Éducation thérapeutique des patientes - L'Infirmière Libérale Magazine n° 274 du 01/10/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 274 du 01/10/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Mme C., 38 ans, mère de trois enfants, est porteuse d’un fibrome sous-muqueux de 4 cm de diamètre, à l’origine d’abondants saignements, qui l’incommodent dans sa vie quotidienne et occasionnent une grande fatigue liée à une anémie. Son gynécologue envisage donc une myomectomie. Pour réduire la taille du fibrome et corriger l’anémie avant l’intervention, il lui a prescrit des injections IM d’Enantone LP 3,75 mg, (une injection par mois pendant trois mois). Aujourd’hui, vous venez d’injecter à Mme C. sa première dose, et celle-ci, lassée des saignements, vous demande quand ils vont s’arrêter.

En général, l’arrêt des saignements s’observe entre quinze jours à un mois après la première injection (laquelle est pratiquée dans les cinq premiers jours d’un cycle). Il est donc possible que Mme C. saigne encore au cours de ce mois. En revanche, la survenue de saignements après la deuxième injection serait anormale et devrait alors être signalée au médecin.

CONSEILS À PROPOS DES TRAITEMENTS

Administration des médicaments

Il faut rappeler aux patientes sous Ponstyl (acide méfénamique) qu’il s’agit d’un AINS, pouvant par conséquent induire des troubles digestifs (diarrhées, nausées, gastralgies, voire saignements digestifs). Il convient donc de le prendre au cours des repas pour prévenir ces effets indésirables. Il faut aussi prendre soin de sensibiliser les patientes aux nombreuses interactions de l’acide méfénamique, comme avec l’ibuprofène et l’aspirine, qui peuvent majorer ces troubles.

Les médicaments à base de fer s’administrent plutôt le matin à jeûn, pour faciliter leur absorption, ou avant le déjeuner, et ce, à distance de certains médicaments (comme les cyclines, les fluoroquinolones et les hormones thyroïdiennes entre autres), en raison des nombreuses interactions.

La première injection d’analogues de la Gn-RH doit être réalisée dans les cinq premiers jours du cycle, et il faut bien respecter un délai de quatre semaines entre deux injections.

Enantone LP 3,75 mg et Gonapeptyl peuvent être administrés en IM ou SC. Quant au Décapeptyl, il s’administre uniquement en IM.

Conservation des analogues de la Gn-RH

Il est important de rappeler aux patientes que Gonapeptyl se conserve au réfrigérateur. Alors que Enantone LP 3,75 mg et Décapeptyl se conservent à température ambiante.

Quand faut-il contacter le médecin ?

Sous Ponstyl (acide méfénamique) : la survenue d’une crise d’asthme ou d’un rash cutané doit faire évoquer une réaction d’hypersensibilité, qui doit être signalée au médecin. De même, la présence de sang rouge ou noir dans les selles nécessite de prendre contact avec le prescripteur. Toutefois, il est très important de garder à l’esprit que les médicaments à base de fer peuvent être responsables d’une coloration noirâtre des selles, sans incidence clinique. Un méléna (présence de sang noir, c’est-à-dire digéré, dans les selles) dû éventuellement à l’AINS, se distinguera d’une coloration des selles due au fer, par son odeur fétide caractéristique.

Sous progestatifs : la survenue de troubles oculaires (baisse de l’acuité visuelle, diplopie ou vision double), de céphalées importantes et inhabituelles, ou de signes de thrombose veineuse profonde (douleur dans le mollet, induration et perte du ballottement du mollet), doit être signalée au médecin car elle impose l’interruption du traitement progestatif.

Sous analogues de la Gn-RH : il faut savoir expliquer aux patientes que, du fait d’une stimulation initiale de l’axe hypophysogonadique, il est possible que les saignements perdurent durant le mois suivant la première injection. En revanche, la survenue de saignements au-delà du premier mois de traitement est anormale et impose une consultation médicale afin de vérifier le taux d’œstradiol plasmatique et de rechercher une éventuelle lésion organique associée. En effet, du fait du rétro-contrôle négatif, les saignements s’arrêtent en principe entre quinze jours et un mois après l’initiation du traitement. Il faut prévenir les patientes qu’avec l’arrêt des saignements pourront également survenir des bouffées de chaleur, des troubles de la libido et de l’humeur, liés à une ménopause artificielle. Mais il convient aussi de rassurer les patientes sur le caractère réversible de cette ménopause artificielle : ces effets disparaissent en effet après l’arrêt du traitement, les premières règles survenant environ deux mois après la dernière injection.

