION DU RISQUE

Personnes à risque élevé de chutes

Les personnes à risque élevé de chute ont habituellement une notion de chute antérieure et un TUG positif. Toutefois, une personne ayant chuté plusieurs fois dans l’année peut être considérée comme à risque élevé de chutes malgré un test TUG négatif.

Une évaluation approfondie est alors fortement recommandée pour dépister les facteurs de risque de chutes spécifiques. Cette évaluation multidisciplinaire s’effectue de préférence pendant les activités quotidiennes de la personne (locomotion, toilette, habillage, cuisine…), dans son propre environnement. Cela présente en plus l’avantage d’impliquer la personne âgée et son entourage dans la prévention des risques de chute. Une nouvelle évaluation est recommandée au bout de quelques mois, pour mesurer les changements et encourager les personnes âgées à poursuivre leurs actions préventives.

Personne à risque modéré ou faible de chute

Si les personnes ont une notion de chute antérieure ou un TUG positif, le risque de chutes est modéré. Si aucune notion de chute antérieure n’est retrouvée et que le TUG est négatif, le risque de chutes est faible (ou absent).

Pour la première catégorie de personnes, il est recommandé de procéder à une évaluation approfondie des facteurs de risque suivants : prise de médicaments, dangers du domicile, pathologies chroniques ou aiguës. Pour la seconde, c’est surtout sur les règles d’hygiène de vie (maintien d’une activité physique quotidienne, régime alimentaire équilibré, etc.) qu’il faut insister.

Point de vue…
François Puisieux, professeur de gériatrie au CHRU de Lille (59)

« L’Idel peut évaluer le risque »

« En tant que professionnelle de santé à domicile, l’infirmière libérale a une place privilégiée dans l’évaluation du risque de chutes des personnes âgées. Elle connaît l’historique de son patient et apprécie au jour le jour ses capacités. Elle peut également faire des tests simples comme le Timed up and go et le test de l’appui unipodal. En cas de risque faible de chutes, elle peut donner des conseils simples sur l’aménagement du domicile, l’alimentation, le maintien d’un exercice physique quotidien. Pour les personnes plus à risque, elle peut recenser les facteurs de risque afin d’en alerter le médecin traitant et proposer des solutions simples à mettre en place. Dans l’idéal, la consultation d’un ergothérapeute – qui évalue le patient dans son domicile, propose des aides matérielles et apprend au patient à les utiliser – complète l’évaluation environnementale. Mais ces consultations sont difficiles à mettre en place en raison de l’accès difficile à l’ergothérapeute. L’infirmière libérale a aussi un rôle de relais dans l’éducation des patients mis en place par les équipes spécialisées. »