LES ANTALGIQUES CHEZ L'ADULTE - L'Infirmière Libérale Magazine n° 258 du 01/04/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 258 du 01/04/2010

 

Cahier de formation

Savoir

La douleur peut être considérée comme un excès de stimulation des voies de la sensibilité mais aussi comme un déficit des contrôles inhibiteurs. Les actions thérapeutiques portent soit sur une diminution des mécanismes excitateurs, soit sur un renforcement des mécanismes inhibiteurs.

LA DOULEUR

Définition

→ « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable en lien avec un dommage tissulaire réel ou potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage. »

→ Cette définition, donnée depuis 1979 par l'IASP (Association internationale de lutte contre la douleur) et retenue par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) est censée s'adapter à tous les cas, dans tous les pays.

→ La douleur est un ressenti individuel et subjectif que le patient est seul à connaître. C'est également la reconnaissance des émotions liées à la douleur, variables d'un sujet à un autre, mais aussi d'un moment à un autre chez une même personne. Cette subjectivité empêche toute tentative d'adéquation entre un stimulus douloureux et l'intensité de la souffrance induite. Ceci interdit les appréciations extérieures du type « il se plaint beaucoup pour ce qu'il a ». Un « dommage potentiel ou décrit en termes d'un tel dommage » signifie que tous les types de douleur sont ressentis comme si un tissu était lésé : le fait qu'une lésion réelle existe ou non ne modifie pas le ressenti de la douleur. On a alors affaire à une douleur sans cause physique identifiée : cause difficile ou longue à diagnostiquer, voire impossible dans l'état actuel des connaissances médicales. Liée ou pas à un trouble psychique qui doit être identifié, dépression masquée ou maladie psychiatrique.

Caractéristiques de douleur

Parler d'une douleur n'est pas chose aisée, et chacun peut en faire l'exercice. Il faudra une écoute attentive des dires du patient, mais aussi des gestes qui montrent les actions douloureuses ou encore des mimiques exprimant la gêne ressentie. L'objectif est d'entendre, de comprendre et de traduire la douleur exprimée aux autres soignants.

Recueillir

La description de la douleur, par le patient et/ou par son entourage, apporte beaucoup d'informations, mais elle dépend de celui qui écoute. Ceci implique des conditions permettant le recueil le plus complet des données concernant la douleur du patient. L'entretien, moment fort de l'évaluation, doit s'efforcer de recueillir : la topographie de la douleur, son histoire et son mode de début, son évolution, son retentissement sur l'humeur ainsi que sur les activités de la vie quotidienne, l'éventuelle présence d'autres signes ou symptômes.

Évaluer

→ On peut évaluer l'intensité de la douleur grâce à différentes échelles, adaptées aux patients selon leur âge (cas particulier des enfants), leur état de conscience ou leur capacité à s'exprimer.

→ L'évaluation est une procédure complexe, dont beaucoup d'éléments sont intuitivement intégrés dans le quotidien des soins. L'intérêt de la systématisation de l'évaluation est de garder une rigueur, même dans des contextes fortement émotionnels ou altérés par la routine du suivi des malades.

Aiguë ou chronique

Si la douleur aiguë est considérée comme un signal d'alarme qui protège l'organisme, la douleur chronique est quant à elle destructrice, tant sur le plan physique que psychologique et social.

La douleur aiguë

Elle entraîne des réactions qui visent à diminuer la cause et à limiter les conséquences. Une démarche diagnostique permet d'en préciser l'origine somatique ou non. C'est un symptôme transitoire, d'apparition récente. Ce type de douleur génère anxiété et stress, et impose une prise en charge avec des antalgiques.

La douleur chronique

La douleur chronique dure au-delà de trois à six mois. En fait, toute douleur rebelle à un traitement bien adapté évoque la notion de «syndrome douloureux chronique». On considère alors la douleur comme une maladie en soi. Affectant tous les aspects de la vie de la personne, sa prise en charge ne peut se limiter à un traitement médicamenteux.

