Un don particulier à la réputation sulfureuse - L'Infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010

 

Aline André, magnétiseuse dans le Morbihan (56)

La vie des autres

Depuis quatre ans, Aline André exerce comme magnétiseuse à Malansac. Même si elle a pignon sur rue, elle regrette que son métier reste autant marginalisé par la communauté médicale. Au contact de ses clients, elle défend une approche prudente et se refuse à promettre la lune.

Depuis toute petite, Aline André savait qu’elle avait “ça”… ça ? Ce don particulier que les magnétiseurs ont, ou auraient. Cette capacité que les rebouteux ont pour soulager des douleurs musculaires ou encore pour traiter brûlures et zonas.

Aline André, toute jeune quinquagénaire à l’allure coquette, qui a depuis quatre ans pignon sur rue dans le bourg de Malansac, à l’est du Morbihan, a cheminé un long moment avant de réussir à apprivoiser et exploiter ce magnétisme. Un “don”, encensé par une partie de la population qui y a recours pour un oui ou un non, surtout en milieu rural, ou une activité de “charlatan” décriée par les autres, à commencer par de nombreux professionnels de santé…

Aujourd’hui, cette « mauvaise réputation » dont parle spontanément Aline André la gêne et la pousse à travailler avec prudence et souvent avec les médecins, dès lors qu’ils ne sont pas hostiles.

Mais ses préoccupations étaient bien différentes au début de son parcours. « Il y a des choses que l’on ressent, on se dit qu’on n’est pas comme tout le monde », se souvient-elle.

Un talent repoussé

Petite, elle se cherche, fuit l’évidence, alors même que, à huit ans, sa grand-mère la sollicite. « Elle devait rester allongée pendant plusieurs mois et elle me demandait de la masser car cela la soulageait. » À 20 ans, Aline André se décide à affronter cette réalité et fait le test du morceau de viande… « On le pose dans le creux de sa main et on observe s’il pourrit ou s’il se momifie après plusieurs jours. J’ai fait aussi le test de l’eau qui, si elle est magnétisée, a un goût plus ferreux. » La vérité se confirme alors un peu plus. Mais comment vivre avec ? Qu’en faire ? Trop dur à supporter, trop déstabilisant pour cette jeune femme, qui rejette – ou plutôt met entre parenthèses – son “don” durant vingt ans. Pendant cette période, Aline André travaille dans une banque. On ne pouvait probablement pas trouver plus éloigné comme profession. Mais son sens et son goût pour le contact la rendent proche des clients. Elle se sent d’ailleurs parfois plus assistante sociale que conseillère de banque.

Elle franchit le pas

À 38 ans, pour fuir la pression du chiffre, elle reprend… un pressing. C’est là, durant les sept années de gérance, que « tout s’est déclaré. Un jour, une dame est arrivée et m’a dit qu’elle souffrait le martyr à cause d’un zona. Je lui ai alors proposé de venir me voir. Puis elle en a parlé autour d’elle. À partir de ce moment-là, j’ai eu beaucoup de demandes… ». Avant l’ouverture du commerce, sur l’heure de midi, le soir, Aline André intervient bénévolement. En échange, on lui apporte des œufs, des patates, des fleurs, parfois un canard… « C’était dur physiquement, car j’enchaînais deux journées de travail. Mais quel bonheur ! », souligne-t-elle. Elle va voir à son tour un magnétiseur pour comprendre comment se dégager psychologiquement et physiquement de ce travail très “énergivore”. Toujours ce souci de garder une certaine distance qui n’est pas sans faire penser aux préoccupations des professionnels de santé classiques. Aline André finit par franchir le pas et pose sa plaque à 45 ans.

Sciatique, lumbago, arthrose, mais aussi maladies de peau (psoriasis, eczéma, zona…) ou encore vers et brûlure sont parmi les motifs de consultation les plus fréquents. Quand certains de ses confrères ne font que frôler la peau du client, elle appose ses mains. Pas d’école de formation mais une méthode empirique qui met – il faut le croire – les gens en confiance. Mais Aline André avance prudemment : « Je ne fais pas espérer la personne, surtout quand la pathologie est lourde, comme le cancer, explique-t-elle. Même si je vois une amélioration, je ne dis jamais : c’est grâce à moi. En revanche, s’il n’y a pas d’amélioration, je ne fais pas de deuxième séance. »

Magnétiseur et magnétiseur

Si des magnétiseurs font aussi du mal, « il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier », tempère-t-elle. Consciente de cette réputation sulfureuse et des limites de son activité, face à des demandes parfois incroyables (cf. encadré), Aline André est parvenue à instaurer une relation professionnelle avec deux médecins généralistes. « Ils m’envoient des patients qui ont des zonas. Et cela m’arrive aussi de leur adresser des personnes. On a besoin de la médecine, mais cela serait bien aussi que les médecins, et plus largement les professionnels, soient plus ouverts… »

Elle dit de vous !

« J’ai des infirmières libérales parmi mes clients. Ce sont des personnes intéressantes, ouvertes, mais tant d’autres professionnels sont réfractaires à ce type de pratique ! Des infirmières libérales du secteur m’envoient parfois du monde. Avec l’une d’entre elles, nous nous sommes contactées pour organiser nos passages auprès d’une dame qui souffrait d’une plaie variqueuse. Elle venait juste après moi pour refaire le pansement. Cela a limité le désagrément pour la dame. J’ai aussi des contacts avec des infirmières quand des personnes me demandent d’aller les voir à l’hôpital. La plupart du temps, je dois cacher mon métier. Mais ce n’est pas simple. »

DEMANDES DES CLIENTS

Entre sorcellerie et exorcisme

Aline André : « Par ici, la sorcellerie est encore ancrée dans les esprits et les coutumes. Des personnes viennent me voir car elles se disent envoûtées. Certaines en sont tellement persuadées qu’elles font des crises de tachycardie. Des voyantes peuvent conforter la personne dans cet état d’esprit. Pour ma part, je ne parle pas de désenvoûtement car le mot ne me plaît pas. Mais il faut dans ce cas engager un travail assez lourd. Sans blesser la personne qui est convaincue, il faut initier un dialogue, cadrer les choses, ne serait-ce que pour vérifier qu’il n’existe pas de problème psychologique. Si c’est le cas, j’essaie de diriger la personne vers un psychologue. Il arrive aussi qu’on vienne me voir en me demandant de faire du mal à quelqu’un, à un voisin par exemple. On n’a pas idée des histoires qui s’enveniment entre voisins et qui peuvent prendre des dimensions importantes ! »