Au bout de l’effort, la reconnaissance - L'Infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

MOSELLE (57)

Initiatives

Martine Hofer est infirmière libérale à Talange, à une vingtaine de kilomètres de Metz. Compétitrice dans l’âme, elle se dépense sans compter dans le sport de haut niveau.

Cet été, au championnat du monde de triathlon Ironman, à Hawaï, Martine Hofer a mis 12 heures et 26 minutes pour parcourir 3,9 kilomètres de natation en mer, 180 kilomètres de vélo et 42,195 kilomètres de course à pied. Un bon score, mais pas satisfaisant pour Martine, compétitrice dans l’âme.

Depuis environ une trentaine d’années, Martine pratique le sport de haut niveau. Une passion qui la guide, parallèlement à son activité d’infirmière. « J’ai choisi de faire le métier d’infirmière car je ressentais un réel besoin de m’occuper des autres, souligne-t-elle. Au départ, je voulais même être infirmière dans l’humanitaire. » Martine est d’ailleurs partie en Asie dans ce but, à la fin de ses études, pendant plusieurs mois, avec deux autres collègues.

À son retour, après un passage au service de réanimation du centre hospitalier de Metz, « j’ai eu envie de faire de la prise en charge à domicile de patients nécessitant des soins lourds, explique l’intéressée. Car l’accompagnement des patients en fin de vie et la technicité de ce type de soins m’ont toujours attirée ». À cette époque, Martine aspire également à être davantage indépendante : seule avec ses deux filles, elle souhaite organiser ses horaires comme elle l’entend et non plus assurer des postes de 12 heures jour et nuit. Elle s’installe donc dans un cabinet libéral en 1990 avec une autre infirmière. Les deux collègues décident de se spécialiser pour faire, entre autres, de la dialyse. « Notre cabinet a tout de suite été répertorié par l’hôpital comme effectuant des soins lourds. Une grande partie des patients du secteur, en dialyse, en chimiothérapie ou en fin de vie, vient donc vers nous. » De fait, le cabinet a une patientèle importante : les deux infirmières prennent en charge environ 80 patients par jour entre 6 et 22 heures. Elles organisent leur planning au mois avec des tournées fixes, en fonction de leurs engagements privés, ce qui permet à Martine de s’arranger pour se rendre aux compétitions sur ses jours de repos. Et lorsqu’elle ne parvient pas à s’ajuster avec sa collègue, elle fait appel à une remplaçante afin d’être disponible pour les courses qu’elle ne manquerait pour rien au monde.

Pratiques sportives à hautes doses

« Le sport m’apporte un bien-être indispensable et fait partie de mon équilibre général, rapporte cette sportive de 51 ans, toute menue. J’en ai besoin pour évacuer la tension que j’accumule au quotidien avec mon métier et pour extérioriser ce que j’emmagasine chez les patients. » Véritable pile électrique, elle enchaîne entre 25 et 27 compétitions par an ! Cette passion, Martine l’a découverte dès ses jeunes années. « J’ai commencé la course à pied à l’âge de dix ans », raconte-t-elle. Puis elle arrête cette pratique pendant une dizaine d’années, entre 18 et 28 ans. « À la naissance de mes filles en 1987, j’ai voulu reprendre le sport. » Après la course à pied, l’infirmière décide de s’essayer au vélo : le VTT puis le vélo de route en compétition. C’est ainsi qu’elle commence à faire du duathlon, qui associe course à pied et vélo, et se licencie l’année de ses 39 ans. Après quelques années de pratique, elle se lance un nouveau challenge, le triathlon. Un défi de taille car, à l’époque, Martine ne sait pas nager. « Dans mon enfance, j’ai failli me noyer. Depuis, je n’avais jamais remis un pied dans l’eau. » Elle apprend donc à nager à 44 ans. « Je pensais que cela allait être facile car je suis une grande sportive. Mais loin de là ! » Et de poursuivre : « J’ai dû surmonter ma phobie de l’eau. Pendant six mois, je suis allée dans une piscine avec très peu de fond pour apprendre à mettre la tête sous l’eau. » Martine a beaucoup travaillé pour surmonter ses crises de panique. « Je ne serai jamais une grande nageuse », estime-t-elle. Mais elle compense cette “faiblesse” par de très bons résultats à vélo et en course à pied. Et, pour être à son meilleur niveau, Martine s’entraîne en permanence aux trois disciplines : la semaine entre ses tournées, les soirs, les fins de semaine, seule ou avec les membres de son groupe, Metz Triathlon, dont elle fait partie depuis douze ans. Quelques mois avant les grandes compétitions, l’entraînement s’intensifie : « Je prends parfois une semaine de congé pour ne faire que ça. » C’est le cas par exemple lorsqu’elle s’est préparée à l’Ironman de Nice en vue de se qualifier pour celui d’Hawaï. « Il faut s’entraîner pendant des mois pour être prêt à la compétition. » Et il faut également des mois pour s’en remettre…

