L’hypertrophie bénigne de la prostate - L'Infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

Cahier de formation

Savoir

L’hypertrophie bénigne de la prostate (ou HBP) est liée au vieillissement. Si, chez certains hommes, elle est asymptomatique, elle peut aussi être à l’origine de signes cliniques urinaires qui affectent grandement la qualité de vie. Pour autant, il ne faut hésiter à rassurer les patients : HBP et cancer de la prostate ne sont pas liés.

RAPPEL SUR LA PROSTATE

La prostate est une glande sexuelle masculine, fibromusculaire, de la forme d’une châtaigne mesurant de 3 à 4 cm de long et de 3 à 5 cm de large, et pesant de 15 à 25 grammes chez l’adulte. Elle est située en-dessous de la vessie et devant le rectum (elle est donc accessible au toucher rectal), et entoure la première portion de l’urètre. À sa face postérieure, on trouve deux glandes annexes, les vésicules séminales.

À la puberté, la prostate croît et double de volume sous l’influence des androgènes, et plus particulièrement de la dihydrotestérone (forme activée de la testostérone). Puis elle recommence à grossir progressivement vers l’âge de 25 ans.

La prostate produit et stocke le liquide séminal, auquel se mélangent les spermatozoïdes produits par les testicules et véhiculés par les canaux déférents (qui s’abouchent à l’urètre au sein de la prostate), pour constituer le sperme.

DÉFINITION DE L’HBP

Définition histologique

L’hypertrophie bénigne de la prostate, appelée également adénome de la prostate, est une tumeur bénigne, entraînant, sous l’influence des androgènes, une augmentation du volume de la prostate, qui va comprimer le col vésical et l’urètre, constituant un obstacle à l’écoulement de l’urine.

Il s’agit plus exactement d’un adénomyofibrome que d’un adénome à proprement parler, puisque, sur le plan histologique, trois types de tissus participent à cette hypertrophie : de l’épithélium glandulaire, du tissu musculaire et du tissu fibreux.

Hypertrophiée, la prostate peut voir son poids atteindre 50, 60 ou même plus de 100 grammes.

Les chiffres

L’HBP, symptomatique ou non, est fréquente et sa prévalence augmente avec l’âge puisqu’elle concerne la moitié des hommes de 45 ans, 50 à 70 % des hommes de plus de 50 ans, 80 % des hommes de 60 ans et 100 % des plus de 90 ans. Parmi eux, 20 % n’auraient aucun symptôme, 60 % des symptômes modestes, 15 % des symptômes modérés et 5 % des symptômes sévères.

Quelque 6 millions de Français se plaindraient de troubles urinaires liés à un adénome de la prostate.

Facteurs de risque

Le premier facteur de risque est l’âge, puisque la prévalence de l’adénome augmente avec celui-ci.

L’adénome de la prostate est hormono-dépendant, puisque les hommes atteints d’un déficit congénital en 5-alpha réductase (enzyme permettant d’activer la testostérone en la transformant en dihydrotestostérone) n’ont pas d’adénome.

L’origine ethnique est un facteur de risque, puisque les hommes asiatiques sont moins touchés.

L’hérédité semble aussi jouer un rôle important.

Enfin, l’obésité, le tabagisme, le diabète, l’hypertension arétielle et l’hypercholestérolémie seraient également des facteurs de risque.

Signes cliniques

L’HBP peut être à l’origine de symptômes urinaires obstructifs ou irritatifs regroupés habituellement sous le terme Tuba (troubles urinaires du bas appareil).

Il n’y a pas de parallèle anatomo-clinique, c’est-à-dire qu’il n’existe pas de corrélation entre le volume de la prostate et l’importance des troubles. Ainsi le retentissement clinique serait-il davantage fonction de la composition tissulaire de la tumeur que du volume lui-même, et, à volume égal, les tumeurs à forte composante fibreuse sont davantage obstructives.

Signes obstructifs

Ils sont le témoin de l’obstacle prostatique à la miction. Il s’agit de :

→ dysurie (difficulté mictionnelle) avec sensation de nécessité d’effort de poussée pour uriner, et un jet uriné faible et intermittent ;

→ sensation de vidange incomplète du fait d’un résidu postmictionnel avec un besoin mictionnel restant insatisfait et provoquant des mictions rapprochées (de dix à trente minutes) ;

→ gouttes retartadaires, pouvant salir les sous-vêtements des patients.

