Hippocrate : « Le métier d’infirmière n’est pas celui d’un sous-médecin » | Espace Infirmier
 

26/11/2018

Hippocrate : « Le métier d’infirmière n’est pas celui d’un sous-médecin »

« Canal + » diffuse ce 26 novembre les deux premiers épisodes d’une nouvelle série intitulée « Hippocrate », co-écrite et réalisée par Thomas Lilti. Huit épisodes de 52 minutes pendant lesquels il raconte l'hôpital public. Rencontre avec le réalisateur et Louise Bourgoin.

Espace infirmier : La série « Hippocrate » sera diffusée ce 26 novembre. Comment est née l'idée ? Faut-il y voir un lien avec « Hippocrate », le film, sorti en 2014 ?

Thomas Lilti : L’envie de faire une série était déjà présente avant le film. Et une fois le film sorti, l’envie d’en raconter davantage sur les soignants et le personnel infirmier était toujours là. Dans un film, on est obligé de simplifier et d’aller droit au but. Avec cette série, qui n’est pas une adaptation, je peux raconter l’hôpital public, cette institution en mauvaise santé, qui manque de moyens et de personnel, et où la souffrance des équipes n’est pas entendue. On dit souvent que l’hôpital public s’est déshumanisé mais ce qui m’intéresse, c’est justement de montrer l’engagement des professionnels qui y travaillent, de rendre hommage à tous ces métiers en montrant à quel point l’humanité est présente dans un hôpital. Ce qui est inhumain, c’est ce que vivent les malades, les jeunes médecins en formation, les infirmières et les aides-soignantes.

Médecin de formation, vous connaissez bien l’univers hospitalier. Quelle a été votre stratégie pour être si réaliste ?

Toutes les situations principales ont comme point de départ des situations que j’ai connues. Ensuite, avec les trois autres auteurs (Anaïs Carpita, Claude Le Pape et Julien Lilti, NDLR), nous avons augmenté la part romanesque. Je me suis entouré d’avis médicaux et j’avais toujours avec moi une conseillère infirmière sur le plateau de tournage afin de préciser les gestes, le modèle de seringue à employer ou le type de ponction à effectuer dans chaque situation. Le métier d’infirmière n’est pas celui d’un sous-médecin. C’est un autre métier avec ses compétences propres. La fiction permet de mettre sa caméra davantage dans l’intimité des soignants, dans la relation soignant-soigné et de montrer le soin non organique que font tout le temps les infirmières.

(© Denis Manin / 31 Juin Films / Canal+)

Quelle est la place des soignants dans la série ?

Sur les huit épisodes, il y a 130 personnages, dont deux sont issus du corps médical. Mais pour toutes les figurations et les silhouettes, ce sont des professionnels du corps médical. Ils ont beaucoup apporté au tournage, notamment lors des échanges sur le plateau. Et dans l’un des épisodes où se déroule une scène clé de réanimation, quatre infirmiers jouent leur propre rôle car il fallait être hyper précis et très rapide dans la gestuelle.

« Hippocrate », la série fait-elle passer un message ?

Je veux raconter deux choses. D’abord, comment de jeunes internes sont jetés dans le grand bain avec peu d’expérience, en étant mal entourés et avec un personnel soignant qui doit prendre de nombreuses décisions. Ensuite, je veux montrer la rigidité de l’administration qui fait qu’on ne sait plus qui prend la décision, et l’absurdité du principe de précaution, qui, poussé à l’extrême, a des conséquences sur la base et les patients. Aujourd’hui, le système est tellement abîmé, tellement sous tension, et le personnel soignant – qui en est la cheville ouvrière – tellement pressurisé, qu’il peut éclater. On a pu le voir lors d’une canicule ou d’une vague de froid. Je n’ai pas un message militant mais c’est une série engagée. Je montre la spécificité du système français avec ce qui marche et ce qui ne marche pas à l’hôpital. L’hôpital est le personnage principal de la série comme reflet de la société dans laquelle nous vivons avec toutes les questions que l’on peut se poser sur l’individualisme et la désagrégation d’un outil de travail.

Faut-il s’attendre à une suite ?

Oui, nous sommes déjà en train d’écrire la saison 2. Mais je ne peux rien dire pour le moment sur les thèmes abordés. Nous irons encore plus en profondeur sur certains sujets.

Série réalisée par Thomas Lilti en collaboration avec Anaïs Carpita, Claude Le Pape et Julien Lilti. Avec Louise Bourgoin, Karim Leklou, Alice Belaïdi, Zacharie Chasseriaud, Anne Consigny, Éric Caravaca, Géraldine Nakache, Jackie Berroyer… Diffusion sur Canal +, le 26 novembre à 21 h 09. Elle sera diffusée jusqu'au 17 décembre et en replay jusqu'en janvier.

Louise Bourgoin, une interne de choc !

Comment vous-êtes-vous préparée à ce rôle ?
Je n’ai pas fait de stage dans un hôpital en amont mais nous avons tous travaillé entre les scènes avec les professionnels du CH Robert-Ballanger d'Aulnay-sous-Bois où s’est déroulé en partie le tournage. Nous étions toujours en lien avec des médecins, des infirmières, des aides-soignantes et des brancardiers. Thomas (le réalisateur) nous a montré les gestes simples comme les palpations. Et nous sommes restés une journée sur une scène de réanimation avec un réanimateur qui avait mon âge afin d’être très précis. Durant tout le tournage, nous avons été très liés au réel de l’hôpital et à la vie des équipes hospitalières.

Chloé, votre personnage, est une interne assez dure. C’est un trait de caractère qui vous a attirée ?
Si ce rôle avait été interprété par un homme dans la série, on ne remarquerait pas cette dureté. On est tellement habitué à ce que les femmes soient dans l’empathie... Ce qui m’a plu justement, c’est que les rôles écrits par Thomas sont interchangeables. Il s'affranchit des genres. Et ce qui m’a plu chez Chloé, c’est qu’elle doit faire front. Elle est avec une équipe de bras cassés, elle a sa souffrance personnelle, ses secrets et son déni de la maladie.

(Crédit photo : Denis Manin / 31 Juin Films / Canal+)


Propos recueillis par Isabel Soubelet

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