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L'infirmière Libérale Magazine n° 266 du 01/01/2011

 

BÉNÉVOLAT

L’exercice au quotidien

À la retraite depuis bientôt trois ans, Mauricette Beucher met toute son énergie au service des autres. Et apprécie d’être dans le savoir-faire après quarante et une années passées dans le “faire”.

« Quand Frédéric Gauthier, un ami kinésithérapeute, a créé une association d’aide à la marche à Rieupeyroux dans l’Aveyron, je prenais, tout comme lui, ma retraite : il m’a alors demandé d’accompagner bénévolement des personnes pour les aider à marcher. Pour moi, il était évident qu’il ne fallait pas empiéter sur le domaine des aides à domicile, avec lesquelles je travaillais auparavant. Mais il a bien balisé et structuré l’affaire, de telle sorte que les bénévoles de l’association sont plutôt des visiteurs qui interviennent une à deux fois par semaine, principalement dans l’esprit de partager un moment. Nous sommes également un relais très apprécié des conjoints. Pour ma part, j’accompagne une personne âgée d’un village voisin qui ne pourrait pas faire cette sortie toute seule : elle a eu la polio étant jeune et reste une personne fragile. En raison de son manque d’assurance, elle a besoin d’être accompagnée dans cette sortie qui n’excède pourtant pas un kilomètre.

Le rôle des bénévoles de l’association, même s’il implique une relation directe, ne doit pas être non plus une contrainte. Nous fonctionnons d’ailleurs en binôme pour ne créer aucune forme de dépendance. Nous avons tous des profils très différents : une institutrice, une agricultrice, des demandeurs d’emploi et même une dame de 82 ans en pleine forme. Et nous fixons nous-mêmes les règles : car je m’occupe de mes petits-enfants et j’ai mes activités à la mairie qui ne doivent pas en pâtir.

Pour moi, la situation était claire : je souhaitais continuer à donner aux autres, mais je ne voulais rien de thérapeutique. Si certaines infirmières à la retraite* choisissent l’accompagnement en fin de vie, pour moi, ce n’est pas envisageable. Bien sûr, en tant qu’ex-infirmière, on peut me poser des questions de santé auxquelles je réponds. Mais je ne veux pas intervenir auprès d’anciens patients.

En dehors de l’association, je suis également conseillère municipale : je fais partie de la commission sociale et collabore au projet du Centre communal d’action sociale.

Même si j’ai exercé pendant une quarantaine d’années sans me plaindre, maintenant que j’ai quitté le métier, je veux quelque chose de plus léger. Il y a un temps pour tout. »

* Pour d’autres témoignages, consultez notre Dossier en p. 22 Régime des retraites : quelles perspectives ?

Avis de l’expert
« Rompre et passer à autre chose »

Emmanuel Langlois, maître de conférences en sociologie à l’université Bordeaux 2 (33), spécialisé dans la santé

« La vie professionnelle d’une infirmière est intense en responsabilités, en relations partagées et en émotions. La fin de carrière peut créer un profond sentiment de vide et d’inutilité. Il faut trouver une occupation : certains gardent leurs petits-enfants, d’autres se lancent dans des voyages ou des loisirs culturels. Pour l’ancienne infirmière, la tentation de poursuivre son activité sous une autre forme est vive. On ne quitte pas comme cela le métier et les malades. Pourtant, il faut bien rompre et passer à autre chose. Le choix de Mauricette semble lui convenir et lui offrir un nouvel équilibre : loin du soin thérapeutique et de la détresse qui l’ont accaparée durant quarante ans, tout en continuant à donner aux autres. »