Surveiller la prise d’un hypnotique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 278 du 01/02/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 278 du 01/02/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Au-delà du rappel des règles d’hygiène du sommeil, l’infirmière peut expliquer l’intérêt des examens et des traitements du sommeil. Elle a aussi un rôle d’alerte lors de l’apparition d’effets délétères pour le patient traité trop longtemps par des hypnotiques.

M. G., 58 ans, est traité par Noctamide pour un problème d’insomnie. Il ne se sent pas très bien dans la journée et a beaucoup de mal à se lever le matin.

Vous lui proposez de vérifier avec lui qu’il respecte bien la posologie prescrite par le médecin. Vous lui dites que vous allez en parler avec le médecin pour envisager un arrêt du traitement, qui n’est peut-être plus nécessaire, ou un changement de thérapeutique. C’est aussi l’occasion de faire un point sur ses habitudes de sommeil (voir la partie Traitement des insomnies d’ajustement dans Savoir).

BENZODIAZÉPINES ET APPARENTÉS

Précaution d’emploi

La prescription des anxiolytiques et des hypnotiques (benzodiazépines et apparentés pour l’essentiel) est un problème de santé majeur, particulièrement chez les sujets âgés. Plus d’un tiers des personnes de plus de 75 ans utilisent ces médicaments psychotropes en France. Ils sont à l’origine d’une iatrogénie importante (chutes, confusions, sédation excessive…) et d’hospitalisations indues. Leur consommation chronique accélère la survenue des démences.

Une prescription encadrée

Lors d’une prescription de médicaments sédatifs, les patients doivent être avertis d’une diminution de la vigilance diurne pour éviter des accidents. Le choix portera sur une benzodiazépine (BZD) ou des médicaments apparentés aux BZD à durée d’action courte ou intermédiaire (voir tableau ci-dessous). La meilleure molécule étant celle qui donne au patient l’impression d’une nuit de bonne qualité et d’un réveil facile sans somnolence résiduelle. L’arrêt du traitement devrait être planifié dès la prescription et les patients avertis des symptômes de sevrage (anxiété, rebond de l’insomnie, cauchemars).

Risque d’accoutumance

La prescription des hypnotiques est limitée à 4 ? semaines. L’accoutumance aux effets hypnotiques des benzodiazépines peut se développer en quelques jours ou quelques semaines avec un retour à la situation de départ, notamment en ce qui concerne le délai d’endormissement et la durée de sommeil. Remarque : on observe des effets paradoxaux (aggravation de l’insomnie, idées délirantes, hallucinations, désinhibition, suggestibilité…) avec les BZD et les apparentés.

LES ANTIHISTAMINIQUES H1

La niaprazine (Nopron), indiquée dans les insomnies occasionnelles de l’enfant de plus de 3 ans, la doxylamine (Donormyl, Méréprine), la prométhazine (Phénergan) et l’alimémazine (Théralène) sont indiquées dans les troubles du sommeil. Attention, les antihistaminiques H1 exposent à des effets indésirables atropiniques : troubles de la vision, bouche sèche, troubles digestifs, confusions, agitations, agressivité, etc.

PRÉVENTION DES EFFETS INDÉSIRABLES

Troubles du comportement

Les patients doivent être avertis des effets possibles au moment de la concentration maximale des hypnotiques (pic plasmatique) si le patient est réveillé : amnésie, confusion mentale, troubles du comportement, etc. Les benzodiazépines ont le plus souvent un pic plasmatique 1 à 2 heures après la prise, jusqu’à 4 heures pour le loprazolam (Havlane) et le témazépam (Normison). Entre une demi-heure et trois heures et demi pour le zolpidem (Stilnox) et le zoplicone (Imovane). Ces effets sont observés par ordre d’importance décroissante avec les BZD, les apparentés et les antihistaminiques H1.

Tolérance

L’effet hypnotique peut diminuer progressivement malgré l’utilisation de la même dose en cas d’administration durant plusieurs semaines. Avec les apparentés, il n’y a pas de phénomène de tolérance pour une durée de traitement de 4 semaines.

Dépendance

Les antihistaminiques H1 n’ont pas d’effet de dépendance.

