L’art de vivre en harmonie - L'Infirmière Libérale Magazine n° 284 du 01/09/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 284 du 01/09/2012

 

GARD (30)

Initiatives

Militaire d’abord, puis infirmier libéral dans le Gard depuis trente ans, Dominique Perczak se ressource grâce à la musique et, récemment, la composition. La clef du bien-être ?

Entre deux tournées infirmières sur le secteur d’Uzès, Dominique Perczak goûte avant tout à la détente. Mais pas de place ici à l’oisiveté : « … quelques lignes sur une feuille de papier, clef du bonheur, une ronde, une noire, une croche, une blanche se placent, un soupir, une mélodie se crée… » Voilà ce qu’exprime l’infirmier libéral en préambule de son site Internet ouvrant sur son jardin secret : la composition musicale. Musicien accordéoniste depuis l’enfance, Dominique Perczak est en fait compositeur dans l’âme, un talent qu’il ne s’est découvert que très récemment. « Une nuit, j’ai rêvé que je jouais de l’accordéon sans aucune partition, une musique qui me venait naturellement. C’est grâce à cela que je me suis lancé. Une idée, une émotion m’imprègne et je laisse venir. Deux-trois accords, la mélodie suit. C’est très rapide », décrit le musicien.

Infirmier malgré lui

Après plus de quarante ans d’exercice infirmier au compteur, la profession lui inspire le plus grand respect. Mais, c’est « un métier que je n’ai pas choisi, c’était plutôt le vœu de ma mère », souligne Dominique Perczak qui, à l’aube de sa retraite, a allégé sa tournée depuis l’an dernier. « J’accompagne mes plus anciens malades. Je réponds aussi en cas d’urgence ou pour donner un coup de main », précise-t-il. « Je suis issu d’une famille modeste d’immigrés polonais, des mineurs. Pour ma part, je voulais être mécanicien auto. À l’âge de 17 ans, j’ai répondu à une annonce. De fait, je suis devenu apprenti mécanicien-dentiste chez un prothésiste dentaire », s’amuse-t-il, en revenant sur les détours que peut prendre le chemin d’une vie.

Si sa mère souhaite qu’il devienne infirmier, du côté de son père, on le rêve plutôt en militaire. Deux ans plus tard, il entre dans l’armée. Décidé à progresser, il passe par l’école de sous-officiers du service de santé. Il décroche alors son diplôme d’infirmier militaire en 1970. « J’ai également été manipulateur radio. Par la suite, ce côté polyvalent m’a d’ailleurs beaucoup servi », valorise-t-il. Subrepticement, ses pas le mènent vers sa future carrière paramédicale gardoise. Après neuf ans à servir sous les drapeaux, dont quelques années au sein de l’antenne chirurgicale parachutiste, il quitte le giron de l’armée.

Dominique Perczak installe sa petite famille à Saint-Quentin-la-Poterie, entre vignes et garrigue, et crée son cabinet. Les deux premières années sont difficiles. La transition lui coûte. « J’ai dû croiser le fer avec le personnel médical en place. Avec neuf ans de métier, j’étais pourtant considéré comme nouveau », s’étonne-t-il encore. Faire ses preuves n’aura que renforcé sa propre exigence professionnelle. Toutefois, dans l’adversité, un élément clé resurgit : la musique. « La patientèle n’est pas arrivée de suite. Mais, en réaction aux contrariétés et à la pression, je me suis toujours tourné vers des choses positives. Alors que j’avais passé presque une décennie sans instrument, je suis allé m’acheter un accordéon à Avignon. Sur Uzès, j’ai trouvé un professeur d’origine polonaise et, avec lui, j’ai tout repris depuis le début. »

Musique au cœur

L’homme est-il musicien ? Chez les Perczak, comme alors dans toute famille polonaise, on se doit de jouer d’un instrument. Dans ce foyer de six enfants, la responsabilité incombe à Dominique. « Ma mère chantait, et le choix de l’accordéon est plutôt traditionnel. Petit, mon grand-père me prenait sur les genoux et, mes mains dans les siennes, il feignait de jouer sur des touches imaginaires… » Le petit fait ses gammes. Plutôt doué, il gagne quelques concours – Châlon-sur-Saône, Paris… Histoire de prouver à son père, qui veut arrêter les frais, que l’investissement est mérité. De chaque concours gagné, Dominique Perczak conserve un souvenir très précis. Chaque participation ressemblait à une véritable aventure depuis la Bourgogne qu’il habitait. Il se souvient notamment du gamin d’une dizaine d’années, monté à la capitale pour décrocher une récompense malgré des doigts gelés… Jeune adolescent, le voilà fier de ramener trois sous pour avoir animé une noce. « Je m’étais peu à peu constitué un répertoire de valses, de tangos et de paso-dobles. Même lors de mes premières années à l’armée, le colonel m’appelait lorsque venaient des invités de marque », se remémore Dominique Perczak.

