Crohn et tabac, un divorce à prononcer - L'Infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

L’association François Aupetit – Vaincre les Mici lance une campagne de sensibilisation pour convaincre les malades d’arrêter de fumer. Tous les professionnels de santé sont appelés à s’informer pour agir auprès des patients et les accompagner dans le sevrage tabagique.

« L’arrêt du tabac fait partie intégrante du traitement de la maladie de Crohn », assène Dr Nadia Lahlou, tabacologue à l’hôpital Saint-Joseph (Paris).

Quelque 200 000 personnes en France sont atteintes d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici) [ndlr, prononcer “miki”]. Parmi elles, environ deux sur trois ont la maladie de Crohn. Or, pour cette dernière, on sait que le tabagisme aggrave sévèrement la maladie, voire la déclenche. « C’est même le seul facteur d’environnement avéré dans son apparition. D’une manière générale, fumer multiplie par deux le risque de développer une Mici et provoque une poussée de la maladie dans les 12 à 24 mois. Bref, consommer du tabac rend la maladie plus active », insiste le Pr? Jacques Cosnes, gastro-entérologogue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris).

Effets délétères…

À l’occasion du lancement de sa campagne “Ces ventres ont quelque chose à vous dire !”, l’association François Aupetit – Vaincre les Mici (l’Afa), souhaite ainsi sensibiliser et informer les malades avant l’été afin de les amener à écraser leur dernière cigarette*. Pour l’Afa, l’enjeu est de taille puisqu’un malade sur deux atteints de la maladie de Crohn est un fumeur actif et que la maladie touche principalement de jeunes individus âgés de 20 à 30 ans. C’est même l’une des particularités de cette pathologie : « Les dernières études épidémiologiques montrent une augmentation de plus de 70 % de la maladie chez les 10/19 ans au cours des quinze dernières années. Ce qui est considérable en matière de diagnostic », retient le Pr Jacques Cosnes. « Dans ce contexte, notre objectif est de mieux informer les malades des effets délétères du tabac sur leur maladie et de les accompagner dans le sevrage. Nous voulons également mieux informer les professionnels de santé afin qu’ils les épaulent dans cette démarche », indique Chantal Dufresne, présidente de l’Afa.

« Chez les jeunes, la perception du danger du tabac est difficile à faire entendre. Pour eux, les effets, “c’est dans longtemps et pour les autres”. Chez ceux atteints d’une maladie de Crohn, la situation est différente, parce qu’on peut leur dire que la relation entre leur maladie et le tabac est établie et que, s’ils s’arrêtent de fumer, ils vont obtenir des bénéfices très rapidement », développe le Dr Nadia Lahlou. Bref, traiter, ce n’est pas seulement prendre des médicaments, mais aussi modifier ses comportements pour avoir un impact direct sur l’évolution de la maladie.

… Sevrage confortable

« Il faut insister auprès des patients pour qu’ils fassent le lien, poursuit le médecin. De même, il faut leur dire qu’il existe aujourd’hui des substituts au tabac efficaces qui permettent un sevrage confortable. » Pour être efficients, ces substituts doivent être donnés à la bonne dose et sur une durée suffisante. En fonction des problématiques évoquées par les patients, des conseils sont nécessaires. Ainsi, « il faut lutter contre les idées reçues, note le médecin. La prise de poids à l’arrêt du tabac n’est pas systématique. 30 % des personnes qui arrêtent la cigarette ne prennent pas de poids, voire en perdent. Et à ceux qui estiment que la cigarette est une réponse à leur stress quotidien, il faut savoir dire qu’arrêter de fumer dans de bonnes conditions de sevrage permet d’être plus détendu que lorsqu’on fume ».

Personnes-ressources

Si les tabacologues sont naturellement des personnes-ressources pour débuter le sevrage, d’autres professionnels de santé, comme les médecins traitants et les infirmières, peuvent jouer un rôle important dans l’information à donner aux patients et dans leur prise de conscience. « Si la personne est prête, on peut l’accompagner dans un sevrage total du jour au lendemain. Aujourd’hui, on peut très rapidement obtenir un rendez-vous dans une consultation de tabacologie à l’hôpital ou dans un centre de santé. Mais, si ce n’est pas le cas, il ne faut pas rester sans rien faire, on peut amorcer un travail de réduction progressive en vue d’un arrêt total. Sachant que le “zéro cigarette” est la meilleure réponse pour contrôler la maladie de Crohn. »

* www.afa.asso.fr

Témoignage

Les moments clés pour en parler

Pr Jacques Cosnes, gastro-entérologogue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris)

« Le rôle du praticien est d’expliquer à son patient que le tabac est un facteur majeur dans le développement et l’agressivité de sa maladie ainsi que dans la survenue de complications.

L’annonce du diagnostic est une étape importante. D’expérience, la proposition d’arrêt est bien perçue à ce moment-là. L’annonce d’une intervention chirurgicale est également une occasion d’encourager le patient à arrêter de fumer. À ce stade, l’incitation doit être portée, en même temps, par l’ensemble des soignants impliqués dans la prise en charge (gastro-entérologogue, chirurgien et infirmière). Le franchissement d’un palier dans le traitement, par exemple, lorsque l’évolution de la maladie réclame la prescription d’anti-TNF, qui sont contraignants, est aussi propice pour convaincre les fumeurs d’arrêter le tabac. »

EN CHIFFRES

→ 50 €, c’est le montant qu’attribue la Sécurité sociale, par personne et par an, pour un sevrage tabagique – ce qui équivaut à un mois de traitement par patchs.

→ 1 patient sur 2 atteints de la maladie de Crohn est un fumeur actif.

→ Lire aussi notre Cahier de formation sur les Mici (L’ILM n° 251).

Comprendre et expliquer

À l’occasion du lancement de sa campagne nationale sur les Mici, l’Afa édite deux livrets d’information et de conseils sur le sevrage tabagique. Le premier est destiné aux patients atteints de ces pathologies, le second dédié aux professionnels de santé et particulièrement aux gastro-entérologues. « Le moment et la manière choisis pour cette prise en charge vont permettre de multiplier par quatre les chances de réussite de l’arrêt du tabac. Or les médecins qui ne sont pas experts du tabac n’en ont pas toujours conscience », y explique le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière et président de l’Office français de prévention du tabagisme, qui a préfacé l’ouvrage. Les deux supports sont téléchargeables sur les sites Internet consacrés à la maladie de Crohn, www.afa.asso.fr et www.vousnetespasseul.fr.