Accouchement à domicile : UNE MODE OU UNE ALTERNATIVE A L'HOPITAL ? - L'Infirmière Libérale Magazine n° 255 du 01/01/2010 | Espace Infirmier
 

L'Infirmière Libérale Magazine n° 255 du 01/01/2010

 

Le débat

Bien qu'encore peu répandu, l'accouchement à domicile (AAD) est largement médiatisé. Mais il est également critiqué par une bonne partie des professionnels de santé et par les compagnies d'assurances qui refusent de couvrir la responsabilité professionnelle des sages-femmes pratiquant l'AAD.

Karine Clavier

Co-fondatrice du collectif Naître chez soi, affilié au Collectif interasociatif autour de la naissance (CIANE)

Pourquoi avoir fondé un tel collectif ?

Cela s'est fait à la suite des États généraux de la naissance de 2006, à Châteauroux. Une conférence était donnée sur l'accouchement à domicile (AAD) et nous avons réalisé à quel point cela pouvait intriguer. J'ai pour ma part accouché deux fois à domicile et, avec d'autres mères, nous avons voulu défendre cette possibilité. Aujourd'hui, 235 personnes font partie de notre collectif. Notre objectif est de corriger l'image de l'AAD, d'inciter les sages-femmes à pratiquer de tels accouchements et d'informer les futurs parents. Nous essayons d'être présents dans chaque région.

Pourquoi les femmes souhaitent-elles accoucher à domicile ?

Les raisons sont très variables : cela peut être pour des raisons d'intimité, suite à une mauvaise expérience à l'hôpital ou par coutume, pour des femmes étrangères qui considèrent que l'accouchement à domicile va de soi. En tout état de cause, l'AAD se développe en France : les sages-femmes nous disent être de plus en plus sollicitées et le collectif reçoit de nombreuses demandes de renseignements sur le sujet.

Les femmes qui accouchent à domicile connaissent-elles les risques encourus ?

Beaucoup font la démarche de se renseigner. Accoucher à la maison nécessite d'être plus consciente, plus actrice de son accouchement. Et il faut garder à l'esprit que les sages-femmes qui acceptent de réaliser des AAD ne sont pas assurées pour cela. L'AAD, c'est un contrat de confiance que l'on passe avec sa sage-femme. C'est aussi la raison pour laquelle seules les femmes à bas risque obstétrical peuvent accoucher chez elles. De ce fait-là, on observe qu'il n'y a pas plus de problèmes à la naissance du bébé qu'à l'hôpital.

Les femmes qui accouchent à domicile ont-elles un suivi particulier de leur grossesse ?

Les sages-femmes pratiquent le suivi global de la grossesse, de l'accouchement et des suites de couches. Dès lors qu'elles sont présentes auprès de la femme pendant neuf mois, elles peuvent la réorienter vers une maternité si elles estiment qu'il y a le moindre risque.

Pr Jacques Lansac

Président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

L'accouchement à domicile est-il une mode ?

On en parle beaucoup parce qu'on ne parle jamais des trains qui arrivent à l'heure. Mais la demande reste restreinte : sur les quelque 800 à 850 000 naissances chaque année en France, il y aurait 2 000 à 2 500 accouchements à domicile. Le problème est que nos contemporains ne voient plus les accidents possibles lors des accouchements précisément parce que la médicalisation de la naissance fait qu'il n'y a plus d'accidents.

Quelles précautions doivent néanmoins être prises dans le cadre de l'AAD ?

Il faut commencer par ne prendre en charge à domicile que les femmes chez qui il n'y a aucun problème et ne pas accepter d'accoucher à domicile en cas de grossesse gémellaire ou de bébé en siège. Il est essentiel d'observer comment se déroule le travail et, au moindre doute, d'appeler une ambulance. S'il survient quelque chose d'inattendu, il faut être en mesure de réagir vite. Il est important de garder à l'esprit qu'un bon tiers des femmes qui veulent accoucher naturellement réclament en cours de route une péridurale parce qu'elles ont mal. Rien que pour cette raison, je doute que l'AAD se développe énormément.

Que dire aux femmes qui souhaitent néanmoins accoucher à domicile ?

Que le risque zéro n'existe pas ! On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les femmes voudraient accoucher à la maison avec le même niveau de sécurité qu'à l'hôpital. Ce n'est pas possible. On a peu de temps pour faire naître un bébé. Or, si on se retrouve avec un enfant handicapé parce que quelque chose s'est mal passé, on en porte la responsabilité et le poids toute sa vie. Il suffit de peu de choses pour que tout bascule. En Afrique, dans 11 accouchements sur 1 000, la femme décède ; en France, on a seulement 80 décès par an, soit un taux de mortalité de 0,1 pour 1 000.

Quelle est la place des médecins dans l'accouchement à domicile ?

Si nous avons longtemps fait des AAD, cette période est bel et bien révolue et on ne court pas après, pas plus que les médecins généralistes. Les sages-femmes ne sont même pas assurées quand elles pratiquent des accouchements à domicile. L'Ordre des sages-femmes ne les pousse pas non plus à s'investir là-dedans. Il s'agit plutôt d'un petit groupe militant qui pousse à cette pratique. <