Les antalgiques opiacés faibles - L'Infirmière Libérale Magazine n° 285 du 01/10/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 285 du 01/10/2012

 

Un médicament

Cahier de formation

LE POINT SUR

Il y a deux ans, la décision de retirer du marché les médicaments contenant du dextropropoxyphène, qui figuraient parmi les antalgiques les plus prescrits, a conduit à revoir la prise en charge des douleurs modérées à intenses chez l’adulte.

Évaluation de la douleur

→ L’évaluation de la douleur est nécessaire à sa prise en charge, le traitement antalgique faisant appel à des paliers successifs qui dépendent de l’intensité de la douleur. Celle-ci peut être appréciée par différentes échelles, dont l’échelle verbale simple, l’échelle numérique ou l’échelle visuelle analogique (EVA). Une douleur est considérée comme modérée lorsqu’elle est notée comme supérieure à 4 sur l’EVA, intense lorsqu’elle est supérieure à 7.

→ Le traitement des douleurs nociceptives d’intensité modérée à intense, et ne répondant pas (ou insuffisamment) aux antalgiques de palier I (paracétamol, aspirine, AINS) aux doses maximales tolérées, fait appel aux antalgiques dits de palier II, représentés par les antalgiques opiacés faibles, par opposition aux opiacés forts (dérivés morphiniques, constituant le palier III).

Les antalgiques opiacés faibles

→ Il s’agit de la codéine, de la dihydrocodéine, du tramadol et de la poudre d’opium.

→ Au niveau hépatique, la codéine est transformée en morphine par les cytochromes 2D6. Or certains patients ne possèdent pas (ou peu) de cytochromes 2D6, ce qui explique que la codéine puisse être inefficace chez 10 à 15 % de la population.

→ La dihydrocodéine (Dicodin) est une prodrogue de la codéine.

→ Le tramadol (Contramal, Monoalgic, Topalgic, Zamudol…) a un mécanisme d’action double : il exerce une action opioïde et inhibe la recapture neuronale de la sérotonine et de la noradrénaline. Son action sérotoninergique lui confère un intérêt dans le traitement des douleurs à composante neurogène, mais l’implique dans de potentielles interactions médicamenteuses.

→ Des associations fixes d’antalgiques de palier ? I et de molécules de palier II sont disponibles, comme Sédaspir (codéine + aspirine + caféine), Novacétol (codéine + aspirine + paracétamol), Antarène codéiné (codéine + ibuprofène), Lamaline (opium + paracétamol + codéine) ou encore Ixprim et Zaldiar (associations de tramadol et de paracétamol). Elles permettent de diminuer la dose d’opioïde. L’association paracétamol et codéine (Algisédal, Codoliprane, Dafalgan codéiné, Lindilane, etc.) est recommandée par l’OMS en raison de l’addition des effets antalgiques des deux principes actifs et de la similitude de leur profil pharmacocinétique.

Principaux effets indésirables

→ Les effets indésirables des opiacés faibles sont liés d’une part à leur action dépressive sur le système nerveux central, se manifestant par une somnolence diurne, des vertiges, une altération de la vigilance, voire de la confusion (déconseiller la conduite automobile et la consommation d’alcool pour ne pas majorer la sédation), et d’autre part à leur action sur la musculature lisse, notamment au niveau du tube digestif, à l’origine de nausées/vomissements et de constipation (le patient doit consommer plus de fibres et boire suffisamment d’eau).

→ En cas d’utilisation prolongée à fortes doses, une pharmacodépendance peut s’observer avec un risque de syndrome de sevrage à l’arrêt brutal (anxiété, nervosité, agitation, tremblements troubles gastro-intestinaux).

→ Une rétention urinaire (due à une augmentation de la contraction du sphincter lisse) est possible sous codéine, notamment chez les patients dont la fonction rénale est altérée.

→ Codéine et dihydrocodéine peuvent être responsables de détresse respiratoire, aux doses usuelles, comme le tramadol en surdosage.

