Se montrer à l’écoute - L'Infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

La difficulté de communiquer avec un jeune enfant, de comprendre et soulager sa douleur, ou encore d’effectuer les soins en présence des parents est parfois perçue comme un frein à la prise en charge des enfants. Quelques conseils permettent toutefois d’adapter facilement l’aspect relationnel du soin infirmier à la situation.

Vous venez faire une injection d’antibiotique à Louise, 6 ans. Son papa s’étonne de ne pas vous voir la piquer immédiatement.

Rassurez le papa : tous ensemble, vous allez parler du déroulement du soin et convenir d’un signal avec Louise au cas où l’injection serait trop douleureuse.

PARLER DE LA DOULEUR ET DU SOIN

Avec des phrases comme « je sais que ce n’est pas facile pour toi », « je sais que ça fait mal, mais on va prendre en compte cette douleur et essayer de l’éviter au maximum », l’enfant se sent entendu et compris. Il peut alors retrouver une confiance en lui et dans les adultes qui ne l’abandonnent pas. À l’inverse, lorsque les paroles du soignant sont en inadéquation avec les gestes, la relation est cassée et l’angoisse de l’enfant augmente. C’est le cas lorsque le soignant veut minimiser ou nier la douleur provoquée par les soins en disant que « cela ne fait pas mal » ou que « c’est bientôt terminé ». Ce qui est faux.

Quel que soit le type de soin, il faut informer l’enfant qu’il risque de ressentir de la douleur et décrire les moyens mis en place pour la prendre en charge. Les explications, claires et précises, retracent le déroulement du soin, mais également la méthode d’analgésie utilisée. Le geste peut être montré sur un jouet ou une poupée. En interrogeant l’enfant sur les soins antérieurs, et sur le souvenir qu’il en a gardé, l’infirmière met à jour ses craintes éventuelles et l’aide à désamorcer son anxiété.

SE METTRE À SA HAUTEUR

Pour attirer l’attention du jeune enfant, le soignant prend contact par tous les moyens, en respectant les limites acceptées par l’enfant. Il se place au niveau de ses yeux et le regarde directement, de face. Un ton de voix calme, chaleureux et doux présentera automatiquement le contexte comme moins menaçant. Si l’enfant accepte, le soignant peut le toucher et augmenter ainsi son sentiment de confort et de confiance avant le soin.

PARLER À UN NOUVEAU-NÉ

Plus l’enfant est jeune, plus il pense que les adultes, parents ou soignants, perçoivent ce qu’il ressent. Communiquer avec l’enfant permet de lui faire comprendre qu’il est le seul à pouvoir dire où il a mal et quelle est l’intensité de cette douleur. Plus l’enfant est jeune, plus la douleur est incompréhensible. Parler avec lui permet au soignant d’établir une relation de confiance avec l’enfant qui se sent reconnu dans ce qu’il vit. En pratique, le silence du soignant traduit bien souvent une prise en charge insuffisante de la douleur et de la détresse de l’enfant.

Le nourrisson doit être contenu dans la relation avec l’adulte qui s’occupe de lui. Le soignant prend soin de l’envelopper et de le capter par le regard, la voix, les expressions du visage et les gestes. Dans son approche, il doit se garder de toute intrusion ou excitation, et s’adapter aux réactions de l’enfant.

JUSQU’À 3 ANS

Une expression immature

Les comportements d’opposition, d’agressivité et de toute-puissance apparaissent. « L’enfant construit progressivement une conscience de soi, le sentiment d’une identité propre », indique Agnès Lucas, psychologue en crèche à Aix-en-Provence (13), intervenante à l’Institut de formation d’infirmiers puériculteurs de Marseille (AP-HM). Tant que l’enfant n’a pas une conscience claire qu’il est un individu séparé de ses parents, il se trouve dans une grande immaturité psychique. Il peut sentir des tensions ou un mal-être, sans pouvoir identifier ce qui se passe en lui. Il est démuni face à la douleur. À cette période de la vie, les cris expriment un malaise, une tension ou un besoin non satisfait. L’adulte doit intervenir, car l’enfant ne peut pas s’apaiser seul.

À partir d’un an, le bébé dispose d’un répertoire d’environ 150 mots. Il peut dire où il a mal. Il n’a pas la conscience du temps et ne peut se projeter dans l’avenir. Il ne pourra pas comprendre que le soin douloureux a pour objectif de le soulager plus tard.

Une réponse mature

Dans une attitude de compréhension et d’empathie, l’adulte aide le nourrisson à comprendre ce qui se passe, en s’adressant à lui et en le nommant. Quand un bébé pleure, le parent lui demande ce qui se passe et pourquoi il pleure, tout en sachant que le bébé ne peut répondre verbalement. « L’adulte, dans une recherche de sens, va trouver des modes de réponses pour apaiser l’enfant. C’est parce que l’adulte est dans cet effort de décryptage que l’enfant peut mieux comprendre ce qui ce passe en lui », précise la psychologue. Le nourrisson ne comprend pas encore le contenu des paroles, mais s’imprègne de l’attention et du respect qu’elles expriment.

À partir d’un an, l’infirmière prendra garde à ne lui donner qu’une consigne à la fois. Le bébé doit avoir l’axe du corps, le dos et la nuque soutenus par l’adulte qui s’occupe de lui ou par un appui sur un matelas ou dans un berceau. Il peut être porté directement, en contact avec le corps d’un parent.

