Des accords du corps - L'Infirmière Libérale Magazine n° 255 du 01/01/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 255 du 01/01/2010

 

À DOMICILE OU À L'HÔPITAL

L'exercice au quotidien

Le rapport au corps dans la relation infirmière/patient est-il plus compliqué au domicile qu'en milieu hospitalier ? Ancienne infirmière hospitalière, Mireille Paulet, libérale à Bordeaux depuis vingt ans et psychanalyste, nous propose sa réflexion sur cette question.

«Le rapport au corps imposé par le soin au domicile s'inscrit indéfectiblement et d'emblée dans une rencontre des personnes, initiant la relation soignant/soigné. C'est le patient qui «reçoit» chez lui l'infirmière, matérialisant ainsi un cadre de soin radicalement différent de celui de l'hôpital. Placé dès le début dans une position «autonome» et dans un rôle moins passif, il préserve lui-même sa pudeur et il autorise lui-même l'accès à son corps en vue du soin. Il se présente ainsi d'abord comme personne dont le nom et l'identité précèdent la nomination de malade, d'objet de soin.

Réciproquement, l'infirmière libérale offre une interface nominative et identifiée loin de la démultiplication des figures de soignant plus ou moins con-fondues de l'équipe hospitalière. Au domicile, l'infirmière va au-devant du patient : son passage déborde l'acte de soin convenu car «c'est quelqu'un qui vient pour vous», souvent une présence attendue, un repère dans la journée, quelqu'un qui ouvre sur l'extérieur à la maladie.

Au domicile, c'est la même fonction qu'à l'hôpital qui s'exerce, mais dans un bain de rapports humains : on ne parle pas que du soin. C'est ce qui donne du plaisir dans le travail.

Le côté humain y est déployé au maximum, on se trouve dans un rapport de personne à personne et plus seulement de soignant à soigné. Comme on connaît l'infirmière, on lui fait plus facilement des confidences. Celle-ci écoute la personne, apprend à la connaître et se livre elle-même davantage. Par ailleurs, spontanément, on ménage plus la pudeur du patient au domicile qu'à l'hôpital. Quand on entre chez quelqu'un, on ne peut pas se comporter comme dans une chambre d'hôpital. Avant d'entamer le soin physique, on discute de choses et d'autres, on prend des nouvelles... On fait plus que le soin. L'infirmière est interpellée par la vie globale du malade. Le rapport au corps se situe dans ce contexte global : il n'est donc pas l'élément central de la relation. »

Avis de l'expert

« La dimension affective est essentielle »

Dr Pierre Boquel, directeur du Centre de psychosomatique et de relaxation de Montpellier (Cresmep*)

« Dans la relation infirmière/patient, il est toujours question de deux corps qui échangent selon des modalités déterminées par le cadre du travail. Mais c'est toujours une même personne qui est là, avec son histoire, sa subjectivité et ses émotions, tant pour le patient que pour le soignant. La perspective en psychosomatique relationnelle intègre la dimension affective comme un élément essentiel constitutif de la relation de soin. À l'hôpital, l'échange subjectif est neutralisé par les codes et divers protocoles qui transforment souvent la relation infirmière/patient en une démarche à suivre. Or, si elle est utile pour les soins techniques apportés au traitement de la maladie, cette adaptation se fait aux dépens de l'effet thérapeutique de la relation sur l'unité du malade. En effet, ce dernier repose sur l'échange affectif et imaginaire utilisé de manière consciente par l'infirmière au domicile du patient. »

*Ce centre est un organisme de formation dirigé par des médecins psychosomaticiens. Il forme le personnel soignant du milieu hospitalier et extrahospitalier à la dimension psychosomatique. Site Internet : .