L’âme du plombier | Espace Infirmier
 

26/07/2018

L’âme du plombier

JOUR-J : ÉPISODE 3

Après Huguette, la cadre de santé de l’unité, Sarah rencontre Charlène, l’infirmière qui la formera aux protocoles et habitudes de services pendant quelques temps. La pression nerveuse due au premier jour ne redescend pas… Et pourtant, il faudra suivre le rythme sans faire de faux pas !

Elle était petite, blonde et dynamique. On aurait dit un ange qui volait de patient en patient puis de patient en interne puis d’interne en appel téléphonique puis d’appel téléphonique en cadre du service. J’avais l’impression de voir une version accélérée d’un épisode de Joséphine, ange gardien tellement ma référente passait avec agilité d’un interlocuteur à l'autre ou d’un soin au suivant. Une dextérité due à son ancienneté dans le service et à un enthousiasme naturel. Charlène avait eu le temps de m’expliquer, entre deux réfections de pansement, qu’elle travaillait en chirurgie digestive depuis cinq ans.

En une matinée, j’avais pu découvrir les protocoles de réalimentation propres à chaque intervention, assister à la pause d’une sonde naso-gastrique et découvrir les objectifs d’un lavage vésical par sonde à demeure.

Des sondes, des tubes et des tuyaux. À la fin de la journée, je me sentais l’âme d’un plombier en blouse blanche et sabots rose fuchsia.

Pour mon premier jour, j’étais arrivée après la visite des médecins. Je n’avais également fait que croiser nos collègues infirmières ou aides-soignantes car chacune était affairée à gérer son secteur de patients. Le « Bonjour, je suis Sarah, nouvelle infirmière » pour lequel je m’étais entraînée sur le trajet jusqu’à l’hôpital n’avait quasiment pas trouvé d’oreille à caresser.

                    « À la fin de la journée, je me sentais l’âme d’un plombier
                                en blouse blanche et sabots rose fuchsia »

En tant que nouvelle recrue, je me posais davantage en spectatrice qu’en actrice et je trouvais une certaine grâce dans la manière dont chacun accomplissait ses tâches avec automatisme. L’habitude offrait à mes collègues le luxe d’être efficaces tout en songeant à autre chose : l’heure du déjeuner qui arrivait, la soirée de la veille avec ce bel inconnu, la cousine Gisèle qui ne devrait plus tarder à accoucher… Bref, dans ce ballet rendu naturel par l’expérience, elles pensaient à tout ce qu’elles avaient en dehors de l’hôpital. Moi, après quelques heures, j’en étais encore au tout début, j’avais besoin de tout intellectualiser.

À 13 h, ma tête était prête à exploser, pleine de diurèses, redons, drains et autres.

- Allez, on va en pause ? Tu l’as bien mérité ! Les filles sont déjà à l’office, s’enthousiasma Mimi Mathy.

- Avec plaisir !

En salle de pause, les collègues présentes ce jour-là étaient attablées et il ne restait plus que deux places pour Charlène et moi.

- Je n’ai pas eu le temps de te présenter à l’équipe… s’excusa cette dernière. Alors les filles, voici Sarah, notre nouvelle recrue. Sarah, voici Justine, Nadège et Magalie, qui sont aides-soignantes, et là, tu as Marion et Gwen, infirmières.

Les « bonjour » et allocutions de bienvenue fusèrent de toute part. Je répondis timidement en me demandant déjà quel était le prénom de l’infirmière assise à ma gauche. Pour moi, c’était comme si Charlène avait dit : je te présente : Justine, Nadège, Magalie, Marion, Gwen, Delphine la blonde, Raphaël, Sasha, Guillaume, Lucie, Sylvain, Dany, Pierre, Delphine la rousse, Angélique, Liam, Caroline…

Nous terminions à peine de manger lorsque deux individus habillés en civil et blouse blanche entrèrent dans l’office.

                 « Entre Brad Pitt et Patrick Timsit, je devinai immédiatement
                                 lequel des deux était le chef de service… »

- Quelle chance, tu vas avoir l’honneur de rencontrer notre chef de service, le Dr Perrot, me souffla Justine, ou Cindy, ou… bref, la brune assise à côté de moi.

Les deux hommes aux allures opposées se servirent un café sans accorder la moindre attention à l’équipe paramédicale attablée. Un grand blond en baskets buvait les paroles d’un petit bedonnant dégarni aux lunettes rondes. Entre Brad Pitt et Patrick Timsit, je devinai immédiatement lequel des deux était le chef de service…

Mes collègues changèrent d’intonation, l’atmosphère se tendit comme le fil d’un funambule de l’extrême entre deux monts. Tandis que le chirurgien et son interne me jaugeaient, je pus enfin balancer mon « Bonjour, je suis Sarah, nouvelle infirmière ».

Le grand blond me sourit poliment tandis que le chef de service… monsieur le chef de service, ne daigna même pas me répondre.

Quelqu’un a ouvert la fenêtre ou la porte du frigo ? Parce que je sens un froid polaire s’abattre sur l’office… Méfiez-vous, les pingouins et les Inuits vont bientôt rappliquer…

Auront-ils le droit d’appeler le Dr Perrot par son prénom ? Pour moi, en tout cas, c’est mal parti

Lisa Marconet
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Épisode 2, la semaine prochaine !

       
       (Illustrations : Héloïse Chochois)

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