ENTRE 3 ET 6 ANS

Centré sur son corps

C’est la période de l’apprentissage de la propreté, le développement de l’autonomie motrice, du langage, des capacités de jeu et d’apprentissage. Face aux colères et aux tendances agressives, l’adulte, dans un rôle contenant, reçoit les manifestations des émotions de l’enfant sans se laisser détruire par elles, en ne se sentant pas personnellement visé, et sans réaction brutale. Avec un répertoire d’environ 1 500 mots, l’enfant peut se plaindre spontanément, mais il a encore besoin d’aide pour décrire la douleur. Il n’a toujours pas la notion du temps et il faut demander aux parents quels sont les repères temporaux qu’ils utilisent à la maison. Centré sur son point de vue, il ne peut pas envisager celui des autres. Il connaît des peurs importantes, même pour des petites blessures. Notamment en cas d’effraction de son corps.

Besoin de paroles

L’enfant a besoin d’être rassuré sur son intégrité corporelle lorsqu’on lui fait une piqûre, par exemple. Il faut toujours prendre en compte qu’un enfant affolé et douloureux perd ses capacités de compréhension.

L’adulte doit être attentif au langage non verbal, aux sourires, aux pleurs, selon que l’enfant se montre mou ou au contraire très tonique… Si, quand on lui touche son bras, il se raidit, l’infirmière doit suspendre son geste et s’adresser à l’enfant pour le rassurer, en disant par exemple « je sens que tu as un petit peu peur ». Par ces paroles, le soignant dit à l’enfant qu’il est avec lui et qu’il le comprend, même s’il doit aller jusqu’au bout de son soin. L’infirmière doit se laisser inspirer dans le déroulement du soin par les réactions de l’enfant. Certains enfants n’ont pas l’habitude de pouvoir influencer les adultes parce que les parents ne sont pas toujours réceptifs. Il n’attend alors pas grand-chose de l’adulte en face de lui.

La disponibilité et l’attention du soignant portées à l’enfant évitent la routine ou la banalisation du soin. Cela permet surtout à l’enfant de prendre place dans ce soin qui le concerne. Il peut être attentif à ce que l’adulte fait à son corps, être présent, actif et sujet de soin. Il se sent important pour l’adulte. Il prend confiance en lui s’il a la possibilité de participer, d’intervenir, d’influencer le déroulement du soin.

ENTRE 6 ET 12 ANS

Logique et notion de temps

L’enfant peut avoir un raisonnement logique et s’exprimer par le langage. Il est capable d’intégrer la notion de maladie. Les infirmières sont parfois surprises de la maturité du raisonnement des enfants concernant leur maladie, surtout face à une maladie chronique. L’enfant se situe dans un monde social plus ouvert et dans un rapport au temps proche de celui de l’adulte. C’est l’âge où il apprend à lire l’heure, par exemple. À partir de 7-8 ans, le soignant peut lui dire « je vais passer un quart d’heure avec toi ». Il peut dorénavant situer des expériences personnelles par rapport à son histoire.

L’enfant est dans une curiosité intellectuelle envers tout ce qui l’entoure, il est intéressé par ce qui se passe. C’est alors plus facile pour un adulte de faire passer un message, et l’enfant pourra dire s’il n’a pas compris. Il va moins subir et peut comprendre que l’adulte est là pour lui et pas contre lui. Le soin n’est pas vécu comme une menace, mais comme quelque chose qui va l’aider à guérir ou le soulager. Comme à tout âge, il doit sentir que l’adulte le respecte et fait attention à lui. À partir de 7 ans, il peut comprendre que le soin est nécessaire pour aller mieux.

Consignes et signes

Le soignant et l’enfant peuvent s’entendre sur un signe pour arrêter le soin quand la douleur est insupportable. « Si tu as trop mal, tu me fais un signe de l’autre main. »

L’infirmière permet à l’enfant de crier et de pleurer, en lui demandant toutefois de ne pas bouger le bras pour une prise de sang, par exemple. Elle doit prendre garde à ce que l’enfant n’interprète pas la consigne de ne pas bouger comme un blocage total, y compris des émotions. Car l’enfant met alors tellement d’énergie pour maîtriser la douleur qu’il n’a plus la force de bouger. Or « il est prouvé qu’un soin douloureux laisse moins de traces psychiques si l’enfant a pu exprimer sa douleur », souligne Agnès Lucas.

Point de vue…
Pascale Revereau-Redon, infirmière libérale à Chelles (77), a exercé en service d’hemato-immuno-oncologie pédiatrique à l’hôpital Armand-Trousseau à Paris (AP-HP)

« Injecter un peu de Rocéphine et attendre »

« La Rocéphine (ceftriaxone sodique), antibiotique en solution injectable intramusculaire ou sous-cutanée, est prescrite en cas d’échec ou d’impossibilité d’un traitement par voie orale. Cette injection est douloureuse malgré la crème Emla. Si l’on veut que le chlorhydrate de lidocaïne, anesthésiant contenu dans la rocéphine, agisse, on en injecte un petit peu et on attend. On parle ou on chante avec l’enfant qui est tenu par la maman, sans forcing, puis on injecte la dose restante. »