CONSEILS HYGIÉNO-DIÉTÉTIQUES

Lutter contre l’anémie

Il faut éviter de consommer trop de café ou de thé, car ils diminuent l’absorption du fer. Au contraire, l’absorption du fer étant facilitée par la vitamine C, il convient de consommer des agrumes et des kiwis.

Privilégier également la consommation d’aliments riches en fer tels que les abats et le foie en particulier, la viande rouge, les lentilles et les légumes secs…

Lutter contre la constipation

Rappelons tout d’abord que la constipation peut être due au fibrome qui comprime le rectum, mais qu’elle peut aussi être majorée par un traitement à base de fer. Il est donc particulièrement important de savoir donner aux patientes des conseils pour lutter contre la constipation.

Il faut boire 1,5 à 2 litres d’eau par jour. L’apport hydrique peut être complété d’un peu d’eau d’Hépar, riche en magnésium (qui a un effet laxatif), et d’un verre de jus d’orange, pris le matin à jeûn pour déclencher le péristaltisme intestinal.

Il est conseillé de consommer des aliments riches en fibres comme les crudités, les fruits et légumes verts, les céréales complètes. Et éviter au contraire la consommation d’aliments qui constipent comme le riz, les pâtes, le chocolat.

Les patientes (dans la limite des douleurs et des saignements) doivent pratiquer une activité physique, comme la marche à pied.

Enfin, il est important d’adopter des horaires réguliers pour aller à la selle, et de s’y présenter dès que l’envie se fait sentir, sans se retenir.

ACCOMPAGNER LES FEMMES HYSTÉRECTOMISÉES

À la souffrance physique liée à l’intervention, s’ajoute une souffrance psychologique : en effet, l’utérus est l’organe symbolique de la fertilité et, de ce fait, pour bon nombre de femmes, c’est aussi le symbole de la féminité et de la vie sexuelle. Ainsi, une ablation de l’utérus peut induire chez la femme un sentiment de dévalorisation, dû à la perte de son identité féminine et sexuelle, ainsi qu’une diminution de la libido, perturbant la reprise de l’activité sexuelle et altèrant les relations au sein du couple.

Par ailleurs, l’arrêt brutal et définitif des règles n’est pas toujours facile à accepter et le deuil de la fertilité peut être difficile à faire, surtout chez les femmes qui n’ont pas eu d’enfants.

En postopératoire, il est donc important pour les infirmières de savoir accompagner les patientes, les rassurer et les encourager : l’hystérectomie n’empêche pas les rapports sexuels. Il est aussi primordial d’aider les patientes à verbaliser ce qu’elles ressentent et d’être à leur écoute, pour savoir déceler des signes de décompensation dépressive (perte de l’estime de soi, diminution de l’appétit, troubles du sommeil, diminution du désir sexuel), et conseiller, le cas échéant, un soutien psychologique.

Point de vue…
Corinne Barbier, cadre infirmier, formatrice à l’Ifsi de l’Institut franco-britannique (92)

La contribution spécifique de la libérale

« L’infirmière libérale assure la surveillance post-opératoire, évalue la douleur, dépiste d’éventuelles complications hémorragiques, thrombo-emboliques ou infectieuses liées à la chirurgie pelvienne, et elle assure un accompagnement individualisé des patientes, basé sur l’écoute. L’infirmière libérale peut être à même d’identifier chez les patientes de l’anxiété liée à l’altération de l’image corporelle et à la crainte d’une perte de féminité, qui peut perturber la sexualité. La dimension relationnelle prend donc ici une place très importante. »

Témoignage d’une patiente
Marie-Dominique R., 67 ans, hystérectomisée à l’âge de 49 ans

« Je me suis sentie vieille ! »

« J’avais un utérus fibromateux qui a fini par me provoquer de véritables hémorragies, très invalidantes sur le plan social et personnel. Du coup, j’ai subi une hystérectomie. J’ai été opérée par voie basse, donc je n’ai pas de cicatrice. Mais les suites opératoires ont tout de même été très douloureuses ! Quand on m’a retiré l’utérus, mes deux filles étaient déjà étudiantes, et je n’avais plus l’âge d’être mère à nouveau. Alors, ne plus pouvoir avoir d’enfant n’avait pas beaucoup d’importance… Mais ne plus avoir mes règles m’a davantage marquée : je me suis sentie vieille tout d’un coup, même si, parallèlement, j’étais soulagée de ne plus être ennuyée par les hémorragies ! »