Éducation des patients prostatiques - L'Infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

M. P., âgé de 58 ans, est traité depuis trois ans par tamsulosine (alpha-bloquant). Devant une aggravation des Tuba, son médecin lui a rajouté de l’Avodart (dutastéride, inhibiteur de 5-alpha réductase). Sa femme a constaté une baisse de libido chez son mari, qui, par ailleurs, ne ressent pas de réelles améliorations lors des mictions, en dépit de l’ajout du nouveau traitement.

Rassurez Mme P. : un traitement d’au moins six mois peut être nécessaire avant d’observer une réponse optimale aux inhibiteurs de 5-alpha réductase. En outre, ces médicaments peuvent être à l’origine d’effets indésirables sexuels, mais ces effets sont réversibles et leur incidence diminue avec le temps.

CONSEILS HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES

La pratique d’une activité physique, comme la marche à pied, le vélo, la natation, est conseillée. Elle permet une meilleure contraction du muscle de la vessie et facilite l’élimination urinaire. Il faut par ailleurs savoir qu’un adénome de prostate ne contre-indique pas la pratique sportive.

En dépit de ce que peut croire à tort le patient craignant les impériosités mictionnelles, il est conseillé de s’hydrater suffisamment tout au long de la journée (1 à 1,5 litre d’eau par jour), pour éviter les infections et les calculs urinaires. Il faut savoir expliquer au patient que le fait de boire n’entraîne pas une miction immédiate et que l’eau bue ne sera éliminée que quelques heures plus tard. En outre, une bonne hydratation permet un remplissage satisfaisant de la vessie et augmente la force de contraction de cette dernière, ce qui améliore les signes de rétention urinaire.

En revanche, il est préférable de réduire l’apport de boisson une ou deux heures avant d’effectuer un long trajet en voiture et avant de se coucher (afin d’éviter les levers nocturnes).

Il convient d’éviter la consommation de certains alcools qui peuvent favoriser la survenue d’infections urinaires (en particulier, vins blancs, champagne et bière) et de café (qui est source d’impériosités mictionnelles), ainsi que la consommation d’aliments épicés qui aggravent également les symptômes.

CONSEILS À PROPOS DES TRAITEMENTS

Appréciation de l’efficacité du traitement

Il est important de savoir expliquer aux patients que si les bénéfices des alpha-bloquants (augmentation du volume uriné en une seule miction, diminution du nombre des mictions, amélioration de la qualité du sommeil) sont constatés rapidement après le début du traitement, en revanche, sous inhibiteurs de 5-alpha réductase, un délai de trois à six mois (voire parfois plus) peut être nécessaire pour observer un effet thérapeutique.

Gestion des effets indésirables

Sous alpha-bloquant

Il convient de s’assurer qu’un patient sous alpha-bloquant est au courant du risque d’hypotension orthostatique, d’étourdissements ou de sensations vertigineuses, surtout en début de traitement. Le patient devra en être particulièrement informé en cas de conduite automobile ou d’utilisation de machines.

De même, il est très important d’éduquer les patients (en particulier les patients âgés) à bien respecter les adaptations progressives des doses en début de traitement.

Pour éviter une manifestation d’hypotension orthostatique, il est nécessaire d’apprendre aux patients à ne pas quitter brutalement la position assise ou couchée, mais, au contraire, à se lever prudemment en deux temps (c’est-à-dire passer de la position couchée à la position assise, puis lentement de la position assise à la position debout).

Le port de bas de compression veineuse peut également être utile afin de prévenir l’hypotension orthostatique, car ils contribuent au retour veineux. Il est conseillé dans cette indication de garder les bas dans sa table de nuit, et de les enfiler avant de se lever, c’est-à-dire pendant la position assise du lever en deux temps.

L’hypotension orthostatique étant corrigée par le retour en clinostatisme, il convient, pour éviter une chute, d’apprendre aux patients à se mettre en position assise ou allongée, en cas de symptômes annonciateurs (vertiges, étourdissements, faiblesse, etc.), et ce, jusqu’à leur disparition complète.

Enfin, il est important d’éduquer les patients sous alpha-bloquant urinaire à signaler leur traitement à tout prescripteur potentiel, afin d’éviter les prescriptions redondantes d’autres traitements pourvoyeurs d’hypotension orthostatique, qui majoreraient ce risque.

Sous inhibiteurs de 5-alpha réductase

Il convient de savoir rassurer les patients : les troubles sexuels à type de baisse de la libido, troubles de l’éjaculation (diminution du nombre et de la mobilité des spermatozoïdes et diminution du volume éjaculé) et impuissance, surviennent surtout pendant la phase d’initiation du traitement et sont réversibles.

Manipulation par une femme enceinte

Les inhibiteurs de 5-alpha réductase sont absorbés au niveau cutané. Ainsi, les femmes enceintes (mais aussi les enfants et les adolescents) doivent éviter tout contact avec des comprimés cassés de finastéride ou des capsules endommagées de dustatéride, les inhibiteurs de 5-alpha réductase pouvant en effet entraîner des anomalies des organes génitaux externes chez le fœtus mâle. En cas de contact accidentel, la zone doit être lavée à l’eau et au savon.

