Fins de vie, soigner la dignité - L'Infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

ÉTHIQUE→ Les personnes en fin de vie n’ont pas seulement besoin de médicaments contre la douleur. Leur souffrance peut se situer ailleurs. Une véritable réflexion éthique pluridisciplinaire peut aider à mieux les accompagner.

Autrefois, on associait soins palliatifs et maladie cancéreuse. La question de l’accompagnement de la fin de vie s’est désormais bien élargie. Elle est aussi l’une de celles qui soulèvent le plus d’interrogations dans le domaine de l’éthique à tous les soignants, au sein de l’hôpital ou en ville.

C’est la raison pour laquelle Emmanuel Hirsch, directeur de l’Espace éthique de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), a décidé de faire publier Fins de vie, éthique et société (éditions Érès) au printemps dernier. Dans ce livre incontournable, on trouve des témoignages et des analyses de plus de soixante auteurs, médecins, assistantes sociales, philosophes, sociologues, cadres de santé, etc.

Parmi ceux-ci, le professeur Gilbert Desfosses, chef de service soins palliatifs aux Diaconesses, à Paris, qui s’est penché sur le travail des équipes mobiles de soins palliatifs. Il se préoccupe néanmoins des liens entre la ville et l’hôpital : « 20 % de nos patients font des allers-retours entre le domicile et notre service. L’interface entre l’hôpital et l’extérieur est généralement le médecin généraliste. Mais les mentalités doivent évoluer vers des prises en charge en équipe au domicile », affirme-t-il.

Mais qu’il s’agisse d’hospitalisation ou de soins à domicile, un certain nombre de problématiques se ressemblent. Dont celle de l’écoute : « Les gens ressentent des angoisses spécifiques. L’important, c’est qu’ils puissent les partager, qu’ils se sentent écoutés ou compris. Nous ne sommes pas là pour plaquer un modèle de belle mort. Il n’y en a pas », poursuit le médecin.

Accueillir sa vie telle qu’elle est

Et, sur le sujet brûlant de l’euthanasie, mis en avant par les politiques durant ces derniers mois, le professeur Desfosses ne mâche pas ses mots : « Je pense fondamentalement que tuer n’est pas soigner. Tuer, c’est de l’ordre de la transgression. On peut d’ailleurs constater que la plupart des gens qui disent, un jour, vouloir mourir, voient la vie autrement le lendemain. Accepter l’euthanasie, c’est valider que les malades sont de trop », termine-t-il.

Même son de cloche chez Marie-Sylvie Richard, médecin à Jeanne Garnier et professeur d’éthique médicale : « En général, on a plutôt envie de bien vivre que de mourir. Provoquer la mort ne fait pas partie du soin », affirme-t-elle avec conviction, tout en appelant de ses vœux « des progrès dans l’écoute des malades » et un meilleur travail en équipe de manière à « étudier ensemble le bénéfice des patients ».

La révolte face à l’annonce

Et s’il est bien une expression que ce médecin déteste, c’est celle de “prise en charge”, car il s’agit justement d’éviter à tout prix que les gens se perçoivent comme des charges. Le chapitre dont elle est l’auteur s’intitule “Soigner en fin de vie et donner sens à ce qui se vit”. Marie-Sylvie Richard y dépeint avec sensibilité ce qui se passe dans l’esprit d’une personne à qui l’on vient d’annoncer qu’elle est atteinte d’une pathologie à l’issue fatale : « Révolte, colère, culpabilité, résignation, sentiment d’injustice peuvent envahir le malade et ses proches. »

Par la suite, c’est le tissu social lui-même qui tend à se désagréger autour de quelqu’un qui devient de plus en plus dépendant des autres.

Ce constat étant fait, l’auteure s’applique ensuite à expliquer comment accompagner les patients, les écouter. « Soignants et bénévoles peuvent ainsi aider le malade à accueillir sa vie telle qu’elle est, avec ses richesses, ses limites, ses échecs », écrit-elle encore.

Et, sur le rôle des infirmières libérales accompagnant leurs patients dans ces moments difficiles, laissons le mot de la fin à Emmanuel Hirsch : « Les infirmières libérales sont sur un accompagnement au long cours. Elles sont plus que d’autres en capacité d’anticiper les difficultés. »