→ Le tramadol peut être responsable de convulsions épileptiformes aux doses recommandées. Ce risque est accru lors de son utilisation à doses élevées, ou en cas d’association aux antidépresseurs tricycliques ou aux antipsychotiques, qui abaissent le seuil épileptogène. Les patients épileptiques ou susceptibles de convulser ne doivent être traités par tramadol qu’en cas d’absolue nécessité.

Principales contre-indications

→ Codéine et dihydrocodéine sont contre-indiquées chez l’asthmatique, l’insuffisant respiratoire et l’insuffisant hépatique.

→ Le tramadol est contre-indiqué chez les épileptiques non contrôlés par un traitement.

Principales interactions

→ L’association des antalgiques opiacés faibles aux autres dépresseurs du système nerveux (y compris à l’alcool) majore le risque de somnolence.

→ Le tramadol, du fait de son action sérotoninergique, interagit avec les Imao (Inhibiteurs de la monoamine oxydase, médicaments utilisés principalement comme antidépresseurs ou comme antiparkinsoniens) et avec les IRS (antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine), du fait d’un risque de syndrome sérotoninergique (confusion, agitation, fièvre, sueur, myoclonies, diarrhées).

Grossesse et allaitement

→ L’utilisation chronique de dérivés opiacés chez la femme enceinte peut provoquer un syndrome de sevrage néo-natal, et des doses élevées (même sur une courte durée) en fin de grossesse exposent le nouveau-né à un risque de dépression respiratoire.

→ L’utilisation ponctuelle de codéine peut être envisagée au cours de la grossesse, quel que soit le terme. Le tramadol traverse la barrière placentaire et ne doit pas être utilisé au cours du premier trimestre de la grossesse. À partir du deuxième trimestre, le tramadol peut être utilisé ponctuellement et de façon prudente. La dihydrocodéine ne doit pas être utilisée pendant le premier trimestre de la grossesse (manque d’information sur le risque de passage placentaire). Son utilisation en fin de grossesse doit être prudente. La poudre d’opium est, quant à elle, contre-indiquée chez la femme enceinte.

→ Chez la femme allaitante, la codéine et le tramadol peuvent être utilisés, mais seulement de façon ponctuelle : leur utilisation chronique est contre-indiquée (0,1 % de la dose de tramadol est excrété dans le lait maternel). En raison d’un manque de données concernant son passage dans le lait maternel, la dihydrocodéine ne doit pas être utilisée pendant l’allaitement. La poudre d’opium est contre-indiquée pendant l’allaitement.

Sources : www.ansm.sante.fr, “Prise en charge des douleurs de l’adulte modérées à intenses” ; Le Pharmacien de France n° 1213 de 2009, page 32, “Le Di-Antalvic a vécu” ; Vidal 2012 ; Vidal recos 4e édition, page 610, “Douleur de l’adulte”.

Arrêt de commercialisation du dextropropoxyphène (DXP)

→ Dérivé de la méthadone, le DXP, commercialisé en France depuis 1964, constituait une alternative à la codéine. Cependant, du fait de nombreuses intoxications volontaires en Suède et au Royaume-Uni, l’Agence européenne du médicament a estimé que le rapport bénéfice/ risque des spécialités à base de DXP était défavorable, et, en juin 2010, la Commission européenne a décidé le retrait d’AMM de ces médicaments. Ainsi, en France, toutes les spécialités contenant du DXP (dont Di-Antalvic et Propofan) ont été retirées du marché depuis mars 2011.

→ En mai 2011, paraissaient de nouvelles recommandations concernant la prise en charge des douleurs de l’adulte modérées à intenses, mises au point par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), la Société française de rhumatologie et la Société française d’étude et de traitement de la douleur, pour aider les prescripteurs à substituer par un autre antalgique les quelque 8 millions de patients traités régulièrement par DXP, et les guider dans la stratégie thérapeutique à adopter en fonction des doses utilisées de DXP.

→ Les reports de prescription sur tramadol prennent en compte le risque de convulsions et d’interactions médicamenteuses qui lui sont propres.