Signes irritatifs

L’irritation est secondaire à l’obstacle prostatique. Les signes irritatifs sont souvent les premiers à apparaître et motivent fréquemment les consultations. Il s’agit de :

→ pollakiurie (envies fréquentes d’uriner) avec plus de sept mictions par jour dont les intervalles se raccourcissent au fil du temps ;

→ impériosités mictionnelles (envies pressantes d’uriner), qui constituent certainement l’un des symptômes les plus mal ressentis des patients et un des plus gênants, l’obligeant à s’interrompre dans son travail ou dans une activité physique ou sportive, ou encore au cours d’un trajet en voiture, pour aller aux toilettes. Parfois ces impériosités sont provoquées par certaines situations (croisement des jambes, sorties en plein froid…) ;

→ fuites urinaires, conséquences d’une aggravation de l’impériosité, qui ne laissent pas le temps au patient de se rendre aux toilettes ;

→ nycturie (besoin d’uriner la nuit) qui se manifeste au début par un lever au petit matin, et qui par la suite provoque au moins deux mictions chaque nuit, altèrant la qualité du sommeil et ayant un retentissement sur l’état d’éveil diurne du patient.

Complications de l’HBP

L’HBP n’évolue pas systématiquement, mais, chez certains hommes, les signes cliniques peuvent s’aggraver et des complications apparaître.

Complications uro-néphrologiques

→ L’obstacle à la vidange vésicale est d’abord compensé par une plus importante contraction du détrusor (muscle de la vessie), qui s’hypertrophie : on parle de “vessie de lutte”. À terme, le détrusor devient atone et développe des zones de faiblesse qui permettent le développement de diverticules vésicaux.

→ La présence de résidus postmictionnels peut aussi être à l’origine de complications infectieuses, du fait de la stase urinaire : infections urinaires, infection de l’adénome prostatique lui-même, appelée adénomite aiguë ou encore prostatite aiguë, pouvant se compliquer d’orchi-épididymite (infection des organes génitaux-externes), ou encore développement de calculs urinaires, qui peut être à l’origine d’une hématurie.

→ Si la rétention vésicale évolue sans traitement, la distension de la vessie peut provoquer une hydro-néphrose (distension du bassinet, des calices et des reins par de l’urine), ayant comme conséquence une altération de la fonction rénale.

→ À tout moment, peut survenir une rétention aiguë d’urine, favorisée par la prise de médicaments à l’action anticholinergique ou de médicaments alpha-stimulants (utilisés notamment lors du traitement d’un rhume pour diminuer l’écoulement nasal), et nécessitant un drainage des urines en urgence par sondage vésical ou mise en place d’un cathéter sus-pubien. Le risque de rétention urinaire aiguë est de 10 à 20 pour 1 000 patients atteints d’HBP par an. Cette rétention aiguë se manifeste par une impossibilité complète d’uriner et un besoin d’uriner permanent, une douleur sus-pubienne et la présence d’un globe vésical.

→ Enfin, dans les stades évolués de la pathologie, une rétention urinaire chronique, avec un résidu post-mictionnel pouvant dépasser les 500 ml, peut déclencher une incontinence dite “par regorgement”, caractérisée par des fuites d’urine involontaires et quasi permanentes, sans sensation de besoin d’uriner.

HBP et cancer sont donc deux pathologies touchant des zones différentes de la prostate. Elles peuvent certes coexister dans certains cas, mais le cancer n’est pas une complication de l’adénome.

Complications non urinaires

Des symptômes non urinaires, comme des hernies inguinales ou des hémorroïdes, liés aux efforts de poussée lors des mictions, peuvent apparaître.

DIAGNOSTIC

Interrogatoire

→ L’interrogatoire doit préciser les caractéristiques de la miction, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Il vise donc à rechercher des signes obstructifs et irritatifs, mais aussi à évaluer le retentissement de ces symptômes sur la qualité de vie des patients. En effet, la gêne ressentie par le patient sur le plan de la qualité du sommeil, ou sur le plan social (limitation de sorties au théâtre ou au cinéma, répercussion sur les activités sportives, entrave aux voyages en groupe…) est un élément essentiel à évaluer, puisqu’il est l’un des éléments conditionnant le choix thérapeutique.