Au niveau social, le reclassement professionnel n'est pas toujours possible. Envers ses proches, la personne qui souffre s'isole avec sa douleur. Elle est partagée entre la volonté de taire sa douleur pour épargner les autres et le désir d'en parler pour soulager ce poids qui l'accompagne constamment. Les activités et les plaisirs sont parasités ou empêchés. Tout cela accentue la préoccupation constante de la douleur et la recherche de moyens pour la faire diminuer. La douleur chronique s'associe à des troubles de l'appétit et du sommeil et entraîne souvent une dépression.

LES MÉCANISMES DE LA DOULEUR

On distingue trois mécanismes à l'origine d'une douleur.

La douleur est provoquée par :

→ une stimulation excessive des récepteurs périphériques ;

→ un dysfonctionnement dans la transmission et le contrôle du message douloureux ;

→ une origine psychogène ou fonctionnelle sans cause organique identifiée.

Douleurs par excès de nociception

Sur un système nerveux intact, la douleur provoquée par stimulation des fibres nociceptives chemine depuis les récepteurs périphériques jusqu'aux aires sensitives du cerveau.

Le circuit de la douleur

Des récepteurs périphériques, appelés nocicepteurs, sont situés au niveau des tissus cutanés, musculaires, articulaires et dans la paroi des viscères. Ces nocicepteurs sont stimulés de façon mécanique (par pression), thermique (par le froid ou la chaleur), ou chimique en présence de substances qui stimulent le message douloureux (dites substances algogènes).

Les nocicepteurs se trouvent à l'extrémité de neurones afférents sensitifs qui vont conduire le message douloureux jusqu'à la moelle épinière. Le relais est pris par des neurones en T jusqu'au thalamus. Enfin un troisième neurone va du thalamus aux aires sensitives du cortex cérébral où la douleur est ressentie de façon consciente (cf. infographie ci-dessus).

Les médiateurs chimiques

Ils sont des intermédiaires entre le stimulus douloureux et les nocicepteurs. Les nocicepteurs sont stimulés par des substances chimiques comme les ions H+ et K+ libérés lors des lésions tissulaires. L'inflammation quant à elle libère des prostaglandines et des bradykinines qui provoquent la sensibilisation des nocicepteurs aux ions H+ et K+. Les nocicepteurs eux-mêmes peuvent provoquer une dégradation des mastocytes, cellules du tissu conjonctif localisées dans la plupart des organes (mais pas dans le cerveau), riches en substances algogènes comme l'histamine et la sérotonine.

Au niveau medullaire, système nerveux central, une protéine appelée substance P est libérée au passage de l'influx nerveux vers le neurone en T.

Douleurs neurologiques

→ Les douleurs neurologiques sont consécutives à une atteinte du système nerveux périphérique ou du système nerveux central. On parle de douleurs neuropathiques.

→ Elles se manifestent de manière continue, par une sensation de brûlure ou de fourmillement (paresthésies). Sur cet état douloureux, des accès paroxystiques ressemblant à des coups de poignard, des chocs électriques ou de vives brûlures s'ajoutent de façon spontanée. Ils sont provoqués par le froid ou le chaud, le toucher ou l'effleurement, la fatigue, les émotions ou même d'autres circonstances.

→ Les lésions causales sont diverses : lésions traumatiques, sections nerveuses secondaires à un zona (douleur post-zostérienne), à une amputation (au niveau du moignon, mais aussi au niveau du «membre fantôme») ou suite à certaines chimiothérapies ; neuropathies du diabétique ou de l'alcoolique, dans les cas de sida ou de cancers (liées à une compression tumorale).

Douleurs mixtes

Dans certains cas (cancer, sida), les mécanismes nociceptifs et neurogènes sont mêlés : on parle alors de douleurs mixtes.

Douleurs psychogènes

Une fois les causes organiques éliminées, l'étiologie «douleur psychogène» est retenue en présence d'une pathologie psychiatrique bien définie, qu'elle soit du registre de la névrose ou de la psychose. L'évaluation des troubles psychiatriques par un spécialiste sera nécessaire.

