Savoir impliquer les parents dans le soin - L'Infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

En arrivant au domicile de Guillaume, 7 ans, pour lui retirer des points, sa maman vous demande si elle doit assister aux soins. Elle n’a pas l’air vraiment à l’aise.

Prenez un peu de temps pour parler avec elle des avantages de sa présence et de ce qui la gêne.

L’ATTENTE DE L’ENFANT

Un enfant qui doit subir un soin s’attend à avoir la présence de ses parents à ses côtés. Pour leur part, la grande majorité des parents souhaitent rester présents. Or les soignants sont parfois réticents à cette présence pour divers motifs, surtout lors des soins à l’hôpital : les parents peuvent les gêner dans leur travail, leur regard est difficile à supporter, ils transmettent leur angoisse à l’enfant, il faut savoir en plus gérer leurs réactions, etc.

Il existe pourtant des solutions pour concilier les besoins des enfants et ceux des parents avec les impératifs du soin. En impliquant les parents dans le soin, les soignants rendent les conditions plus apaisées et bien plus confortables pour tous. L’expérience montre alors que la présence des parents, loin d’être un obstacle aux soins, devient un bénéfice.

CONSIDÉRER LA POSITION DES PARENTS

En présence

« Il faut toujours prendre en compte la relation de l’enfant avec ses parents et le projet de soin qu’ils portent pour lui », explique Agnès Lucas, psychologue en crèche à Aix-en-Provence (13), intervenante à l’Institut de formation d’infirmiers puériculteurs de Marseille (AP-HM). La compétence technique de l’infirmière ne doit pas lui laisser ressentir qu’elle s’occupe mieux de l’enfant que les parents eux-mêmes. « Le soignant doit éviter le risque d’une appropriation de l’enfant pour ne pas entrer en rivalité avec les parents », ajoute la psychologue. Dans le cas des soins à long terme, le parent qui ne peut soigner son enfant peut avoir l’impression d’être incompétent.

Pour Marie-Karine Esteban, directrice de l’Institut de formation d’infirmiers puériculteurs de Marseille (AP-HM), « le parent se sent démuni dans son rôle. Il sait qu’il ne peut pas empêcher le soin douloureux, mais il y a une ambiguïté dans son positionnement. Il ne protège pas l’enfant contre la douleur ou l’agression que peut représenter le soin ». Dans cette situation, le soignant ne doit pas démunir les parents de leur rôle mais, au contraire, le valoriser. Si le parent participe au soin, « ce n’est pas lui qui fait le geste, mais il soutient son enfant », ajoute Marie-Karine Esteban. La relation triangulaire est délicate pour les parents, avec des sentiments d’impuissance et de culpabilité face à la souffrance de leur enfant.

Quand les parents ne veulent pas être là

Il arrive que les parents ne souhaitent pas assister au soin. Il est alors utile de savoir ce qui les inquiète pour les informer et les rassurer. Le soignant peut alors proposer des aménagements pour faciliter leur présence en les installant de telle sorte qu’ils ne voient pas le geste. Dans tous les cas, il est important de respecter leur choix sans les culpabiliser. « On peut dire à l’enfant que ses parents restent à côté et qu’ils viendront si l’enfant a besoin d’eux », préconise Catherine Diamantidis-Zinchiri, infirmière puéricultrice libérale. La relation est alors maintenue.

UNE RELATION TRIANGULAIRE

Avec un enfant, le soignant n’est pas dans une approche duelle comme avec un adulte. « Dans son approche, l’infirmière prend aussi un temps de mise en confiance et d’explication du soin avec les parents. Il faut qu’ils soient partie prenante au soin », souligne Marie-Karine Esteban. Lors de la réalisation des gestes douloureux courants, tels que les ponctions veineuses, la quasi-totalité des parents préfèrent rester auprès de l’enfant. Même si une première expérience peut s’avérer difficile à vivre. Lorsqu’ils sont impliqués, les parents sont des partenaires précieux. Ils connaissent les réactions de leur enfant, les moyens de le réconforter et les manières de le distraire. Le parent est l’ancrage principal en termes de sécurité affective, sa participation rassure l’enfant.