→ L’interrogatoire peut être complété par des questionnaires standardisés remplis par le patient lui-même, comme celui qui permet d’établir le score IPSS (International Prostate Score Symptome) du patient (voir tableau ci-contre). Un patient ayant de légers symptômes obtient un score de 1 à 7 ; un patient modérément symptomatique obtient un score de 8 à 19 ; et un patient ayant des symptômes sévères a un score supérieur à 20. Ce questionnaire est associé au questionnaire de qualité de vie qui permet d’évaluer si le patient se sent insatisfait, très insatisfait, malheureux ou très éprouvé du fait de ses troubles urinaires ou inversement, heureux en dépit des Tuba. Effectivement, le ressenti des symptômes sur la qualité de vie est subjectif, et des mêmes troubles peuvent être perçus différemment d’un sujet à l’autre. Aussi l’évaluation de la qualité de vie est-elle indispensable pour une bonne prise en charge des patients.

→ L’interrogatoire doit aussi préciser l’ensemble des médicaments pris par le patient pour éviter les interactions et les contre-indications, et aussi pour évaluer les effets indésirables de ces médicaments, qui, à l’instar des diurétiques ou des anticholinestérasiques (médicaments utilisés dans la maladie d’Alzheimer), peuvent expliquer une polyurie.

Examen clinique

→ Il repose sur la palpation de la région sus-pubienne afin de rechercher un globe vésical ou des hernies inguinales (impulsives à la toux et réductibles à la palpation), mais également sur celle des testicules à la recherche d’une orchi-épididymite.

→ Le point clef de cet examen clinique est surtout le toucher rectal qui permet à travers la paroi antérieure du rectum d’apprécier le volume et la consistance de la prostate. Il met en évidence une prostate augmentée de volume, lisse, souple et homogène. Il permet aussi de rechercher un fécalome qui pourrait par lui-même comprimer l’urètre et être à l’origine de dysurie.

→ Un examen péri-anal permet de rechercher des hémorroïdes associés à l’HBP.

→ Un examen neurologique sommaire vise à exclure une maladie de Parkinson, qui pourrait être à l’origine d’impériosités mictionnelles.

→ Enfin, l’utilisation de bandelettes urinaires permet de rechercher une infection urinaire.

Examen biologique

Il consiste à :

→ pratiquer un ECBU si la recherche de nitrites à la bandelette est positive ;

→ doser le PSA (antigène spécifique de la prostate) pour les hommes de 50 à 75 ans, utile pour diagnostiquer un éventuel cancer de la prostate ;

→ pratiquer un bilan rénal avec un dosage de la créatininémie à la recherche d’une altération de la fonction rénale ;

→ éventuellement une glycémie et une glycosurie en cas de suspicion de diabète, qui pourrait expliquer une polyurie.

Examens complémentaires

Imagerie

→ L’échographie suspubienne ou endorectale complète le toucher rectal et détermine le volume de la prostate. Elle permet aussi de rechercher des calculs et des diverticules ou encore des nodules anormaux, ainsi que d’étudier le lobe médian de la prostate, qui est inaccessible au toucher rectal, mais également les reins à la recherche d’une dilatation de ces derniers. L’échographie endorectale peut être utile pour choisir la voie d’abord en cas d’indication chirurgicale.

→ L’échographie vésicale postmictionnelle permet d’apprécier le volume du résidu postmictionnel. Mais sa mesure n’est cependant pas très fiable car le résidu postmictionnel peut être surévalué, le patient ayant dû boire beaucoup d’eau avant l’examen.

→ L’urographie intraveineuse permet, après une injection intraveineuse de produits de contraste iodés, de visualiser la morphologie de l’appareil urinaire et d’avoir des clichés permictionnels permettant de visualiser l’obstruction de l’urètre.

→ L’urétrocystoscopie, qui consiste en l’introduction par le méat urinaire, dans l’urètre puis la vessie d’un endoscope souple, comportant un système optique, permet de rechercher une tumeur vésicale.