Douleurs idiopathiques

Quand le clinicien ne retrouve pas de lésion organique ou de cause psychogène, la douleur peut être définie comme idiopathique. C'est parfois dans ce cadre que rentrent certaines douleurs dites «fonctionnelles» (fibromyalgies...).

LES CONTRÔLES PHYSIOLOGIQUES DE LA DOULEUR

La théorie du portillon ou gate control

Vitesse de conduction

Découverte en 1965 par R. Melzack et P. Wall, cette théorie met en évidence la concurrence entre les fibres sensitives de gros calibres et les fibres sensitives fines. La stimulation des «grosses» fibres transportant des informations tactiles pouvait diminuer la circulation des informations douloureuses véhiculées par les fibres «fines», en les prenant de vitesse (en fermant le «portillon» au niveau du relais médullaire).

Application thérapeutique

Les fibres de gros calibres véhiculent la sensibilité tactile et les stimuli de faible ou moyenne intensité. La théorie du portillon est mise en application par les massages et la neurostimulation transcutanée à visée antalgique (stimulation électrique à faible intensité).

Le même phénomène se retrouve dans le réflexe de frotter la zone douloureuse après un coup (activation des grosses fibres).

Les contrôles inhibiteurs descendant du cerveau

Les contrôles supraspinaux descendants

Ils s'exercent sur la moelle à partir du cerveau. Il s'agit d'une voie inhibitrice descendante qui bloque le message nociceptif au niveau de la moelle par l'intermédiaire de la libération d'opioïdes endogènes, de sérotonine et de noradrénaline. Cette voie inhibitrice est renforcée par les antidépresseurs qui agissent sur ces neurotransmetteurs.

Les contrôles diffus descendants

On parle de contrôle inhibiteur diffus induit par la nociception (CIDN). Selon cette théorie, les neurones sont soumis à de multiples informations sensitives non spécifiques permanentes. À l'occasion d'un message nociceptif, le contrôle agirait en révélant l'information nociceptive par rapport aux autres messages neuronaux, facilitant ainsi la transmission du message douloureux. Ce phénomène permet d'expliquer qu'une stimulation douloureuse puisse masquer une autre douleur, surtout si elle est plus faible. Ce mécanisme est sollicité dans des traitements utilisant des décharges électriques ou certaines formes d'acupuncture.

LES TRAITEMENTS DE LA DOULEUR

Les médicaments

Les antalgiques

Les antalgiques (ou analgésiques) sont des médicaments qui suppriment ou atténuent la douleur sans provoquer une perte de conscience.

Les antalgiques inhibent la transmission du message douloureux au niveau du système nerveux périphérique et/ou du système nerveux central.

Si les antalgiques non opioïdes ont principalement une action périphérique, ils peuvent également avoir une action centrale. De la même manière, les antalgiques opioïdes (dérivés de la morphine) qui visent une action centrale, ont aussi une action périphérique. C'est pourquoi on préfère la distinction entre antalgiques non opioïdes et opioïdes à la distinction entre antalgiques périphériques et centraux.

Depuis 1986, l'OMS classe les médicaments antalgiques par paliers en fonction de leur puissance d'action (cf. tableau page ci-contre). À partir du 2e palier, les antalgiques peuvent être associés lorsque le médicament préconisé s'avère insuffisant.

Les «non antalgiques»

Ce sont tous les médicaments non antalgiques utilisés dans les douleurs neuropathiques, difficiles à traiter et résistantes aux traitements habituels. L'infirmière devra parfois expliquer la prescription de ces médicaments connus pour d'autres indications.

Les psychotropes sédatifs, neuroleptiques (Nozinan®, Haldol®, Dipipéron®...) ou tranquillisants (Valium®, Tranxène®, Seresta®...) visent à provoquer un désintéressement du malade à l'égard de sa douleur. Ils auraient également une action de blocage des récepteurs (dopaminergiques, sérotoninergiques...) qui modèrerait la transmission de l'influx douloureux.