Bannir l’automédication

En effet, certains médicaments (utilisés notamment contre le rhume, les nausées, les allergies…) peuvent augmenter les difficultés urinaires, ou même provoquer une rétention urinaire chez ces patients prédisposés. Aussi est-il important de recommander aux patients de toujours demander l’avis d’un médecin ou d’un pharmacien avant de prendre un médicament.

CONSEILS APRÈS UNE INTERVENTION CHIRURGICALE

Il convient de savoir informer les patients que les mictions peuvent rester douloureuses jusqu’à deux mois après l’intervention.

De même, une hématurie (liée à la chute de croûtes de cicatrisation qui s’évacuent dans les urines et mettent à nu des artérioles non cicatrisées) peut survenir et persister deux à quatre semaines après l’intervention : si elle est modérée, il est conseillé de boire davantage ; si elle est importante ou perdure au-delà de quatre semaines, il faut conseiller au patient une consultation médicale.

Il est recommandé d’éviter les rapports sexuels, les efforts physiques et la conduite automobile dans le mois qui suit l’intervention.

Il est particulièrement important de prévenir ou de corriger une constipation, qui peut, du fait d’une compression urétrale par les matières fécales retenues dans le rectum, favoriser une rétention et une infection urinaires : conseiller une alimentation riche en fibres (crudités, fruits et légumes verts, céréales complètes) et renforcer l’apport hydrique.

Enfin, grâce à sa proximité avec les malades, l’infirmière libérale est un des professionnels de santé les mieux placés pour recevoir les confidences d’un patient ou de sa compagne. Aussi est-il important pour une Idel de bien connaître le risque d’éjaculation rétrograde, qui constitue le principal effet indésirable lié à la chirurgie : il est fondamental de s’assurer que les patients en soient bien informés pour ne pas qu’ils la découvrent au premier rapport post-opératoire, ce qui peut être tout à fait déroutant pour le couple, ou même être à l’origine d’une impuissance psychogène. Il est également important de savoir rassurer le couple : une éjaculation rétrograde ne modifie pas la qualité de la relation sexuelle et l’orgasme (même s’il est différent) reste toujours agréable.

Médicaments aggravant les troubles causés par une HBP

Plusieurs médicaments sont susceptibles d’aggraver les Tuba et peuvent être à l’origine d’une rétention urinaire. Certains d’entre eux peuvent faire l’objet d’une automédication.

Il s’agit principalement des médicaments ayant un effet :

→ sympathomimétique alpha (il s’agit, sur le plan pharmacologique, d’une classe thérapeutique qui présente des effets inverses de ceux observés avec les alpha-bloquants urinaires) : ils provoquent une contraction des sphincters urinaires et une relaxation du détrusor, provoquant des difficultés mictionnelles, voire une rétention d’urine. Ces médicaments sont principalement des dérivés de l’éphédrine, utilisés pour leurs effets vasoconstricteurs comme décongestionnants nasaux dans le traitement des rhumes ;

→ anticholinergique ou atropinique (c’est-à-dire un effet contraire à l’acétylcholine, médiateur du système nerveux parasympathique) : ils peuvent être à l’origine d’une rétention d’urine et peuvent aggraver les troubles liés à un adénome. De nombreux médicaments exercent des effets atropiniques comme certains antiparkinsoniens (Lepticur, Parkinane, Akineton), de nombreux neuroleptiques, les antidépresseurs imipraminiques, le Vogalène (anti-émétique neuroleptique), la plupart des anti-histaminiques, certains bronchodilatateurs comme Atrovent, certains antispasmodiques comme la Visceralgine, et bien évidemment les médicaments utilisés dans le traitement de l’incontinence urinaire.

Point de vue…
Dr Rachid Mahamdia, gériatre, praticien hospitalier, groupe hospitalier Sainte-Périne, AP-HP

Quand consulter en postopératoire ?

« En post-opératoire, une pollakiurie, une impériosité mictionnelle, voire une incontinence urinaire passagère, peuvent se voir pendant les premières semaines ou les premiers mois après résection prostatique. Il faut savoir rassurer le patient devant ces troubles passagers. Cependant, leur persistance doit mener le patient à consulter. Il est important d’inciter le patient à boire abondamment : environ 2 litres d’eau par jour sont nécessaires pour laver la vessie et la loge prostatique, surtout en cas d’hématurie, ou de chute d’escarres (croûtes cicatricielles liées à la résection prostatique) afin éviter la formation de caillots sanguins et le risque d’obstruction. En cas de saignement important, de fièvre, de douleurs au niveau des bourses, le patient doit consulter en urgence. »

Rappel sur les effets du système nerveux autonome

Cas d’une stimulation sympathique (via l’adrénaline ou la noradrénaline)

→ Relachement du détrusor.

→ Contraction du sphincter lisse.

→ Continence.

Cas d’une stimulation parasympathique (via l’acétylcholine)

→ Contraction du détrusor.

→ Relachement du sphincter lisse.

→ Miction.

Effets des médicaments sur la miction

→ Les médicaments sympathomimétiques alpha reproduisent une stimulation sympathique et favorisent les rétentions urinaires.

→ Les médicaments anticholinergiques s’opposent à la stimulation parasympathique et empêchent les mictions.

→ Inversement, les médicaments alpha-bloquants utilisés dans l’HBP contractent le détrusor, relâchent les sphincters urinaires et favorisent les mictions.