Examens urodynamiques

→ La débitmétrie urinaire est un examen simple, qui consiste à uriner sur un disque rotatoire permettant d’enregistrer la courbe représentant le débit d’urine en fonction du temps. Cet examen mesure la durée de la miction (normalement inférieure à 30 secondes), le volume uriné, le débit maximal et le débit moyen. Un paramètre important est le débit maximal qui se situe normalement entre 20 et 30 ml/s et est atteint en moins de 8 secondes. Ainsi un débit maximal inférieur à 15 ml/s signe une dysurie ou une obstruction urétrale. De même, en cas d’obstruction, le temps de miction est allongé (voir schéma page suivante).

→ La cystomanométrie consiste à enregistrer les pressions à l’intérieur de la vessie et dans l’urètre à l’aide de capteurs logés dans une sonde urétrale, qui permet de remplir la vessie avec du sérum physiologique. Cet examen relativement invasif et optionnel permet d’apprécier le tonus de la vessie, la quantité de liquide maximal que la vessie peut contenir et l’aptitude de la vessie à se contracter lors de la miction. Il est indiqué en cas de prédominance de signes irritatifs, pour établir un diagnostic différentiel (troubles urinaires liés à une pathologie vésicale primitive ou secondaire à un trouble neurologique – suites d’AVC, neuropathie diabétique, maladie de Parkinson).

TRAITEMENT

→ Une HBP asymptomatique relève d’une simple surveillance (par interrogatoire du patient et pratique du toucher rectal).

→ En cas d’HBP symptomatique, mais non compliquée, la décision de traiter ou non le patient dépend de l’importance des Tuba et de leur retentissement sur la qualité de vie : ainsi, en cas de gêne légère, l’abstention thérapeutique est recommandée, avec une surveillance annuelle. Mais une gêne modérée justifie la mise en route d’un traitement médicamenteux.

→ En cas de survenue de complications comme une hématurie, une infection urinaire, des diverticules asymptomatiques, le traitement peut être médical ou chirurgical.

→ En revanche, devant l’apparition d’une rétention urinaire aiguë, d’une rétention chronique avec incontinence par regorgement, de calculs ou diverticules vésicaux symptomatiques ou d’une insuffisance rénale, le traitement chirurgical est indispensable.

Traitement médicamenteux

L’objectif du traitement médicamenteux est soit de relâcher la prostate pour diminuer la compression urétrale et faciliter les mictions, soit d’exercer une action antiproliférative et d’empêcher la croissance de la prostate, en bloquant la transformation de la testostérone en dihydro-testostérone.

Les extraits de plante

→ Il s’agit d’extraits du prunier d’Afrique (Pygeum africanum) ou du palmier nain de Floride (Serenoa repens). Ils sont indiqués dans le traitement des troubles mictionnels modérés liés à l’HBP.

→ Leur mode d’action est partiellement élucidé, mais ils diminuent l’inflammation intraprostatique et exerceraient une action anti-proliférative. Ils améliorent surtout les troubles irritatifs, mais ont peu d’effet sur l’augmentation du débit urinaire maximal.

→ Ces médicaments présentent l’avantage d’être très bien tolérés (hormis de rares cas d’éruptions cutanées et de troubles gastro-intestinaux qui peuvent être évités par une administration au cours des repas), de ne pas présenter de contre-indications majeures, et de ne pas être impliqués dans des interactions médicamenteuses.

Les alpha-bloquants

→ Identifiables par leur dénomination commune internationale (DCI) se terminant par le suffixe -osine, ce sont des médicaments capables de se fixer sur les récepteurs alpha du système nerveux sympathique, situés sur la prostate, la vessie et l’urètre, et de provoquer une action antagoniste (c’est-à-dire une action contraire à celle provoquée par une stimulation sympathique). Ils vont donc provoquer une contraction du muscle de la vessie, un relâchement de l’urètre et de la prostate, et faciliter les mictions.

→ Les alpha-bloquants améliorent le débit urinaire maximal, ainsi que les troubles urinaires obstructifs et irritatifs, mais ils n’ont pas d’action sur le volume de la prostate. Leur effet est rapidement observé (en deux à quatre semaines après l’initiation du traitement).