Les antiépileptiques (ou anticonvulsivants) ont des effets bénéfiques sur les douleurs neuropathiques. Certains possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la douleur (Lyrica®, Neurontin®, Tégrétol®), d'autres sont utilisés hors AMM (Rivotril®, Lamictal®, Épitomax®).

Les antidépresseurs présentent un double intérêt. Ils ont un effet antalgique propre par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine impliquées dans le mécanisme douloureux. Ils agissent aussi sur la dépression qui accompagne la douleur chronique (Laroxyl®, Anafranil®, Effexor®...).

Les traitements non médicamenteux

Les moyens non médicamenteux présentent un double intérêt dans le traitement de la douleur : ils augmentent l'efficacité des médicaments et permettent d'en réduire les doses et donc les effets indésirables.

La kinésithérapie

Par les massages, les drainages lymphatiques, les mobilisations ou l'électrothérapie, elle agit sur la qualité de vie des patients. Elle atténue leur douleur et améliore leurs capacités fonctionnelles.

La thermothérapie

Par des sources de chaleur diverses (lampes infrarouges, coussin thermique, bouillotte), elle provoque une vasodilatation à l'effet antalgique dans les douleurs chroniques musculaires ou articulaires. Elle est contre-indiquée dans les douleurs inflammatoires et présente un risque de brûlure s'il y a des troubles de la sensibilité.

La cryothérapie

Cette analgésie locorégionale par le froid est utile dans les douleurs inflammatoires (entorse, fracture, contusion musculaire, rachialgie, arthropathies...).

Elle provoque une vasoconstriction et réduit l'inflammation. Elle permet de réduire les oedèmes et la formation d'hématomes.

La vibrothérapie

Elle est intéressante pour des douleurs d'origine rhumatologique. Les vibrations agissent par leurs effets thermiques profonds et par leurs effets mécaniques.

La neurostimulation électrique transcutanée

Elle est préconisée pour des douleurs neuropathiques comme pour des douleurs par excès de nociception. La stimulation électrique est réalisée au moyen d'électrodes fixées sur la peau et reliées aux bornes d'un générateur. Elle provoque des paresthésies dans le territoire des douleurs. Cette technique employée par les kinésithérapeutes peut être utilisée à domicile par la location ou l'achat de l'appareil (avec remboursement par la Sécurité sociale).

L'acupuncture

Elle serait efficace dans les migraines, fibromyalgies, lombalgies, zona, membre fantôme, algodystrophie (syndrome douloureux d'une main, d'un pied ou de tout un membre)... Les stimulations nociceptives par les aiguilles pourraient libérer des endorphines.

Les thérapies cognitives et comportementales

Diverses techniques permettent au patient d'agir sur sa douleur. Le but est d'éviter au patient d'être dominé par la douleur, tant sur le plan physique que mental. Le choix de la thérapie la mieux adaptée se fait lors d'un entretien avec un psychologue ou un psychiatre.

Dans l'hypnose, la suggestion du thérapeute permet au patient de soulager sa douleur. Les suggestions post-hypnotiques permettront au patient de retrouver dans son quotidien les effets analgésiques obtenus dans l'état hypnotique en séance.

La chirurgie

Elle est proposée dans certains cas après échecs des autres méthodes non invasives.

On distingue deux catégories d'interventions. Les techniques d'interruption des voies de la douleur consistent à sectionner une partie sélective sur le trajet du message douloureux. D'autres techniques visent à renforcer les mécanismes physiologiques de contrôle de la douleur. On utilise alors des injections par voie péridurale pour la douleur aiguë (accouchement par exemple) ou intrathécale à l'aide d'un site d'accès sous-cutané relié à un cathéter intrathécal, ou encore la neurostimulation électrique au niveau médullaire ou cérébral.

LES ANTALGIQUES NON OPIOÏDES (PALIER I)

Mode d'action

Les antalgiques non opioïdes ont principalement une action périphérique en inhibant la synthèse des prostaglandines.

Cette action entraîne une diminution de la sensibilité des nocicepteurs aux substances algogènes comme l'histamine, la sérotonine, la bradykinine ou les ions H+ et K+.

