Accidentellement volontaire | Espace Infirmier
 
Accidentellement volontaire

07/11/2012

Accidentellement volontaire

Début octobre, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux a été mis en cause pour avoir rejeté plus de 50 % des dossiers d’indemnisation des victimes du Mediator. Mais, l'affaire Mediator est-elle accidentelle ? Par Aïssa Lacheb-Boukachache, IDE.

L’Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) a déclaré irrecevables plus de la moitié des plaintes des personnes ayant consommé du Mediator (1). Mais, s'agit-il d'un accident médical ? Un accident médical est un aléa thérapeutique, juridiquement défini ; il peut se comprendre et l’on peut en dédouaner son ou ses auteur(s), sans que cela porte préjudice à une indemnisation juste et légitime. Tout le monde peut se tromper, même un chirurgien consciencieux et compétent, dans le cadre d'une intervention ; même un médecin généraliste, quant à un diagnostic et une thérapeutique. Ces accidents sont humains et ne sont pas condamnables en tant que tels. Mais, dans le cas du Mediator, peut-on invoquer un quelconque accident ? Peut-on parler d'un aléa médical ?

Assurément non, puisque la définition même de l'accident est précisément qu'il est non seulement involontaire mais, également, imprévisible. Or, les effets secondaires indésirables graves imputés au Mediator, tant sur le système nerveux central que sur le système cardio-vasculaire, étaient prévisibles. Dès lors qu'on les connaissait de par l'expérience ancienne de l'Isomeride, à croire qu'ils étaient, aussi, volontaires. La molécule de base du Mediator, le benfluorex, étant de la même famille que ce coupe-faim amphétaminique par métabolisation, commercialisé durant des années et brutalement interdit à la vente dans le monde en 1997, lorsque l'on a su ses méfaits graves sur la santé. Le Mediator, en toute connaissance de cause, a pourtant été commercialisé massivement en tant qu’anti-diabéte jusqu’en 2009, date de son retrait des pharmacies par l'Afssaps.

La logique du laboratoire a été celle-ci : les personnes grosses et très grosses (obèses) sont des personnes à fort risque de diabète (type 1 et type 2), surtout si elles ne pratiquent aucune activité physique et sont âgées. Coupons-leur la faim ; elles maigriront et le risque de diabète sera évité. Pour leur couper la faim, donnons-leur un coupe-faim, une amphétamine métabolisée, le benfluorex : le Mediator. C'est en tant que traitement contre le diabète que l'autorisation de mise sur le marché a été obtenue. Le diabète est une maladie chronique répertoriée depuis longtemps. Ses traitements aussi, et ils ne sont pas pléthoriques : les insulines dans le cas du diabète de type 1 et les glucophages pour le type 2. Que vient faire une amphétamine là-dedans qui, non seulement, n'a aucun effet thérapeutique sur aucun diabète, mais qui, en plus, détruit le cœur et atteint le système nerveux central pour lui causer des dommages irréversibles? Avoir fait passer le Mediator pour un quasi-glucophage, en tout cas pour un traitement adjuvant contre le diabète de type 2, est une hérésie qu’on ne pouvait ignorer, sauf à ne plus se dire laboratoire pharmaceutique.

Puisqu'il ne s'agit pas d'un accident médical, mais d'une apparente volonté délibérée de dégager des profits au mépris de la mise en danger sue et connue de la vie d'autrui, pourquoi l'Oniam, cet organisme chargé de décider des accidents médicaux, a-t-il été saisi ? En somme, pourquoi avoir confié ce qui semble être un délit caractérisé, voire un crime, de mise en danger de la vie d'autrui par empoisonnement, à un organisme chargé d'étudier des accidents médicaux ?


(1) 86%, selon un article du Parisien, début octobre. Un chiffre contesté par l’Oniam, qui avance 52 %.

 
Document à consulter : Enquête sur le Mediator, par les Docteurs Aquilino Morelle et Anne-Carole Bensadon, et Etienne Marie, inspecteur général, Inspection générale des affaires sociales (Igas).

 

Chronique parue dans L'Infirmière magazine, daté du 1er novembre 2012.

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