→ En termes de tolérance, ces médicaments, qui sont également capables de bloquer les récepteurs alpha situés sur les vaisseaux et d’exercer un effet vasodilatateur, sont fréquemment responsables d’hypotension orthostatique (avec lipothymie et syncopes), éventuellement à l’origine de malaises et/ou de chutes chez les patients âgés. Cette hypotension est plus volontiers marquée en début de traitement et justifie des adaptations posologiques progressives.

→ Il convient d’être particulièrement vigilant à cet effet indésirable chez des patients bénéficiant par ailleurs d’autres traitements pourvoyeurs d’hypotension orthostatique, à l’instar des anti-hypertenseurs, des antiparkinsoniens, des dérivés nitrés, des neuroleptiques et des antidépresseurs imipraminiques.

Les inhibiteurs de 5-alpha réductase

→ Identifiables par leur DCI se terminant par le suffixe -astéride, ce sont des médicaments qui inhibent l’enzyme responsable de l’activation de la testostérone en dihydrotestostérone, hormone influençant le développement de la prostate. Ils exercent donc une action anti-proliférative.

→ Les inhibiteurs de 5-alpha réductase permettent d’augmenter le débit urinaire maximal et de diminuer le volume de la prostate, ce qui améliore les symptômes mictionnels et le score IPSS. Ils permettent aussi une diminution du taux de PSA (diminution de 50 % après un an de traitement). Leur effet est retardé et ne s’observe qu’au bout de plusieurs mois de traitement (parfois jusqu’à six mois).

→ Du fait de leur mode d’action, ces médicaments sont essentiellement responsables d’effets secondaires de type sexuels (réversibles à l’arrêt du traitement) : diminution de la libido, troubles de l’érection et de l’éjaculation, voire impuissance, et éventuellement gynécomastie (développement des seins).

Traitement chirurgical

Il existe trois techniques chirurgicales dont le choix dépend du volume de l’adénome : la résection transurétrale, l’incision cervico-prostatique et l’adénomectomie. Les résultats des traitements chirurgicaux semblent d’autant plus satisfaisants que la symptomatologie est sévère.

La résection transurétrale

→ C’est l’intervention de référence et celle qui est la plus fréquemment pratiquée. Elle permet de traiter des prostates jusqu’à 60 ou 70 grammes. Pratiquée sous rachi-anesthésie ou anesthésie générale, cette intervention, qui dure au maximum une heure, consiste à introduire par l’urètre et jusqu’à la vessie un résecteur, pour “raboter” l’adénome, tout en laissant en place la “capsule prostatique” constituée de glande normale. À la fin de l’intervention, les copeaux de résection qui se sont accumulés dans la vessie seront éliminés à l’aide de seringues spéciales. Il est important de vérifier l’absence de copeaux résiduels dans la vessie. Une sonde à double courant est mise en place pendant 48 heures à l’issue de l’intervention pour permettre un lavage vésical.

→ Cette technique, qui permet une exérèse la plus complète possible de l’adénome, sans ouverture vésicale ni cutanée, ne requiert une hospitalisation que de trois à cinq jours. Elle permet de réduire la sévérité des Tuba et d’augmenter le débit urinaire maximal.

→ La résection transurétrale entraîne très fréquemment une éjaculation rétrograde (dans 75 % des cas). Les érections ne sont cependant pas modifiées par l’intervention. En revanche, le risque d’incontinence liée à l’intervention est très faible (1 % des cas) et concernerait surtout les patients de plus de 75 ans. Le risque de récidive de Tuba, menant à une ré-intervention est faible, mais il est croissant avec le temps (2 % par an).

L’incision cervico-prostatique

→ Cette technique est indiquée pour les adénomes de faible volume (inférieur à 30 grammes), chez des hommes de moins de 60 ans, ayant un PSA normal (puisque cette intervention ne permet pas de prélever le tissu prostatique en vue d’une analyse histologique). C’est une intervention simple et rapide qui ne consiste pas à retirer l’adénome mais à inciser le col vésical et la prostate, par voie endoscopique. Elle permet une bonne ouverture du col vésical lors des mictions, qui se trouvent donc facilitées.