Bien plus qu’un jeu…

Pour assouvir sa passion, Martine n’hésite pas à faire des concessions. « J’ai sacrifié l’aspect familial de ma vie pour la compétition et, le travail, je le reconnais aujourd’hui  », avoue-t-elle, perdue dans ses pensées. Si ses filles ne lui ont jamais reproché son dévouement à son métier, ce n’est pas le cas pour sa passion du sport. « Je n’ai pas su leur faire aimer le sport et j’ai compris pourquoi lorsque j’ai commencé à entraîner des jeunes. Pour eux, il faut que le sport reste ludique. Alors que moi, j’ai l’esprit de compétition, il faut toujours se surpasser. » D’ailleurs, Martine n’a que très rarement pris des vacances pour le plaisir ou pour le repos. Ses vacances coïncident avec les compétitions. « Quand mes filles étaient jeunes, elles m’accompagnaient, ainsi que mon ex-mari, également sportif, aux grandes courses. C’étaient leurs vacances. » Dans le cadre des compétitions, elle a effectué de nombreux voyages, tous financés par ses soins puisqu’elle n’est pas professionnelle, elle ne dispose d’aucune subvention. « Je paie mes voyages, mes inscriptions aux courses ainsi que les hôtels. » Autant de sacrifices qui ont payé d’un point de vue sportif, puisque Martine est montée entre 300 et 400 fois sur des podiums et qu’elle cumule, entre autres, les titres de championne de Lorraine, de France et d’Europe en duathlon. « Le sport m’est nécessaire pour ma plénitude, pour le dépassement de soi, pour me prouver que je suis capable. » Auparavant, elle recherchait une reconnaissance auprès des autres, notamment parce que « en tant qu’infirmière, on a très peu de reconnaissance dans notre travail. On ne peut que donner ». Maintenant, il s’agit davantage d’un défi personnel. À Hawaï, elle est arrivée 24e de sa catégorie (50-55 ans). « Je ne suis pas satisfaite, j’aurais aimé être sur le podium. Mais c’est un championnat du monde, cela m’a remis à ma place. » Et d’ajouter : « Je n’ai jamais abandonné une course, sauf sur chute ou casse du matériel. L’un de mes entraîneurs d’athlétisme m’a dit un jour : “Si tu abandonnes une fois, tu abandonnes cent fois.” Cela m’est resté. » Et, avec ses patients, Martine applique la même règle : « Je leur dis de ne pas abandonner, que le mal est passager. Il faut chercher des ressources au fond de soi. »

Force mentale à toutes épreuves

Cette force mentale est indispensable à Martine, notamment en raison de ses problèmes de genou. « Cela fait trente ans que j’arpente le bitume, et le sport en compétition laisse des traces. C’est davantage de la souffrance que du plaisir. » Elle a déjà été opérée de la rotule et le même genou a de l’arthrose, des kystes et une fissure au ménisque. Au-delà de la souffrance, il s’agit d’un réel handicap pour elle. « Pour arriver au bout d’une course, je dompte cette souffrance, car l’accepter, c’est reculer son seuil de tolérance. » À terme, une opération sera nécessaire pour poser une prothèse. « Il me sera difficile de courir, mais je pourrai nager et essayer de faire du vélo. » À Nice, elle a terminé la course avec le genou complètement enflé et, à Hawaï, « j’avais des crampes partout, je n’étais plus dans le chronomètre. Mais, ce qui m’importait, c’était de terminer la course  ». Cette grande sportive se donne toujours les moyens d’aller jusqu’au bout, même si son physique ne suit pas nécessairement. « J’ai déjà perdu connaissance à l’arrivée d’une compétition. » Malgré la douleur, le sport lui procure un tel bien-être qu’à peine elle termine une compétition, elle se trouve un nouveau défi. « J’ai fait tout ce que j’ai voulu faire dans ma carrière de sportive. Mais je continue à me fixer des objectifs, alors que cela fait quinze ans que je me dis que ce sont les derniers », affirme-t-elle en éclatant de rire.

L’infirmière essaie de partager sa passion avec ses patients, mais ce n’est pas si facile. Si certains la soutiennent, d’autres ne sont pas contents, « parce que je consacre du temps au sport et que, pendant ce temps-là, je ne suis pas à leurs côtés  ». Elle n’ose plus dire à certains d’entre eux qu’elle part en compétition car ils vont le lui reprocher. « Pour eux, lorsque je pars, cela veut dire que je suis en vacances, alors que, de leur côté, le quotidien ne change pas. C’est dommage, car j’aime partager les moments intéressants que je vis. » À terme, l’infirmière aimerait organiser des ateliers et des sorties pour les patients afin de les initier à l’entretien physique.