L’accompagnement des patients - L'Infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 264 du 01/11/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

Vous vous rendez chez Damien G., 40 ans, en traitement contre l’hépatite C. Dès votre arrivée, son épouse se dirige vers vous et vous confie son exaspération : Damien est très irritable et ne fait plus rien à la maison…

Vous insistez auprès de l’épouse de Damien sur les effets secondaires du traitement. Vous incitez la famille à faire preuve de patience et de coopération, car Damien a besoin du soutien de ses proches pendant cette phase difficile. Rappelez-lui que ce n’est que l’affaire de quelques mois. Si Damien le souhaite, il peut trouver un soutien psychologique en ville, à l’hôpital ou auprès d’associations. Son épouse peut elle aussi participer aux groupes de parole organisés par SOS Hépatites.

GÉRER LES EFFETS SECONDAIRES

Le traitement à base d’interféron et de ribavirine (qui concerne surtout les patients atteints d’une hépatite C) induit des effets secondaires souvent pénibles. Le patient doit bien avoir été informé des difficultés mais aussi de l’enjeu du traitement ; il doit avoir pris sa décision en connaissance de cause, pour éviter les risques d’abandon ou les problèmes d’observance, qui sont fréquents. Pendant l’espace de quelques mois, le temps du traitement, une nouvelle organisation au quotidien est souvent nécessaire. Le patient doit éviter de se lancer dans des entreprises consommatrices d’énergie : déménager, changer de poste, passer un concours…

Le syndrome grippal

Ce syndrome est très fréquent avec la prise d’interféron. Le patient peut prendre du paracétamol, sans dépasser 3g/jour pour ne pas détériorer son foie. Cette dose n’abîmera pas son foie malgré les contre-indications alarmantes qui figurent sur la notice.

La fatigue et la dépression

Ces effets secondaires induits par l’interféron sont le principal obstacle posé par le traitement contre l’hépatite C. Au point qu’ils mènent un tiers des patients à abandonner celui-ci en cours de route… Plusieurs conseils s’imposent. En résumé, le patient doit accepter sa maladie, admettre qu’il ne pourra pas être performant comme d’habitude et revoir son emploi du temps. Il est important d’apprendre à se poser : faire des siestes, se détendre en rentrant du travail, bien se reposer le week-end, ne pas prévoir de vacances fatigantes… À la maison, le patient peut s’organiser pour que tout le monde participe aux tâches ménagères. Quand la dépression s’installe, il ne faut pas hésiter à recourir à un soutien psychologique : psychologue ou psychiatre en ville ou dans le service hospitalier qui suit le patient, psychologue d’un réseau de soins… La prescription d’antidépresseurs s’impose parfois. Il n’est pas rare que des antidépresseurs soient prescrits avant même le début du traitement contre l’hépatite, pour laisser à la molécule le temps d’agir en amont. Il est important que le conjoint en ait parlé à ses proches, que la famille soit impliquée et apporte son soutien au malade. Le patient peut proposer une rencontre entre sa famille et son médecin pour faciliter les choses.

Les autres effets secondaires

La ribavirine peut provoquer des diarrhées ou, à l’inverse, une constipation. Parfois, on note aussi de l’irritabilité, des insomnies, des difficultés à se concentrer, une perte d’appétit, de la sécheresse au niveau de la peau et des muqueuses, une perte de poids, des problèmes de vue, une baisse de la libido… Autre effet secondaire possible : des douleurs musculaires et des crampes. L’activité physique, si le patient s’en sent capable, peut être bénéfique. Il arrive que l’interféron entraîne une diminution des globules blancs (neutropénie) ou des plaquettes (thrombopénie). La ribavirine est susceptible de provoquer une anémie (cf. Point sur page 50). Ce qui peut parfois amener le médecin à prescrire de l’erythropoïétine (EPO), qui stimule la fabrication des globules rouges, ou un autre facteur de croissance qui, lui, agit sur les globules blancs (comme Neupogen®). Certains symptômes (fatigue, troubles de l’humeur ou du sommeil…) peuvent être liés à la maladie.

RECOURIR À UNE PRISE EN CHARGE SOCIALE

En cas de fatigue intense, le malade peut bénéficier d’un mi-temps thérapeutique pour une durée maximale de douze mois. Il faut se renseigner auprès du médecin du travail (soumis à la confidentialité, rappelons-le) ou de Droits des malades Info (voir partie Savoir plus page 48). Autre possibilité pour les patients qui supportent particulièrement mal le traitement : un arrêt de travail. La prise en charge d’une aide-ménagère peut être accordée aux personnes seules, en fonction de leurs ressources : il faut s’adresser au Centre communal d’action sociale ou au conseil général.