Le paracétamol

Il présente un bon rapport bénéfices/risques et il est préféré chez les personnes âgées et les femmes enceintes ou allaitantes. Il est contre-indiqué en cas d'insuffisance hépato-cellulaire.

Le surdosage aigu est possible à partir de 10 grammes de paracétamol en une prise pour un adulte. Il provoque une cytolyse hépatique susceptible d'aboutir à une nécrose complète et irréversible.

Les symptômes sont des nausées, vomissements, anorexie, pâleur, douleurs abdominales qui apparaissent généralement dans les 24 premières heures. Le surdosage aigu impose un transfert immédiat en milieu hospitalier.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Ils ont tous des propriétés anti-inflammatoires, antalgiques et antipyrétiques. Leurs effets secondaires se retrouvent dans les différentes spécialités (cf. tableau ci-contre).

Les AINS ont la propriété d'inhiber les enzymes responsables de la formation des prostaglandines, les cyclo-oxygénases réparties en deux catégories. Les premières sont à l'origine des «bonnes» prostaglandines nécessaires à la protection de la muqueuse gastrique, la fonction plaquettaire ou la fonction rénale (dont l'inhibition entraîne des effets indésirables). Les secondes, les cyclo-oxygénases 2 (dites Cox-2), permettent la formation de prostaglandines impliquées dans la sensibilisation des nocicepteurs.

On distingue les AINS non sélectifs qui inhibent les deux catégories de cyclo-oxygénases, des AINS sélectifs ou préférentiels de la cyclo-oxygénase 2 (appelés coxibs ou anti-Cox-2). La toxicité hématologique et digestive de ces derniers est diminuée, avec un risque moindre d'hémorragie digestive grave.

Ulcère gastro-duodénal en évolution, insuffisance hépato-cellulaire sévère, insuffisance rénale sévère, lupus érythémateux disséminé, troisième trimestre de grossesse et allaitement.

Spécificité de l'aspirine

En plus des effets antipyrétiques, antalgiques et anti-inflammatoires, cet AINS a des effets antiagrégants plaquettaires. Cette propriété en fait un traitement préventif de certaines pathologies cardiovasculaires mais la rend contre-indiquée lorsqu'il y a un risque de saignement (certaines tumeurs par exemple).

LES ANTALGIQUES OPIOÏDES

Une action morphinomimétique

La morphine est le chef de file d'une classe thérapeutique comportant de nombreuses molécules naturelles ou synthétiques imitant son action. L'évolution de cette classe pharmacologique repose sur la découverte des endomorphines (produites par le système nerveux central) et de leurs récepteurs. Ces récepteurs seraient responsables de l'analgésie (effet recherché), mais aussi de la dépression respiratoire, de l'euphorie et des dysphories (état de malaise, d'angoisse), de la sédation, du myosis, des hallucinations et des phénomènes de dépendance physique (effets indésirables).

Les opioïdes agonistes et antagonistes

Les agonistes purs

Ils se fixent sur les récepteurs et produisent, au moins en partie, les mêmes effets que les endomorphines. Ils sont de faible activité (dextropropoxyphène, codéine, dihydrocodéine, tramadol), ou de forte activité (morphine, péthidine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone).

Ils ont une efficacité dose-dépendante. La réponse antalgique augmentera avec la dose.

Les antagonistes

Ils se fixent sur les récepteurs sans en produire les effets. Leur affinité pour les récepteurs étant supérieure à celle des agonistes morphiniques, ils peuvent les déplacer, prendre leur place et ainsi interrompre leurs effets. La naloxone (Narcan®, Naloxone®) et la nalorphine (Nalorphine Serb®) sont utilisés comme antidotes de la dépression respiratoire due aux opiacés. La naltrexone est utilisée dans le traitement de l'alcoolisme (Revia®) et de la toxicomanie (Nalorex®).