→ Le risque d’éjaculation rétrograde est d’environ 25 % et il ne s’agit pas d’éjaculation rétrograde totale, cependant on peut observer une diminution du volume éjaculé. Le risque d’incontinence est de 1 %. Le taux de ré-intervention est d’environ 25 % à trois ans.

L’adénomectomie prostatique

→ C’est une alternative à la résection transurétrale quand l’adénome est volumineux (supérieur à 70 grammes). Cette intervention chirurgicale dite “à ciel ouvert” est également indiquée s’il existe un calcul de la vessie ne pouvant être fragmenté par voie endoscopique ou un diverticule volumineux. Cette technique, la plus ancienne, consiste en une éxérèse de l’adénome seul et ne doit pas être confondue avec la prostatectomie (qui consiste à retirer la totalité de la prostate, en cas de cancer). L’ablation est le plus souvent réalisée par voie transvésicale après incision suspubienne sur 4 cm, ou par voie rétropubienne extravésicale. Elle laisse une cicatrice sous-ombilicale et requiert une hospitalisation de huit jours en moyenne.

→ Le taux d’éjaculation rétrograde est d’environ 75 % et celui d’incontinence de 1 %. Le taux de ré-intervention est d’environ de 2 % par an.

Autres traitements

La thermothérapie

→ La thermothérapie peut être proposée à des patients jeunes, modérément gênés et craignant les conséquences sexuelles de la chirurgie. Elle consiste à élever la température intraprostatique pour provoquer une nécrose de l’adénome, en utilisant un système de radiofréquence (système Tuna). Un sondage postopératoire est systématique.

Le laser

La résection prostatique par laser est une alternative permettant d’éviter les risques hémorragiques liés à la chirurgie, indiquée chez des patients ayant des troubles de la coagulation ou traités par anticoagulants et chez qui les anticoagulants ne peuvent être arrêtés. En pratique, son utilisation est limitée, car c’est une technique fastidieuse qui dure plus longtemps qu’une résection classique.

Les endoprothèses urétrales

Il s’agit de “stents” placés au niveau de l’urètre, afin d’assurer une bonne dilatation de ce dernier et de faciliter les mictions. Ces endoprothèses sont indiquées chez des patients présentant une contre-indication à la chirurgie. Elles sont sources d’incrustations calculeuses, qui peuvent migrer dans la vessie.

RÔLE DE L’IDEL DANS LA PRISE EN CHARGE

L’infirmière libérale, qui intervient auprès des patients âgés, peut jouer un rôle en termes d’administration des médicaments utilisés dans le traitement de l’adénome de la prostate, en préparant les piluliers notamment. Elle peut également établir des schémas de prise cohérents pour faciliter la bonne observance des traitements, limiter les effets indésirables et éviter aussi les interactions médicamenteuses.

→ L’infirmière libérale joue un rôle fondamental au niveau de la surveillance des traitements, notamment en termes de tolérance des alpha-bloquants : elle est à même, par une surveillance particulièrement rigoureuse de la pression artérielle, de déceler une hypotension orthostatique, qui peut être prévenue par des conseils adéquats.

→ À l’instar d’autres professionnels de santé (comme les pharmaciens d’officine) confrontés au vieillissement de la population et aux plaintes de patients pour des signes urinaires, l’infirmière libérale peut également participer à l’éducation thérapeutique et à l’accompagnement postopératoire des patients.

Question de patient

On vient de diagnostiquer à mon père un adénome de la prostate, y a-t-il un risque de cancérisation ?

Non, il est important de rassurer les patients sur ce point : l’adénome de la prostate est une hypertrophie bénigne, qui n’augmente pas le risque de cancer de la prostate. En effet, anatomiquement, la prostate est constituée de trois zones : une zone de transition autour de l’urètre où se développe l’adénome, une zone centrale, traversée par les canaux éjaculateurs, et une zone périphérique qui peut être le siège de cancers.

Qu’est-ce que le PSA ?

→ Le PSA (antigène spécifique de la prostate) est une glycoprotéïne secrétée par les cellules de la prostate, et qui diffuse dans le sang où elle peut être dosée. Dans le sang, le PSA circule sous forme libre (pour 10 à 15 %) et sous forme liée à des protéïnes, notamment à l’alpha 1-antichymotrypsine (pour 85 à 90 %). Le PSA total est la somme du PSA libre et du PSA lié.

