Quel impact sur la pratique infirmière ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012

 

RÉFORME DE LA PSYCHIATRIE

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La loi du 5 juillet 2011 a modifié les conditionsde délivrance des soins en secteur psychiatrique. On ne parle plus seulement d’hospitalisation, la loi prévoyant désormais une pluralité de modes de prise en charge : hospitalisation à temps partiel (jour et nuit), soins à domicile, consultations en ambulatoire, activités thérapeutiques. Cette réforme aura-t-elle un impact sur la pratique professionnelle des infirmières libérales ?

Les principales modifications de la loi

Les soins psychiatriques à la demande d’un tiers

L’entrée dans ce dispositif suppose, d’une part, que les troubles mentaux de la personne rendent impossible son consentement et, d’autre part, que son état mental impose soit des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier, soit une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous une autre forme qu’en hospitalisation complète. La demande est effectuée par un membre de la famille ou une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci (tuteur par exemple), accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés de moins de quinze jours, dont un au moins non établi par un médecin de l’établissement (un seul en cas d’urgence pouvant émaner du médecin de l’établissement). L’entrée dans le dispositif est prononcée par le directeur de l’établissement, lié par les avis médicaux. Autre nouveauté de la loi : la structure a l’obligation, dans un délai de 24 heures, d’informer la famille de l’entrée du patient. Le maintien est confirmé par les certificats réguliers des médecins de la structure dans les 24 heures, les 72 heures, le 6e, 7e et 8e jours suivant l’admission puis tous les mois. Au bout d’un an, l’état mental du patient est systématiquement évalué par un collège de soignants.

L’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État

L’entrée dans ce dispositif se fait sur arrêté préfectoral ou du maire, pour une durée initiale maximale de 72 heures, sur la base d’un certificat médical circonstancié qui ne peut émaner d’un praticien de l’établissement. L’état mental de la personne doit non seulement nécessiter des soins, mais compromettre également la sureté des personnes ou porter atteinte de façon grave à l’ordre public.

Le contrôle du juge

La loi du 5 juillet 2011 a prévu des contrôles systématiques par le juge de la liberté et de la détention des décisions d’admission en soins psychiatriques dans plusieurs cas : demande d’un tiers (contrôle à quinze jours) ; mesure prise par le représentant de l’État (hospitalisation initiale, renouvellement à un mois, trois mois puis tous les six mois) ; mesure concernant une personne détenue ; mesure prononcée à la suite d’une irresponsabilité pénale.

Le programme de soins

Comme nous l’avons souligné précédemment, les patients, admis sans leur consentement dans un établissement psychiatrique, peuvent désormais bénéficier de soins à domicile. L’équipe qui prend en charge le malade, pluridisciplinaire, va alors devoir rédiger un programme de soins, un exercice nouveau pour bon nombre de professionnels.

Le programme de soins, prévu à l’article L.3211-2-1 du Code de la Santé publique, est établi et modifié par un psychiatre, qui participe à la prise en charge de la personne faisant l’objet de soins psychiatriques. Ce document mentionne l’identité du psychiatre qui l’établit, celle du patient et le lieu de résidence habituel de ce dernier. Il indique si la prise en charge inclut une hospitalisation à temps partiel, des soins ambulatoires, des soins à domicile, l’existence d’un traitement médicamenteux, la durée éventuelle des soins. En revanche, il ne comporte pas d’indications sur la nature et les manifestations des troubles mentaux dont souffre le patient, ni aucune observation clinique. S’il inclut l’existence d’un traitement médicamenteux, il ne mentionne ni la nature, ni le détail de ce traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d’administration et la durée. Ces informations seront consignées dans des prescriptions médicales. Soulignons en effet que ce programme est transmis à des personnes non destinataires d’informations médicales, couvertes par le secret professionnel.

L’élaboration du programme et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre recueille l’avis du patient, notamment sur le programme qu’il propose ou ses modifications, afin de lui permettre de faire valoir ses observations. La mention de cet entretien est portée sur le programme de soins et au dossier médical du patient.

Prise en charge à domicile : un rôle pour l’infirmière libérale ?

Les infirmières libérales prennent déjà en charge, à domicile, des patients atteints de pathologies psychiatriques lourdes (schizophrénie, troubles bipolaires et dépressifs graves). Mais seront-elles amenées à travailler dans le cadre de ce programme de soins ? Si oui, sous quelle forme ?

La réglementation prévoit la possibilité d’inscrire dans le programme de soins des consultations ou des visites chez un médecin libéral. Elle ne prévoit rien, en revanche, sur d’éventuels soins dispensés par une infirmière libérale. Cela signifie-t-il que les professionnelles libérales sont exclues du dispositif ? Cela semble peu probable, mais en tout état de cause, le manque de recul sur l’application de la loi, et notamment la mise en œuvre, à domicile, d’un programme de soins, ne permettent pas, aujourd’hui, d’apporter des réponses aux questions posées. Soulignons qu’en 2009 et 2010, un cabinet d’infirmiers libéraux avait pris l’initiative de proposer un suivi infirmier à des patients souffrant de troubles psychiatriques : dépôt des médicaments, entretien sur l’hygiène, alimentation, programme de la journée. L’initiative avait été approuvée par des médecins, prescripteurs de ces soins, avant d’être finalement dénoncée par la Caisse primaire d’Assurance maladie (CPAM). En effet, à la suite d’un contrôle renforcé des cotations, la CPAM avait repéré des abus et des irrégularités qui l’ont conduite à déposer plainte pour escroquerie, pour un montant estimé de 1,3 million d’euros. Le cabinet a dû fermer ses portes et l’affaire est toujours en cours d’instruction.

Pourtant, à la lumière de la nouvelle loi, il faudra revoir le fonctionnement de la dispense des soins à domicile aux patients suivis pour troubles psychiatriques, une évolution à laquelle les CPAM, les psychiatres et les agences régionales de santé semblent favorables.