Don d’organes : quand la mort donne la vie | Espace Infirmier
 

22/06/2017

Don d’organes : quand la mort donne la vie

À l’occasion de la 17e Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs, entretien avec Magali Lemains, infirmière en réanimation, qui est, depuis huit ans, l’une des quatre coordinatrices de don d’organes du groupe hospitalier Paris-Sud (Bicêtre, Antoine-Béclère et Paul-Brousse, AP-HP), en région parisienne.

La Journée nationale de réflexion sur le don d’organes, est-ce un rendez-vous important pour éclairer les enjeux et cette pratique ?
Oui, c’est un moment important pour le grand public car il favorise la parole sur un sujet qui renvoie à la mort, le plus souvent brutale. Or, au quotidien, on a peu l’occasion d’aborder cette question de manière spontanée et sereine. À l’AP-HP, toutes les équipes de coordination de prélèvements d’organes et de greffe sont aujourd’hui mobilisées et organisent des événements, type café-débats, ou animent, au sein des établissements, des stands d’information pour engager le dialogue autour du don avec les usagers, mais aussi avec bon nombre de soignants, qui ne connaissent pas les enjeux du don d’organes ni le processus de prélèvement. À Bicêtre, par exemple, quelque 650 de nos patients attendent un greffe de rein.

Sauf refus express (1), la loi santé de janvier 2017 fait de chacun de nous un donneur d’organe par défaut. Ce texte a-t-il modifié votre façon d’aborder le consentement auprès des familles et des proches ?
Dans la pratique, non. On ne peut pas dire aux familles ou aux proches  : « Comme le patient n’a pas formellement manifesté son refus de don d’organes, on le conduit au bloc pour procéder aux prélèvements.  » Cette situation est impensable  ! Notre démarche vise toujours à recueillir l’assentiment des familles et d’envisager avec elles, quand elles n’ont pas connaissance de la position du patient sur le don, si cela leur semble possible. Nous restons disponibles pour répondre à leurs questions, à tout moment. En tant qu’infirmière coordinatrice, je suis présente du début à la fin de la démarche de don et du processus de prélèvement. Je suis également garante de la parfaite restauration tégumentaire du corps du donneur. Il faut s’assurer que, quelques heures après le prélèvement, les proches qui le souhaitent pourront visiter leur défunt et constater que son intégrité physique a été respectée. C’est un moment très important pour eux, et pour nous aussi.

En quoi consiste la coordination de prélèvement ?
C’est une démarche que nous menons en binôme avec le médecin coordonnateur, en collaboration étroite avec l’équipe du service de réanimation qui a la charge du patient, et l’Agence de biomédecine, qui valide le prélèvement d’après les éléments cliniques et médicaux que nous lui faisons parvenir, et des examens complémentaires qu’elle estime nécessaires pour s’assurer de la qualité de chaque greffon. C’est à l’Agence de trouver le/les receveur(s) et de prévenir les équipes médicales de prélèvement que des greffons vont être disponibles. C’est une course contre la montre durant laquelle, en l’absence de fonctions cérébrales, le service de réanimation doit absolument maintenir chaque organe en vie. Ensuite, il faut organiser le bloc car plusieurs équipes de prélèvement vont se succéder dans un ordre précis en fonction de l’ischémie de chaque greffon. C’est un gros travail aussi pour nos collègues Ibode qui vont rester au bloc entre 8 et 10  heures d’affilée. Ensuite, d’autres équipes procèdent aux prélèvement de tissus  : cornée, os, nerfs, peau, vaisseaux, tendons, valves cardiaques… En dehors des bonnes pratiques, coordonner, c’est s’assurer que tous les protocoles ont été respectés au regard de la loi qui encadre strictement cette pratique.

Françoise Vlaëmynck

1. Toute personne qui refuse un prélèvement d’organes doit formellement manifester sa décision auprès du Registre national des refus, géré par l’Agence de biomédecine.

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