La drépanocytose - L'Infirmière Libérale Magazine n° 269 du 01/04/2011 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 269 du 01/04/2011

 

Cahier de formation

Savoir faire

Le petit A., 9 ans, d’origine malienne, a des difficultés scolaires. Sa maman s’inquiète.

Comme il a plus de risques que ses camarades de souffrir d’une maladie de l’hémoglobine, type thalassémie ou drépanocytose, il convient de lui conseiller un dépistage. S’il est effectivement porteur de la maladie, ses parents doivent prévenir l’école, pour qu’il bénéficie de conditions de travail aménagées, car il est facilement fatigable.

La drépanocytose sévère est une maladie lourde qui se manifeste dès la petite enfance. En France, elle touche essentiellement des populations d’origine antillaise ou africaine. La prise en charge médicale, mais aussi psychologique, des malades et de leur famille est essentielle. Elle doit être adaptée au contexte social et culturel dans lequel ils évoluent. Les patients souffrant de drépanocytose sévère doivent régulièrement recevoir des transfusions sanguines dans le but de corriger leur anémie et de diluer leurs globules rouges déformés.

ÉVITER LES EFFORTS, LES INFECTIONS ET LA DÉSHYDRATATION

La maladie a pour conséquence une mauvaise oxygénation des tissus. Les efforts physiques soutenus sont donc à proscrire, ainsi que l’exposition au froid. Les séjours en altitude sont fortement déconseillés, de même que les bains en eau froide ou le port de vêtements trop serrés. Il vaut mieux éviter également la prise d’excitants, d’alcool et de tabac. Pour les enfants et les adolescents, ces contraintes doivent conduire à aménager le rythme scolaire, à limiter la pratique sportive et à choisir des orientations professionnelles adaptées.

Les patients drépanocytaires sont fragiles vis-à-vis des infections bactériennes. Toute élévation de température corporelle doit être prise au sérieux. La Haute Autorité de santé recommande de traiter les enfants par pénicilline en prophylaxie anti-pneumoccocique, de l’âge de 2 mois et jusqu’à 5 ans. Le calendrier vaccinal classique doit être particulièrement bien respecté et des vaccins supplémentaires sont préconisés : grippe, hépatite A, méningocoque, typhoïde. En cas de soins pour des infections dentaires, une antibiothérapie doit être mise en œuvre afin de prévenir l’endocardite. Une supplémentation massive en acide folique est également recommandée.

Les patients drépanocytaires doivent également penser à boire en abondance, spécialement pendant l’été, afin d’éviter tout risque de déshydratation associée avec des crises vaso-occlusives.

RÉAGIR VITE

L’anémie aiguë peut survenir chez des patients drépanocytaires. Il faut savoir en reconnaître les signes, particulièrement la pâleur au niveau des conjonctives et de la peau. Elle est souvent la conséquence d’une rétention des globules rouges dans la rate : c’est la séquestration splénique, qui se manifeste par une augmentation du volume de la rate, perceptible par palpation de l’abdomen. Les patients ou les parents d’enfants malades doivent être éduqués à reconnaître les signes de grossissement de la rate afin de réaliser une transfusion sanguine le plus rapidement possible. Si les crises se renouvellent, l’ablation de la rate est à envisager. L’anémie aiguë chez les patients drépanocytaires n’est pas toujours liée à la séquestration splénique. Elle est parfois la conséquence d’une infection par le parvovirus B19 (ou érythrovirus B19), qui provoque une diminution du nombre de réticulocytes. L’infection dure environ une semaine et se résout d’elle-même ; l’anémie qui en résulte ne peut être traitée que par transfusion sanguine.

L’anémie sévère (avec une hémoglobineinférieure à 7 g/dL) augmente le risque de décès précoce et d’accident vasculaire cérébral. Elle est également responsable d’une déficience cognitive. Il est donc très important que ces patients bénéficient d’un suivi médical approprié et que leur anémie soit contrôlée.

À l’inverse des IRC, les drépanocytaires courent le risque d’une surcharge en fer à cause des transfusions sanguines répétées. Le fer peut s’accumuler dans les organes et y occasionner des dommages. Après quelques années de transfusions régulières, il devient nécessaire d’avoir recours à un traitement par des chélateurs du fer. Ces traitements sont très contraignants, puisqu’ils nécessitent des perfusions quotidiennes.

CONTRÔLER LA MALADIE

Le traitement de la drépanocytose par l’hydroxyurée permet de stimuler la synthèse d’hémoglobine fœtale à la place de l’hémoglobine anormale responsable de la malformation des globules rouges. Des études ont montré qu’elle réduisait le risque de décès chez des patients de plus de 40 ans. Cependant elle n’est recommandée que dans les cas graves. Pour les patients jeunes, elle présente des risques d’effets secondaires sur la fertilité chez les garçons. Des doutes existent concernant son potentiel mutagène pour une utilisation au long cours. Elle est donc prescrite avec prudence, en particulier chez les enfants.

Les patients placent beaucoup d’espoir dans la greffe de CSH (ou greffe de moelle), puisqu’elle permet de réellement guérir la maladie en cas de succès. En effet, hormis les cas de rejets du greffon (seulement 2 % des cas), les CSH greffées colonisent la moelle et attaquent les CSH drépanocytaires résiduelles pour finir par les remplacer en totalité. L’effet thérapeutique est spectaculaire. Malheureusement, seules quelques centaines de patients ont pu en bénéficier en France. Outre le coût important de cette technique, elle se heurte à la difficulté de trouver des donneurs compatibles pour le système immunitaire HLA. De plus, il faut savoir que le traitement est lourd, puisqu’il nécessite une hospitalisation de plusieurs semaines avec séjour en chambre stérile et un suivi médical étroit pendant une année. Il est important que les parents d’enfants drépanocytaires reçoivent une information au cours d’un conseil génétique. En effet, s’ils désirent d’autres enfants, ils pourront bénéficier d’un diagnostic prénatal, ouvrant la voie à une possible interruption thérapeutique de grossesse (ITG). En cas d’ITG répétées, leur sera proposée une fécondation in vitro avec diagnostic préimplantatoire. Enfin, le sang du cordon des frères et sœurs pourra être recueilli et servir à guérir l’enfant malade.

La thérapie génique

L’équipe française du Pr Leboulch a annoncé en septembre 2010 un premier succès de thérapie génique sur un patient atteint d’une forme grave de Β-thalassémie. Les cellules souches hématopoïétiques du malade ont été prélevées et le gène fonctionnel nécessaire à la synthèse de l’hémoglobine a été inséré dans leur génome à l’aide d’un virus proche du VIH. Quelques mois après la greffe, le jeune homme de 18 ans était guéri : sa moelle produisait suffisamment d’hémoglobine normale pour se passer des transfusions sanguines dont il était dépendant depuis l’enfance. L’autogreffe élimine le problème de compatibilité HLA. En revanche, malgré les progrès de ces dernières années, la « reprogrammation » génétique des cellules est encore mal maitrisée et le risque d’évolution vers le cancer n’est pas écarté. De plus, si cette technique représente un espoir de guérison pour les patients thalassémiques ou drépanocytaires des pays riches, elles resteront hors de portée des malades des pays en voie de développement, pourtant les plus touchés par ces affections génétiques.