Les benzodiazépines entraînent un risque de dépendance non négligeable dans le cadre d’une posologie classique après un an de consommation régulière. La possibilité d’un syndrome de sevrage est favorisée par des traitements prolongés à des doses élevées.

L’utilisation d’un hypnotique sera de préférence discontinue. Soit régulière, mais limitée à une ou 2 prises par semaine, soit par périodes de 15 jours ou 3 semaines entrecoupées par des interruptions prolongées.

Risque de chute

Les troubles du sommeil sont parfois favorisés par des mictions nocturnes. Les médicaments sédatifs doivent être utilisés avec prudence et les sujets âgés avertis du risque de sédation et/ou de sensations vertigineuses qui peuvent favoriser les chutes, avec des conséquences souvent graves.

Attention à l’alcool

Il majore l’effet sédatif de tous les hypnotiques et son usage est à proscrire pendant le traitement. Il est aussi responsable d’une somnolence résiduelle au réveil avec ralentissement psychomoteur, confusion mentale et vertiges.

ARRÊT DU TRAITEMENT

Chez un patient âgé traité quotidiennement depuis plus de 30 jours, une stratégie d’arrêt de la consommation doit être instaurée. L’arrêt du traitement peut être marqué par une résurgence de l’insomnie (phénomène de rebond), mais un arrêt progressif préserve la qualité de vie et peut améliorer certaines fonctions cognitives. Sachant que la seule diminution de la posologie d’hypnotiques chez le sujet âgé entraîne un résultat favorable. L’arrêt des BZD n’implique pas de traitement médicamenteux substitutif, mais des mesures d’accompagnement maintenues aussi longtemps que nécessaire.

CAS PARTICULIERS

Femmes enceintes

Les méthodes non médicamenteuses sont à privilégier. La grossesse est une contre-indication relative à l’utilisation des benzodiazépines ou apparentés et des antihistaminiques H1.

→ Les benzodiazépines ou apparentés sont à éviter durant le premier et le dernier trimestre de la grossesse.

→ Les antihistaminiques H1. La doxylamine peut être utilisée au cours de la grossesse quel qu’en soit le terme. La prométhazine est à éviter au cours du premier trimestre de la grossesse, son utilisation en fin de grossesse justifie une surveillance des fonctions neurologiques et digestives du nouveau-né. Niaprazine et alimémazine seront évitées, quel que soit le terme de la grossesse.

Allaitement

Les hypnotiques sont tous éliminés partiellement dans le lait et peuvent entraîner une sédation importante du nourrisson ou, au contraire, une excitation paradoxale de l’enfant ainsi qu’un risque d’apnées du sommeil. Ils peuvent altérer les relations précoces entre la mère. Comme pour la grossesse, les méthodes non médicamenteuses sont à privilégier.

Question de patient

J’ai entendu parler de la mélatonine pour traiter l’insomnie, de quoi s’agit-il ?

La mélatonine est une hormone qui participe au contrôle des rythmes circadiens et à la régulation du rythme jour/nuit. Elle a aussi un effet hypnotique qui aide à l’endormissement et en prolonge le sommeil, mais sa production endogène diminue avec l’âge. Le Circadin est un médicament agoniste des récepteurs de la mélatonine indiqué dans le traitement à court terme de l’insomnie chez les patients de 55 ans et plus. Il n’est pas remboursé. La durée maximale du traitement est de 13 semaines. Il se prend 1 à 2 heures après le dîner et ses effets indésirables sont rares (irritabilité, nervosité, sensations vertigineuses).

Noctran et Mépronizine retirés du marché

Indiqués jusqu’alors dans l’insomnie chez l’adulte, Noctran et Mépronizine associent plusieurs substances actives. L’Afssaps a décidé de retirer les autorisation de mise sur le marché de ces spécialités en raison des risques de cumul d’effets indésirables graves ou de mésusage auxquels exposent ces associations. Ces décisions ont pris effet respectivement à compter du 27 octobre 2011 et du 10 janvier 2012 et ont été accompagnées d’un rappel des lots de Noctran et de Mépronizine disponibles sur le marché.