Attentat de Nice : « la distance patient-soignant a été abolie » | Espace Infirmier
 

25/08/2016

Attentat de Nice : « la distance patient-soignant a été abolie »

Ambulanciers, médecins, infirmières, AS, ASH, manipulateurs radio, secrétaires… Les professionnels qui ont pris en charge les victimes de l’attentat perpétré sur la Promenade des Anglais, le 14 juillet, ne sont pas tous sortis indemnes de cet épisode dramatique. À l'hôpital Pasteur (CHU de Nice), centre névralgique de l'accueil des victimes, le soutien psychologique des professionnels est une nécessité.

La direction du CHU de Nice, les syndicats et l'équipe de garde se sont très vite entendus pour mettre en place une cellule psychologique pour les professionnels de santé mobilisés. Le besoin a été identifié dès le 15 juillet par le Pr Michel Benoît, psychiatre à l'hôpital Pasteur. « Il a d'abord fallu répondre aux demandes individuelles émanant des personnels du Samu, Smur, de la médecine légale et de la radiologie. Cette première phase a été assurée par les membres de la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP) et du personnel de psychiatrie adulte du CHU. » Il fallait relativiser et expliquer qu'en situation de soin exceptionnelle, la vie hospitalière ne peut pas être « normale ». « Nous ne leur parlons pas de la même façon qu'aux victimes, le personnel mérite une reconnaissance spécifique, précise Michel Benoît. Leur stress est la conjonction de deux choses : le stress individuel (nous avons tous été touchés par l'attentat) et le stress professionnel, dû notamment à leur présence prolongée à l'hôpital, au décalage des congés, au nombre de patients dix fois supérieur à la normale... »

Identification aux victimes

Dans un second temps, trois sites du CHU de Nice (Pasteur, L'Archet et Cimiez) ont mis en place une permanence psychologique entre le 21 juillet et 21 août. Sabrina Kernachi, psychologue clinicienne en psychiatrie adulte, assurait la permanence. « L'événement a concerné tout le monde : population et soignants. La distance patient-soignant a été abolie, ce qui rend l'identification aux victimes plus grande que d'habitude. Le personnel venait chercher un lieu où penser la situation, dépasser la sidération, se remettre dans des processus d'élaboration. » Cet accueil a ensuite été concentré sur le site de Pasteur 2, principal hôpital impacté par l'afflux des victimes.

Le personnel administratif et d'accueil a consulté la permanence en nombre. En première ligne après l'attentat, ils ont été assaillis de questions des victimes. Certaines secrétaires étaient présentes à la médecine légale lors de l'identification des corps. Un moment difficile. « Nous parlons de ce qui les a atteints de façon constructive et posons des mots pour faire prendre du sens à un événement 'hors sens' », explique Sabrina Kernachi.

Culpabilité

Michel Benoît et son équipe ont par ailleurs fait face aux sentiments de culpabilité des soignants. Certains culpabilisent de ne pas avoir été présents auprès de leurs équipes car ils étaient en congé. D'autres acceptent difficilement d'avoir « lâché le bateau »…

Le personnel de psychiatrie a plus de mal à venir se confier. « On sait que pour les professionnels, il est difficile de parler de ses faiblesses », avoue Virginie Buissié, coordonnatrice de la CUMP. Pour la psychiatre, il est hors de question de consulter la permanence. « En tant que psy, nous avons déjà des personnes à qui nous confier, la plupart d'entre nous est déjà en analyse personnelle et l'attentat sera abordé dans ce cadre. »

Dans les différentes équipes, aux urgences ou dans d'autres services, on a débriefé régulièrement. Martine Fiorucci en a eu besoin. Dès la nuit de l'attentat, l’infirmière de psychiatrie était en maraude sur la « Prom » pour venir en soutien aux proches des victimes décédées. « Je me souviens qu'au début, on déambulait entre les corps, on restait auprès des familles. Cela a duré jusqu'à 6h du matin. Des personnes erraient seules. Nous devions être là pour les soutenir dans la souffrance. » Volontaire à la CUMP, l’IDE avait été formée à ce cas de figure. « La formation a été indispensable pour faire face, mais aussi les débriefings d'équipe. J'ai pu y déposer des choses personnelles. Je fais en plus un travail personnel. »

Retour de bâton ?

La direction des ressources humaines du CHU de Nice offre désormais aux professionnels un accès direct aux médecins du travail grâce à des consultations. Ils pourront bénéficier d’une consultation psychologique dès le 1er septembre. Les équipes s'attendent en effet à un « retour de bâton » à la rentrée, lorsque les personnes impliquées seront de retour de vacances.



Pour aller plus loin, lire le reportage sur la prise en charge psychologique des victimes de l’attentat de Nice, à paraître dans le numéro de septembre de L’Infirmière magazine.


Par Sandrine Lana, à Nice.

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