→ Le PSA est un marqueur spécifique de la prostate, mais pas du cancer de la prostate. En effet, une augmentation du PSA témoigne d’une augmentation de l’activité et du volume prostatiques. Ainsi, le PSA peut être augmenté en cas de cancer de la prostate, mais aussi en cas d’adénome de la prostate, d’infection urinaire ou de prostatite.

→ Le dosage du rapport PSA libre/PSA total est plus significatif, car le PSA libre est abaissé dans les cancers, et au contraire augmenté dans les HBP. Le rapport PSA libre/PSA total augmente donc en cas d’HBP (> 25 %). Le dosage du PSA libre est par conséquent indiqué chez tous les patients ayant un PSA total supérieur à 4 ng/ml, pour aider au diagnostic différentiel et éviter des biopsies inutiles.

→ Enfin, il est important de savoir que les médicaments inhibiteurs de 5-alpha réductase utilisés pour traiter l’HBP, diminuent le taux de PSA total de 50 % après six mois (sans toutefois modifier le rapport PSA libre/PSA total). Ainsi, pour pouvoir être interprétés correctement, les taux de PSA totaux doivent être multipliés par deux sous traitement inhibiteur de 5-alpha réductase.

Question de patient

Les traitements chirurgicaux de l’adénome prostatique peuvent-ils rendre stérile ?

Avant toute intervention chirurgicale, il est fondamental d’informer le patient et sa compagne d’un risque d’éjaculation rétrograde (plus ou moins fréquent selon les techniques, mais pouvant atteindre plus de 70 % des cas), lié à l’ouverture du col de la vessie : l’éjaculat se déverse à contre-courant dans la vessie. Il est certain qu’en l’absence d’extériorisation de l’éjaculat, les chances de procréation sont fortement compromises. Pour autant, chez un couple ne désirant pas ou plus d’enfants, la femme ne doit pas interrompre sa méthode contraceptive, car il peut y avoir quelques millilitres de sperme extériorisés, notamment en cas d’éjaculation rétrograde partielle (post-incision cervico-prostatique), avec une possibilité, quoique rare, de grossesse.

Point de vue…

À propos de l’utilisation des anticholinergiques urinaires

Dr Rachid Mahamdia, gériatre, praticien hospitalier, groupe hospitalier Sainte-Périne, AP-HP

« Quand la gêne occasionnée par les signes irritatifs (impériosités mictionnelles, pollakiurie, voire incontinence urinaire) est importante, les urologues peuvent avoir recours aux anticholinergiques urinaires de type Ditropan ou Céris (bien qu’en principe contre-indiqués en cas de risque de rétention urinaire lié à des troubles urétro-prostatiques) pour lutter contre l’hyperactivité vésicale. En cas d’utilisation de cette classe thérapeutique, le patient doit être surveillé de près en raison du risque de rétention urinaire. D’autres effets secondaires peuvent être prévenus comme la constipation. La survenue d’une confusion mentale, notamment chez les patients âgés, doit attirer l’attention de l’infirmière. »

Point de vue…

L’Idel : un rôle d’information et de surveillance

Dr Rachid Mahamdia, gériatre, praticien hospitalier, groupe hospitalier Sainte-Périne, AP-HP

« Dans la prise en charge de l’HBP, l’Idel peut tout d’abord jouer un rôle d’information, qui consiste à inciter le patient à consulter son médecin, devant des signes fonctionnels irritatifs à type de mictions fréquentes, surtout nocturnes, d’impériosités mictionnelles, ou en présence de signes obstructifs comme une faiblesse du jet urinaire, ou encore une nécessité de pousser pour vidanger sa vessie. Mais l’infirmière participe également à la surveillance des effets indésirables des traitements, comme les alphabloquants qui peuvent entraîner une asthénie, des vertiges et surtout des hypotensions potentiellement responsables de chutes chez les patients âgés, en particulier en cas d’associations à des médicaments antihypertenseurs. Enfin, l’infirmière libérale peut intervenir en termes d’éducation thérapeutique des patients, notamment en post-opératoire. »