Du yin et du yang dans votre assiette - L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 257 du 01/03/2010

 

Marie-Emmanuelle Gatineaud, diététicienne s'inspirant de la médecine chinoise, à Bordeaux

La vie des autres

Forte de ses connaissances approfondies en langue et médecine chinoises, l'avantgardiste Marie-Emmanuelle Gatineaud dispense depuis vingt ans des consultations mixtes pour délivrer des conseils nutritionnels adaptés à chacun de ses patients.

Un cabinet à l'éclairage tamisé et aux murs couverts de planches d'anatomie parcourues de vaisseaux énergétiques. Les rayonnages regorgent d'ouvrages en mandarin. Sur le bureau, des petits pots en verre renferment racines et graines, qui, pour des personnes n'ayant jamais réalisé de séjour prolongé en Extrême-Orient, sont inconnues : soja vert, champignon blanc, racine d'angélique... Car Marie-Emmanuelle Gatineaud, diététicienne diplômée d'État depuis plus de vingt ans, utilise dans sa pratique les apports de la médecine traditionnelle chinoise.

Un manque enfin comblé

Sensibilisée à cette approche pour avoir travaillé avec des médecins acupuncteurs, cette bordelaise était frustrée par le manque de traduction d'ouvrages relatifs à la diététique chinoise. La professionnelle de santé décide alors de retrouver les bancs de l'université pour suivre un diplôme universitaire de langue et civilisation chinoises. Elle commence enfin à pouvoir lire les écrits tant convoités lors de son année de licence. Après sa maîtrise, elle part trois ans en Chine. L'occasion d'approfondir ses lectures, de fréquenter des acupuncteurs et de tout goûter... Quand elle rentre à Bordeaux, elle est devenue experte. Depuis, elle intervient chaque année à la faculté pour des séminaires sur la diététique du corps sain dans la médecine chinoise.

Les consultations de Marie-Emmanuelle Gatineaud sont à présent fortement teintées de médecine chinoise. Soixante pour cent de sa clientèle vient la consulter pour des questions de surpoids ; les autres, pour des problèmes hépatiques, intestinaux, une baisse de tonus ou du stress. Quelle qu'en soit la raison, la professionnelle de santé élargit ses questions sur la digestion, le fonctionnement de leur côlon, leur sommeil, la composition de leurs repas et les traitements éventuels qu'ils prennent déjà.

S'adapter à chaque cas

Chaque personne se distingue par un profil énergétique et par un organe (cf. encadré) dont l'équilibre a été particulièrement bousculé. La médecine chinoise dispose de signes qui ne trompent pas, comme l'aspect de la peau ou la forme du visage. « À présent, quand je vois entrer quelqu'un dans mon cabinet, s'amuse la diététicienne, je peux savoir qu'il a par exemple la rate dans les chaussettes. » Le premier entretien permet d'établir un diagnostic et une liste d'aliments à privilégier ainsi que leur fréquence. La nature des aliments, leur saveur, leur mode de cuisson sont toujours pris en compte. Marie-Emmanuelle Gatineaud insiste sur le fait que les Chinois connaissent les aliments occidentaux. Les régimes qu'elle propose ne sont pas véritablement exotiques, même s'ils peuvent intégrer des racines ou des épices provenant d'Extrême-Orient et disponibles dans les magasins spécialisés.

La diététicienne aime s'adapter à son public, qui va de 7 à 77 ans. Pour les jeunes patients, elle fait surtout appel à la diététique occidentale et à la psychologie. « Je demande à l'enfant de dresser la liste des aliments qu'il aime et de ceux qu'il n'aime pas. Dans ce qu'il aime, il y a toujours des éléments qui vont permettre d'améliorer son régime alimentaire et j'insiste sur ceux-là. » Un pacte est ensuite conclu avec l'enfant et ses parents, qui s'engagent notamment à signaler les interdictions, si besoin est.

Parmi ses patients, beaucoup d'adolescentes viennent en consultation pour un problème de surpoids. Pour ce public, la diététicienne introduit la médecine chinoise : « Je leur explique les grands principes de la diététique chinoise. Cela leur permet d'ancrer leur motivation. » Les jeunes femmes, piquées par la curiosité, respectent le régime qui fait largement ses preuves et suivent avec assiduité les rendez-vous de suivi qui se tiennent environ deux fois par an.

Les personnes âgées viennent souvent pour une fatigue générale. « Ce sont des personnes qui en général souffrent d'un vide de rein. Cet organe est un peu le bon père de tous les autres organes. La médecine chinoise fonctionne par analogies. On renforce le rein avec des aliments qui lui ressemblent, comme les haricots et les abats. » Les patients de la diététicienne, orientés par des ostéopathes ou des acupuncteurs, se montrent la plupart du temps réceptifs à la logique orientale. Sans compter que la diététique chinoise sait flirter avec les institutions régionales. Ainsi, le cassoulet, s'il est agrémenté d'anis étoilé et de légumes, est parfaitement recommandé quand le rein faiblit...

Elle dit de vous !

« Les seules infirmières libérales auxquelles j'ai affaire font partie de ma clientèle ! C'est dommage, car la médecine traditionnelle chinoise soigne corps et esprit dans leur ensemble. Dans le domaine diététique, les protocoles issus de la médecine chinoise permettent de compléter les apports de la diététique dite occidentale. Pour le moment, en France, un diplôme interuniversitaire d'acupuncture est uniquement proposé aux sages-femmes et aux médecins et un diplôme universitaire d'initiation à la médecine chinoise est réservé aux médecins. Mais il y a toujours la solution de la formation individuelle. Dans le domaine paramédical, nous avons la chance de pouvoir nous dégager du temps afin de construire nos projets. Des conférences de bon niveau scientifique sont régulièrement organisées à destination des professionnels de santé. Moi-même, j'en donne à Bordeaux. »

LA DIÉTÉTIQUE

Une médecine vieille de 6 000 ans

La diététique est l'une des cinq disciplines de la médecine traditionnelle chinoise avec l'acupuncture, le massage, la pharmacopée et les exercices énergétiques comme le Gi gong. Ces cinq modes d'intervention, complémentaires, ont les mêmes fondements. Il s'agit de réguler les échanges énergétiques entre les dix organes principaux du corps : le rein, le poumon, la rate, le coeur, le foie, la vésicule biliaire, l'intestin grêle, le gros intestin, l'estomac et la vessie. Ces organes ne se limitent pas à leur physiologie telle qu'on l'entend en Occident, mais représentent une fonction régulatrice pour l'ensemble du corps. Si un organe est affecté par un vide ou un excès d'énergie yin et yang, sa fonction et relation avec les autres organes en seront affectées. La médecine traditionnelle chinoise permet de rétablir ces équilibres en fluidifiant la circulation de l'énergie via les douze méridiens qui parcourent le corps et qui représentent chacun un organe et deux autres fonctions vitales.