Maintenant dans le civil, l’infirmier est apprécié par ses patients comme un professionnel dévoué et discret. « De mes années d’armée, analyse-t-il, j’ai gardé une approche stricte, notamment avec le port de la blouse. » Il n’en reste pas moins musicien et, aux sirènes tentatrices des vacances, préfère acquérir une collection d’instruments de musique : « Trompette, violon, banjo, trombone, saxophone… À chaque fois, je m’offrais aussi la méthode d’apprentissage. C’est avec le saxophone que j’ai fait mes premiers pas vers la composition. »

Hasards heureux

Il y a quatre ans, au cours de l’une de ses pauses devant l’ordinateur, le compositeur en herbe découvre le site Internet de partitions gratuites, free-scores.com. Avide d’échanges, il envoie quelques-unes de ses œuvres – Tam Tam Africa, Not’ Musette, Mirill’ Jazz, La Patache, Sous le ciel de Varsovie, Valse à Mélanie, Manoucha… Extraits de plus de 120 partitions, une quarantaine de morceaux de sa production prolifique se retrouvent en ligne. « Je n’écris pas de musette. Mais une musique claire et à la fois variée, me dit-on. » Teintées de tonalités tsiganes, nourries par ses origines slaves, les compositions plaisent. « Sur plus de 960 contributeurs, je me place dans les trente plus demandés », s’émerveille l’artiste, surpris de l’intérêt que les internautes portent à sa musique. Depuis le Japon, le Canada, l’Iran, etc., les amateurs lui envoient des commentaires enthousiastes. « Ils me font aussi des suggestions et je réponds par des mélodies, de petits messages à la façon des haïku * », commente-t-il, modeste. « Aujourd’hui, la magie d’Internet rend possible des échanges culturels inconcevables à l’époque de Mozart », s’enflamme Dominique.

Sorti du lot, le saxophoniste-clarinettiste américain Len Anderson devient rapidement son alter ego. Outre-Atlantique, le musicien joue couramment en orchestre, du jazz, notamment lors de soirées en croisière. Devenu soudainement cosmopolite, du bout de sa campagne gardoise, Dominique Perczak trouve en lui l’interprète idéal : « Pourtant, nous ne nous sommes jamais rencontrés. » L’échange fructueux s’est dévoilé en avril dernier par la réalisation d’un CD en auto-édition : Voyage, rencontre. Le jeune duo compositeur-interprète programme déjà un deuxième album pour les mois à venir.

Thérapie musicale

Toutes ces années, le praticien joue et écrit d’abord pour lui-même en toute pudeur : « L’amour, je le donne aux malades. Quand je rentre, je ferme la porte à mon rôle d’infirmier libéral. Alors, je prends mon instrument et je suis bien. Je crée quelque chose de nouveau avec ce qui me titille. Cela relève de l’ordre de l’intime, je me recharge. La musique est d’abord une nécessité. Je n’en parle pas à mes patients. En tant qu’infirmier libéral, j’ai appris à me taire. Face aux malades, on se doit d’être à l’écoute. Aujourd’hui, avec la mélodie, je peux parler. » Toutefois, lors de ses tournées, il arrive que sa relation à la musique détermine ses réactions : « Chez certains, je chante ou je siffle. Mais, à d’autres, je réserve mon silence. C’est une façon de me positionner par rapport à leurs propres attitudes », reconnaît-il.

Suite à son émergence sur la Toile, la presse locale s’est intéressée à ses dons musicaux. Bien sûr, les patients n’ont pas manqué de le remarquer. « La mère de l’un d’entre eux m’a assuré avoir pleuré en entendant ma musique. Je pense que mes compositions pourraient être utilisées en relaxation, pour la sophrologie, par exemple », admet celui pour qui l’essentiel est de « faire du bien aux gens grâce à la musique ». Il aimerait aussi transmettre l’apaisement et la richesse que lui offrent ces pauses musicales aux jeunes collègues infirmiers dont le turn-over lui semble chaque année plus marqué. Et cette double casquette ne serait-elle pas, un jour, une façon de tirer sa révérence, tout en continuant à aider les autres ? « Ah ! Si je pouvais ne faire que ça… », soupire le mélomane, rêveur.

* Un haïku est un petit poème bref qui vise à dire l’évanescence des choses, avec une notion de saison.

Discographie

• Émotions, 2008, compositions de Dominique Perczak interprétées à l’accordéon.

• Voyages, rencontre, 2012, Dominique Perczak, compositeur, et Len Anderson au saxophone et à la clarinette.

EN SAVOIR +

→ www.perczak.fr : ce site offre un petit tour vers les coulisses de notre infirmier : compositions, interprétations, petit espace vide-grenier musical…

→ www.free-scores.com : la plateforme propose au téléchargement des partitions musicales gratuites et favorise les relations entre musiciens du monde entier.