La « controverse sans fin » des 12 heures | Espace Infirmier
 

03/10/2014

La controverse sans fin des 12 heures

Les Rencontres RH de la santé, qui se sont déroulées à Montrouge (92) mardi et mercredi, ne pouvaient faire l'impasse sur cette organisation du temps de travail, qui séduit de plus en plus d'établissements... et de soignants.

« "Je suis en 12 heures", c'est le nouveau "je suis aux 35 heures"», affirme Fanny Vincent, chercheuse en sciences sociales à l'Université Paris-Dauphine, qui a passé de nombreuses semaines en immersion à l'hôpital. Un constat que corroborent les résultats de l'enquête menée cet été par l'AdRHess (1) : 71% des 136 établissements répondants (2) ont organisé un ou plusieurs de leurs services en 12 heures. Tous les CHU participants et 98% des CH de plus de 70 millions d'€ de budget se sont laissés tenter, contre 75% des établissements dont le budget est compris entre 20 et 70 millions d'€. Les petites structures semblent, en revanche, plus frileuses : seuls 36% des établissements de moins de 20 millions de budget et 32% des CHS ont mis en place la journée de 12 heures.

Réticence des représentants du personnel

Si 51% des répondants déclarent moins de 10% des personnels non-médicaux travaillant en 12 heures, dans 8% des établissements plus de 50% de l'effectif est concerné. La motivation des équipes est le « principal moteur de la réorganisation », constate l'AdRHess. Dans 28% des cas, le projet est également porté par la direction : seuls 6 établissements sont passés aux 12 heures à la seule initiative de la direction. Quant aux représentants du personnel, ils étaient défavorables dans 69% des cas (à 25% quand la demande a été faite par les équipes).

Fruit d'un contexte tendu (réformes hospitalières, mise en place des 35 heures), cette organisation révèle un nouveau rapport au travail des soignants, qui ne veulent plus « avoir l'impression d'être tout le temps à l'hôpital », explique Fanny Vincent. À défaut d'avoir prise sur leur charge de travail, ces derniers souhaitent « maîtriser leur temps personnel ». Les jours de repos apparaissent comme du temps « récupéré » par rapport aux jours « gâchés » par le travail. C'est notamment le cas pour les femmes qui ont des enfants, ou pour les jeunes qui prisent leur vie sociale. Les 12 heures permettent à d'autres salariés de faire des heures supplémentaires (voire de cumuler un autre emploi).

Les transmissions en questions

Synchronisation des temps médicaux et non-médicaux, gain de temps RH, meilleure continuité de la prise en charge, autonomie des soignants dans la gestion de leurs tâches... La journée de travail en 12 heures présente de nombreux avantages. Et des inconvénients. Premier d'entre eux : les transmissions, réduites en nombre comme en durée. Pour éviter les dépassements, à défaut d'avoir un effectif suffisant permettant des horaires décalées de 15 minutes, Véronique Rivat, coordinatrice générale des soins au CH du Cotentin, préconise des transmissions écrites et ciblées. « Mais, tout ce qui se joue autour des transmissions, temps social au travail, est supprimé », déplore-t-elle. Les cadres auront alors à charge « de bien communiquer pour continuer à maintenir un collectif d'équipe ». Autres « points de vigilance » relevés par la coordinatrice générale : la continuité de la prise en charge sur l'ensemble du séjour et la fatigue au travail.

Quid de la gestion de l'absentéisme ? « Les cadres nous disent que le rappel sur les jours de repos est moins problématique », rapporte Jean-Marie Barbot, président de l'AdRHess et directeur du CH Fondation Vallée (Gentilly). « On génère vite des heures supplémentaires qu'on a du mal à rendre », objecte une DRH présente dans la salle. À défaut d'études poussées sur cette nouvelle organisation du temps de travail, la controverse des 12 heures n'est pas près de prendre fin.

Aveline Marques
Photo: Fotolia



1- Association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux.
2- 8 CHU, 45 CH de plus de 70 millions d'€ de budget, 37 CH dont le budget est compris entre 20 et 70 millions d'€, 17 établissements de moins de 20 millions d'€ de budget, 22 CHS, 5 Ehpad et 2 centres de lutte contre le cancer.

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