Les agonistes-antagonistes

Ils sont agonistes pour un type de récepteurs, antagonistes pour d'autres. La nalbuphine (Nubain®) et la buprénorphine (Temgésic®) sont indiquées dans la douleur. Le Subutex® (buprénorphine) est utilisée dans la désintoxication aux opiacés. Leur activité antalgique est caractérisée par un effet plafond, au-delà duquel l'augmentation de posologie n'entraîne plus d'effet antalgique supplémentaire. Ils ne doivent pas être associés à la morphine car, dans ce cas, ils occasionnent une diminution de l'antalgie et risquent de provoquer un syndrome de sevrage.

Les opioïdes faibles (palier II)

Mode d'action

Les antalgiques opioïdes (dérivés de la morphine), en inhibant la libération de la substance P, diminuent la transmission du message nociceptif.

Souvent prescrits pour leur efficacité, ce sont des morphinomimétiques de faible intensité. Ils présentent toutefois les mêmes effets secondaires que les morphiniques forts en moins fréquents et moins intenses.

La codéine

C'est de la méthylmorphine, dont 1/10 est transformé en morphine par le foie. Ceci explique d'une part une activité analgésique d'environ 1/10 de celle de la morphine, d'autre part une efficacité variable d'un individu à l'autre car cette voie métabolique est perturbée chez environ 10 % des sujets. La dihydrocodéine (Dicodin® LP) est indiqué dans le traitement symptomatique des affections douloureuses d'intensité moyenne. La forme à libération prolongée est plus adaptée au traitement des douleurs chroniques que des douleurs aiguës de courte durée.

Le surdosage de codéine (supérieur ou égal à 2 mg/kg/prise) présente un tableau d'intoxication morphinique avec myosis, excitation, somnolence, vomissements, convulsions. Les risques de bronchoconstriction, laryngospasme et arrêt respiratoire nécessitent une hospitalisation en urgence.

Insuffisance respiratoire, insuffisance hépatocellulaire (cf. tableau ci-contre).

Le dextropropoxyphène

Il est toujours associé au paracétamol dans les différentes formes commercialisées.

Le dextropropoxyphène fait l'objet de polémiques débutées en Suède et en Grande-Bretagne suite à un nombre important d'intoxications volontaires ou accidentelles, mortelles, qui ont conduit à son retrait du marché dans ces pays depuis 2005. Toutefois, le dextropropoxyphène associé au paracétamol reste un excellent antalgique sur le plan clinique pourvu qu'il soit prescrit et pris dans le strict respect des consignes d'utilisation.

Insuffisance hépatocellulaire, insuffisance rénale sévère, grossesse et allaitement.

Le tramadol

Le tramadol présente une action originale en se fixant sur les récepteurs à la morphine, comme un opioïde faible, et en inhibant la recapture de la sérotonine. Cette action le rend intéressant dans le traitement des douleurs mixtes (neuropathiques et par excès de nociception). Il existe une forme associée au paracétamol (Ixprim®, Zaldiar®).

Insuffisance respiratoire sévère, insuffisance hépatique grave, grossesse et allaitement.

Les opioïdes forts

(palier III)

La morphine

La morphine demeure l'antalgique de référence pour mesurer l'efficacité antalgique des autres opioïdes (cf. tableau ci-dessous).

À dose croissante, la morphine provoque d'abord une antalgie avec sensation ébrieuse, sédation, parfois euphorie, mais sans perte de conscience. À doses plus fortes, elle entraîne un obscurcissement de la conscience, un état de «rêve éveillé», un sommeil.

La relation dose-efficacité-tolérance, très variable d'un patient à l'autre, est à évaluer fréquemment. Il n'y a pas de dose maximale, tant que les effets indésirables peuvent être contrôlés.

→ La morphine permet une augmentation du seuil de perception de la douleur. Celle-ci devient moins aiguë, plus lointaine, jusqu'à être parfois totalement soulagée.

→ Elle entraîne aussi une modification du comportement du patient à l'égard de sa douleur. La morphine apporte un état d'indifférence, un apaisement, qui aide à tolérer la douleur même si elle est toujours présente.

Les autres opioïdes forts

L'hydromorphone est indiquée en cas de résistance ou d'intolérance à la morphine.

L'oxycodone est une alternative en cas de résistance ou d'intolérance à la morphine orale.