ORGANISER LA PARTICIPATION DES PARENTS

Pour les plus petits, le contact avec la mère pendant le soin est un facteur rassurant. Pour les enfants allaités, lorsque la maman l’accepte, le soin douloureux peut être effectué pendant la mise au sein*. Cette “position” est considérée comme une méthode non médicamenteuse agissant sur la composante émotionnelle et affective de la douleur, au même titre qu’une solution sucrée (voir l’encadré page précédente). Plus tard, le parent peut prendre l’enfant contre lui, dans les bras ou sur les genoux, lors d’une injection intramusculaire par exemple. Souvent, à partir de 5-6 ans, les enfants préfèrent s’installer avec leur objet préféré ou un jouet. Un parent peut alors lui tenir la main pendant le soin. La place et le rôle de chacun doivent être définis avant le soin. Le soignant encourage le parent à maintenir le contact avec son enfant par le toucher, le regard ou la parole, et à le distraire. « Si le parent est occupé à distraire l’enfant, c’est gratifiant pour le parent, rassurant pour l’enfant, et le soin est plus facile pour l’infirmière », constate Catherine Diamantidis-Zinchiri. La présence des parents devient un facteur de réussite du soin.

INITIER LES PARENTS

Pour certaines maladies chroniques, les parents prennent le rôle de soignant dans la prise en charge de leur enfant. C’est par exemple le cas avec des aérosols dans le traitement de la mucoviscidose. « On a un rôle d’éducation à la santé pour les parents », soutient Géraldine Michard, infirmière puéricultrice libérale qui dispensait des soins d’iléostomie à un enfant de 2 mois. « J’ai commencé par faire le soin devant la maman. Elle s’est progressivement appropriée le soin. Aujourd’hui, elle le fait elle-même. » Certaines infirmières revendiquent un rôle d’accompagnement nécessaire pour les parents dont l’enfant quitte l’hôpital. Concernant les méthodes pour soulager l’angoisse et la douleur de leur enfant, les parents initiés par l’infirmière libérale reproduisent les gestes. « Lorsqu’ils sont obligés de passer en urgence au laboratoire, ils emmènent les bonbons, le doudou et demandent à rester avec l’enfant. Ils le distraient et cela se passe bien », rapporte Catherine Diamantidis-Zinchiri.

* Organisation des soins, prévention et traitement de la douleur induite chez l’enfant en secteur libéral, Marie-Claude Daydé, Catherine Zinchiri.

La solution sucrée

Déposée sur la langue d’un enfant de moins de 3 mois, à l’aide d’une seringue ou d’une tétine (plus efficace grâce à l’action de la succion), une solution sucrée atténue ou fait disparaître la douleur due à un geste invasif minime : ponction veineuse, injection intramusculaire ou sous-cutanée, retrait d’un adhésif… La succion a un effet apaisant et améliore l’efficacité du sucre. L’effet se manifeste après 1 ou 2 minutes (respecter un délai de 2 minutes) et dure de 5 à 7 minutes. Il est conseillé de maintenir la succion pendant la durée du geste. Si besoin, faire une autre administration 5 minutes plus tard. En pratique, 1 à 2 ml de solution de G30 sont recommandés. Il est aussi possible de dissoudre 2 morceaux de sucre dans 30 ml d’eau dans un petit biberon.

Point de vue…
Agnès Lucas, psychologue en crèche à Aix-en-Provence (13), intervenante à l’Institut de formation d’infirmiers puériculteurs de Marseille (AP-HM)

« Le jeune enfant a un système de communication unique et irremplaçable »

« Le jeune enfant crée avec chacun de ses parents un système de communication très particulier, sous forme d’interactions et d’échanges actifs. Ces modes de relation sont uniques et irremplaçables, l’enfant initiant la relation, ou le parent allant vers l’enfant. Certains sont plus dans un langage verbal, d’autres dans le contact visuel. Avec le soignant, le bébé voudra retrouver le même mode de communication. S’il a l’habitude d’être beaucoup pris dans les bras, il aura besoin de retrouver ce contact corporel. D’autres enfants sont plus attentifs à la parole. Le soignant doit être assez malléable pour prendre part à ce système mis en place entre l’enfant et ses parents. »