… malgré les obstacles - L'Infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 272 du 01/07/2011

 

AVANCER…

L’exercice au quotidien

Infirmière dans le Loiret, Ève-Marie s’est retrouvée bloquée par vingt camions de pompiers. Mais elle n’a pas reculé devant les difficultés et a réussi à se frayer un chemin, en sollicitant voisins et gendarmes…

« J’exerce à Ligny-Le-Ribault, un village de 1 200 habitants dans le Loiret. Il y a un peu plus d’un an, l’hôtel Saint-Jacques a brûlé. Un événement que la population n’est pas prête d’oublier : il a fallu 48 heures pour venir à bout de cet immense incendie. Jusqu’à vingt camions de pompiers se sont rassemblés autour de ce bâtiment, situé en bord de route, dont des pans de toit tombaient et dont les cheminées menaçaient de s’effondrer… La route qui traverse le bourg était totalement bouclée : impossible de passer. Or je devais pratiquer une insuline à l’autre bout du village, à seulement deux kilomètres. Le genre de soin qu’on ne peut pas décaler. Pour me rendre chez cette patiente, il n’y avait que deux possibilités : soit faire un détour d’au moins huit kilomètres en voiture, par des routes cahoteuses, soit emprunter un petit chemin piétonnier, hors du périmètre de sécurité, à pied ou à vélo. Mais deux kilomètres à pied, c’est long… Que faire ? J’ai garé ma voiture sur la place du village et suis allée au café, où j’ai demandé au patron s’il n’avait pas un vélo à me prêter. Il est revenu avec un vélo de course, avec le guidon “en bélier” et la barre au milieu. Pas très adapté à mon cas, mais qu’importe ! Il faisait largement l’affaire. J’ai mis du coton et le matériel nécessaire dans la poche de ma veste avant de partir sur le chemin piétonnier. Quand la patiente m’a vue arriver, essoufflée, elle a bien ri ! Après le soin, je suis retournée au village pour rendre le vélo et reprendre ma voiture. Le lendemain, quand je suis repassée par le centre de Ligny, le secteur était toujours bouclé. Or j’avais une perfusion à débrancher sans attendre, chez un patient qui habitait à cinq cents mètres de là, au-delà du périmètre de sécurité ! L’option du vélo n’était plus possible, le café était fermé. J’ai donc opté pour une autre solution : une voiture de la gendarmerie, garée devant les barrières de sécurité. Les gendarmes ont accepté de m’emmener chez le patient – ils ont même activé le gyrophare ! En tant qu’infirmière dans un petit village, je suis connue et je sais que je peux m’appuyer sur la population pour faire mes tournées. Jusqu’à présent, je ne me suis jamais retrouvée totalement immobilisée. Mais si cela devait arriver, je pourrais toujours appeler des infirmières salariées ou à la retraite pour des soins urgents. »

Avis de l’expert

« Créer du lien social »

Paul Barré, responsable pédagogique à la Prévention routière

« Cette infirmière a bien réagi. Il faut savoir trouver des solutions alternatives à la voiture quand on ne peut pas circuler. Le vélo est un bon moyen de déplacement en zone rurale, à condition de ne pas avoir des kilomètres à faire… L’infirmière aurait aussi pu solliciter l’aide de ses patients ou de leur entourage. Nous avons appris à être “autosuffisants” dans notre voiture et avons pris un mauvais pli. Concevoir d’autres moyens de déplacements, en créant du lien social, est un moyen de dépasser notre dépendance à l’automobile. C’est ce que nous prônons en conseillant aux enfants de se rendre à l’école à pied, en constituant de petits groupes. »