Interview de Jean-Pol Depoix | Espace Infirmier
 

06/03/2019

Jean-Pol Depoix : « L’expérience prouve que les soignants sont souvent mal informés sur les droits auxquels peut prétendre le patient »

Indispensable pour les soignants, utile pour les patients, « Droit et place des personnes soignées à l'hôpital » est un tout nouveau guide coordonné par le médecin médiateur, Jean-Pol Depoix, qui vient combler une lacune en matière de droits des patients à l’hôpital. L’auteur souligne l’intérêt du recours à une approche pluridisciplinaire, et insiste plus particulièrement sur l’importance d’une expertise en situation.

Éditions Lamarre : Comment ce projet de livre a-t-il vu le jour et à qui s’adresse-t-il ?

Jean-Pol Depoix : L’idée de ce livre fait suite à la participation à différentes manifestations autour du droit du patient. Il s'agissait le plus souvent de tables rondes, de débats organisés dans le cadre d'un congrès national, du Salon infirmier ou de colloques médicaux. La rencontre avec des intervenants provenant de divers horizons, Haute Autorité de santé (HAS), juristes spécialisés, cadres de santé, a fait germer l'idée de regrouper dans un ouvrage les principaux droits auxquels la personne hospitalisée peut prétendre.
Il me semblait important que cet ouvrage ne soit pas écrit pour les habitués du sujet, qu'il se destine à la majorité des soignants, médecins mais également infirmières et aides-soignants, qui sont proches du patient au moment où peut survenir un événement indésirable lors du parcours de soins. L’expérience prouve que ces professionnels sont souvent mal informés sur les droits auxquels peut prétendre le patient.

En quoi la spécificité de l’approche pluridisciplinaire peut être utile, voire nécessaire, pour appréhender la question des droits des patients en milieu hospitalier ?

J.-P. D. : La complémentarité d'approche est fondamentale. On s'en rend compte lorsque l'on participe à différents débats ou tables rondes avec des co-invités qui ne sont pas de la même discipline. Les échanges sont particulièrement intéressants. À chaque fois, les orateurs ne sont plus seulement enseignants mais ils s'enrichissent au contact des autres orateurs. L’avis d'un représentant des usagers, d'un juriste, d'un directeur d'établissement hospitalier ou d'un patient expert est toujours profitable à tous, et permet une vue d’ensemble plus solide pour fonder les décisions.

Quels droits - parmi les plus notables - ont été acquis, ces dernières années, par les personnes soignées à l’hôpital, et doivent être connus par le personnel soignant ?

J.-P. D. : Le droit essentiel est que le patient ne subisse plus son hospitalisation. Il doit être informé sur le diagnostic de sa maladie, sur les examens et les traitements qui lui seront proposés. Ce qui lui permet, s’il le souhaite, de refuser tout ou partie de la prise en charge hospitalière.
De plus il doit être informé de l'événement indésirable qui a pu survenir lors de la prise en charge, ce qui n'est pas le plus facile pour les équipes soignantes. Il doit, au préalable, en connaître la gravité, les risques qu'il encourt, mais également les réparations auxquelles il peut prétendre. Le patient a alors la possibilité de prendre contact avec un représentant des usagers, le chargé des relations avec les usagers, le médecin médiateur. Ce sont ces personnes qui le conseilleront dans ses doutes sur la prise en charge, puis dans ses démarches, si une erreur est avérée.

En qualité de médecin médiateur, avez-vous déjà été amené à gérer les suites de la survenue d’un événement indésirable grave (EIG) associé aux soins ? Pouvez-vous nous faire part de votre expérience (ou de celle d’un confrère), en évoquant le rôle du médiateur en situation ?

J.-P. D. : Bien entendu, le médecin médiateur peut être sollicité par un patient qui juge que sa prise en charge n’est pas adéquate. Après avoir écouté le patient et/ou la famille, le médecin médiateur aura un rôle explicatif sur cette prise en charge (quoiqu’il ne soit pas à même de dire si celle-ci est optimale).
Dans le cas de survenue d’un EIG, le rôle du médecin médiateur est différent. Il ne peut que reconnaître que le patient a été victime d’un EIG. Bien entendu, il doit lui expliquer pourquoi cet événement est survenu, qu’elle en est ou en seront les conséquences. À ce stade, il est difficile de ne pas évoquer une indemnisation du préjudice, qui est souvent demandée par le patient. Le rôle du médiateur devient alors celui du conseil : vers quel organisme se tourner pour éviter des démarches longues, parfois coûteuses, en ayant à l’esprit que le patient ne doit pas, en plus, souffrir d’une procédure lourde, avec de nombreux déplacements. Des solutions existent. Elles doivent être présentées, expliquées.
Ce qui est satisfaisant pour le médecin médiateur, c’est quand un patient ayant eu un EIG garde une confiance totale en l’équipe qui le suit, et qu’il ne souhaite pas en changer alors que sa prise en charge s’annonce longue, ou à vie. Ou quand un patient ayant eu un EIG accepte de devenir « patient expert » pour apporter son témoignage aux équipes de soins, aux autres patients lors de colloques ou de réunions de service. Cet engagement permet souvent de modifier des pratiques professionnelles et de montrer que l’annonce d’un EIG, même si c’est difficile, peut avoir des effets bénéfiques pour tous.

Propos recueillis par les éditions Lamarre

Se procurer le livre « Droit et place des personnes soignées à l'hôpital ».
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