S’APPUYER SUR LES ASSOCIATIONS ET LES RÉSEAUX DE SOINS

Les proches mais aussi les malades peuvent participer aux groupes de parole proposés par les associations comme SOS Hépatites (voir la partie Savoir plus page 48). Un appel à Hépatites Info Service peut être précieux dans un moment de découragement. Autre contact possible : les réseaux de soins, qui rassemblent différents professionnels de santé autour de la prise en charge de la maladie. Il existe trente-quatre réseaux pour l’hépatite C : réseaux de proximité organisés autour d’une population locale donnée, réseaux inter-établissements, réseaux ville-hôpital…

À LYON, UNE MAISON DU PATIENT

Une structure unique

Ouverte depuis 2007, la Maison du patient de l’hépatite C de Lyon est une émanation de l’Association ville-hôpital de l’hépatiteC (Avhec), un réseau de soins constitué de 131 professionnels de santé adhérents : médecins généralistes ou spécialistes, libéraux ou hospitaliers, infirmières (salariées ou libérales), pharmaciens… Elle prend en charge 235 personnes. Cette structure unique en France propose un accompagnement aux patients atteints d’une hépatite virale B ou C (les personnes porteuses du VHB sont aussi les bienvenues, même si le nom de la Maison ne le précise pas): séances d’éducation thérapeutique, suivi psychologique, permanence de l’association SOS Hépatites… Deux infirmières rompues à la prise en charge des hépatites virales sont membres de l’équipe salariée. Elles répondent à toute question posée par téléphone. De plus, elles proposent des consultations longues aux patients qui viennent de recevoir les résultats des analyses sanguines, mais qui doivent attendre plusieurs semaines avant de voir leur spécialiste. Cette période, qui peut durer deux mois, est particulièrement angoissante… Lorsque la décision d’entamer un traitement a été prise, des consultations d’éducation thérapeutique sont assurées. Pendant le traitement, les patients peuvent aussi trouver du réconfort et des conseils auprès de l’équipe.

Formation des professionnels

La Maison organise trois fois par an des sessions de formation à destination des professionnels de santé sur différents thèmes, toujours en lien avec les hépatites. Plusieurs sessions indemnisées ont été assurées auprès d’infirmières libérales.

Point de vue…
Au travail : en parler ou pas ?

Anne Degraix, coordinatrice de l’Association ville-hôpital de l’hépatite C (Avhec) à Lyon (69)

« Le patient qui va entamer un traitement n’est nullement obligé d’informer son employeur, mais il peut le faire s’il l’estime nécessaire : tout dépend de la relation qu’il entretient avec son patron, de son contrat et de son statut. Quoi qu’il en soit, l’entourage professionnel va inévitablement se rendre compte que quelque chose ne va pas : le patient ne pourra pas dissimuler sa fatigue, sa pâleur… Les rumeurs risquent d’aller bon train. Mais dire que l’on a une hépatite C risque d’entraîner une prise de distance de certains collègues craignant une contamination (crainte injustifiée, bien entendu). Ce qui se révèle éprouvant pour ceux qui n’ont pas bien accepté leur maladie. Nous notons que, depuis quelques années, cela se passe bien mieux entre les malades et leurs employeurs, en particulier si ceux-ci ont été avertis. »

Point de vue…
« Les infirmières libérales jouent un rôle majeur dans l’accompagnement des patients »

Dominique Boyer, infirmière à la Maison du patient de l’hépatite C à Lyon (69)

« Les infirmières libérales qui suivent des patients à domicile ont un rôle majeur à jouer. Elles sont le seul professionnel de santé que le patient voit régulièrement avant son rendez-vous avec le médecin. Elles ont intérêt à opter pour une cotation qui permet de passer du temps auprès du patient. Premièrement, la reconstitution d’un des deux produits d’interféron pégylé est assez compliquée. Deuxièmement, il faut prendre le temps de dialoguer avec le patient et de surveiller son état clinique, mais aussi biologique : en effet, les résultats de certaines analyses peuvent avoir des incidences sur les injections. Enfin, en se rendant au domicile du patient une fois par semaine, les infirmières libérales sont mieux à même d’effectuer une surveillance clinique, de voir s’il ne présente pas une anémie ou un symptôme dépressif… »