Le fentanyl. En ville, on le trouve sous forme de dispositif transdermique ou de système transmuqueux. C'est un antalgique très puissant (environ cent fois la puissance de la morphine), aussi bien pour l'antalgie que pour la dépression respiratoire.

La buprénorphine a une efficacité comparable à celle de la morphine dans les douleurs post-opératoires, et les douleurs aiguës et chroniques. Le Temgésic® est disponible en ville sous forme de comprimés sublingaux.

Cas particulier de la méthadone

La méthadone a des effets voisins de ceux de la morphine (antalgique et antitussif, dépression respiratoire, myosis...). Elle est utilisée depuis longtemps dans le sevrage des héroïnomanes.

Ce médicament n'a pas d'autorisation de mise sur le marché (AMM) en tant qu'antalgique. Toutefois, son efficacité démontrée dans le traitement de la douleur, particulièrement dans les douleurs mixtes avec une composante neuropathique (douleurs cancéreuses, par exemple), explique son éventuelle prescription. Ses propriétés sont intéressantes dans la prise en charge d'un patient douloureux présentant des troubles addictifs.

Contre-indications des opioïdes forts

Insuffisance respiratoire décompensée, syndrome abdominal aigu d'origine inconnue, insuffisance hépatocellulaire grave, hypertension intracrânienne et traumatisme crânien, épilepsie non contrôlée, intoxication alcoolique aiguë, allaitement.

PRESCRIPTION ET DÉLIVRANCE DES OPIOÏDES FORTS

Tous les opioïdes forts sont des stupéfiants, sauf la buprénorphine (substance vénéneuse).

Prescription

→ Ordonnance sécurisée.

→ En toutes lettres : le dosage, la forme galénique, le nombre d'unités par prise et le nombre de prises.

→ Le nombre de spécialités prescrites est indiqué dans le carré en bas à droite de l'ordonnance.

→ Pour une durée de 28 jours.

→ Pas de nouvelle ordonnance pendant la période déjà couverte par une précédente ordonnance (chevauchement), sauf à le mentionner expressément sur l'ordonnance.

Délivrance

→ Délivrée en totalité si l'ordonnance est présentée dans les trois jours. Après ce délai, le pharmacien ne délivre que pour la durée de traitement restant à courir.

→ Pour certains médicaments, la délivrance est fractionnée (par exemple, 7 jours pour Actiq® et 14 pour Durogésic®). Pour exclure ce fractionnement, le médecin précise sur l'ordonnance « délivrance en une seule fois ».

→ Renouvellement strictement interdit.

Cas particulier de la buprénorphine (Temgésic®) : prescription en toutes lettres sur ordonnance sécurisée pour une durée de 30 jours, avec renouvellement et chevauchement possibles et délai de présentation de 3 mois.

LE RÔLE INFIRMIER DANS LES TEXTES

L'évaluation de la douleur concerne les divers soignants intervenant auprès d'un patient dans leurs compétences spécifiques. Le rôle de l'infirmière est spécifié dans les textes qui régissent la profession.

L'article R.4311-2 du Code de la Santé publique stipule que les soins infirmiers doivent permettre :

« De concourir à la mise en place de méthodes et au recueil des informations utiles aux autres professionnels, et notamment aux médecins pour poser leur diagnostic et évaluer l'effet de leur prescription...

« De participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes... »

De même l'article R.4311-5 du Code de la Santé publique précise que l'infirmière effectue un « recueil des observations de toute nature susceptibles de concourir à l'état de santé de la personne et à l'appréciation des principaux paramètres servant à sa surveillance... [dont] évaluation de la douleur ». →

Question de patient

Qu'est-ce que le syndrome de Reye ?

Avec l'aspirine, il existe, chez l'enfant et l'adolescent, un risque de complication rare mais potentiellement mortelle. Il s'agit d'une encéphalopathie et une atteinte hépatique aiguë chez l'enfant ou le jeune adulte atteint d'une virose (maladie due à un virus), dont la varicelle ou le syndrome grippal.